« Le Porteur d’histoire »

Une pièce d’Alexis Michalik mis en scène par Julie Mauduech avec « Les Comédiens »

— Par Selim Lander —

Une pièce couronnée par deux Molières, qui a connu plus de 3500 représentations au cours des dix années et qui est sans cesse reprise ne peut pas être une mauvaise pièce ! Dans un article rédigé à l’occasion d’une précédente représentation à la Martinique, par une autre troupe, nous avons déjà raconté tout ce que l’on pouvait dire de l’intrigue sans la gâcher, une histoire compliquée au demeurant, avec des allers-retours incessants entre des époques (le temps des croisades, le XIXe siècle, aujourd’hui) et des lieux différents (les Ardennes, l’Algérie, Paris). Avec des livres, beaucoup de livres, un cercueil bourré de carnets secrets, un professeur et un voleur de voitures (et même d’avion !), une aristocrate et un ministre de la guerre, Alexandre Dumas et Eugène Delacroix, un fossoyeur et une tenancière de bistrot, une mère et sa fille qui ont soudainement disparu de leur domicile, etc.

À propos d’Alexandre Dumas, Michalik rapporte cette anecdote célèbre. À quelqu’un (le duc de Polignac dans la pièce) qui l’aurait insulté en raison de ses origines mélangées, il aurait répondu ceci : « Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père un singe. Vous voyez, ma famille commence où la vôtre finit ! » C’était, en effet, bien envoyé.

Julie Mauduech a d’abord connu une brillante carrière de comédienne (dans des films de Mathieu Kassowitz (Métisse, La Haine) et d’autres, puis de costumière à Paris, avant de s’installer à la Martinique, le pays de sa mère. Elle y tient une école d’acteurs, « Les Comédiens », avec lesquels elle présente chaque année une pièce.Cela explique la distribution de onze comédiens au lieu des cinq prévus par Michalik), sans épuiser pour autant le nombre des personnages si bien que, en dehors du narrateur (« le porteur d’histoire »), chacun doit endosser plusieurs rôles.

On ne saurait avoir les mêmes exigences envers une troupe d’amateurs que pour des professionnels. On ne s’attend pas à de stupéfiantes performances d’acteurs (même si cela arrive plus souvent que ce que l’on croit, la frontière entre l’amateur et le professionnel n’ayant rien d’absolu) mais on attend que le texte soit bien restitué et que les caractères des personnages ne soient pas trahis. À cet égard, le contrat est rempli et les spectateurs sont repartis satisfaits (et même pour certains d’entre eux enthousiastes, à en croire les cris à la fin).

Mettre en scène une telle pièce avec ses constants allers-retours entre les lieux et les époques est un défi encore plus difficile à relever avec des amateurs mais ceux-ci s’en sortent passablement, on l’a dit. Bien sûr les costumes doivent être simplifiés et les accessoires réduits au minimum (chacun se chargeant d’apporter sur la plateau puis d’emporter celui qui le concerne). Le fond du décor est constitué d’un rideau représentant une bibliothèque chargée de livres, du plus bel effet, et l’on admire particulièrement le premier tableau, initialement muet mais qui reviendra pas la suite, qui présente des comédiens assis portant un masque blanc et tenant dans leurs mains des livres ouverts en éventail éclairés de l’intérieur.

Le Porteur d’histoire d’Alexis Michalik mis en scène par Julie Mauduech avec « Les Comédiens » : André Brosse, Ivane Chatot Henry, Jessica Crillon, Marilyn Denève, Nathalie Ducalcon, Hélène Eguienta, Nicola Pierrel, Pascale Richard, Marizitta Véronique Roche, Rodrigue Techec et Caroline Toutain.

Théâtre municipal, Fort-de-Fance, du 13 au 15 mars 2025.