Les magistrats s’appuient sur un signalement de la Cour des comptes concernant les conditions de réalisation de ce centre pour la mémoire de la traite et de l’esclavage inauguré en 2015.
Le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire, sur la base d’un signalement de la Cour des comptes, sur les conditions de réalisation du Mémorial Acte (MACTe), également dénommé Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, inauguré le 10 mai 2015 par François Hollande. Cet impressionnant ensemble architectural – un enchevêtrement de racines d’argent posé sur un bloc de granit incrusté d’éclats de quartz symbolisant les âmes des esclaves morts – érigé dans la zone portuaire de Pointe-à-Pitre est né en 2004 de la volonté du président du conseil régional de la Guadeloupe de l’époque, Victorin Lurel, figure emblématique du Parti socialiste guadeloupéen, qui en a attentivement suivi l’évolution tout au long des travaux.
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Par un courrier du service d’enquêtes judiciaires des finances de Fort-de-France en date du 28 novembre, dont Le Monde a pris connaissance, le PNF demande au conseil régional de la Guadeloupe de lui fournir tous les documents nécessaires. Il cherche notamment à obtenir des précisions concernant la convention par laquelle le programme opérationnel du Fonds européen de développement régional (Feder) a participé au financement de l’opération, ainsi que les documents relatifs à la passation des marchés publics, à l’examen des offres et au suivi technique et financier. Les investigations portent également sur la gestion et l’exploitation du MACTe pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017.
« Dérives et irrégularités coûteuses »
Dans son rapport annuel publié le 6 février, la Cour des comptes avait estimé que la gestion de ce projet avait « donné lieu à des dérives et à des irrégularités coûteuses ». « Il a été marqué, ajoutait-elle, par une conception imprécise et par une programmation et une ingénierie peu rigoureuses. » Ainsi, elle relevait que le coût du mémorial, évalué à l’origine à 21 millions d’euros, avait finalement atteint 76 millions d’euros. Une réaffectation de crédits du Feder, initialement destinés à un projet de plateforme de traitement de déchets ménagers, avait ainsi été décidée « à la hâte » en 2014, pour un montant de 17 millions d’euros sur un total alors réévalué à 41 millions.
La Cour des comptes relevait également « une absence fréquente de conformité des procédures de passation des marchés aux règles de la commande publique ». Et de continuer à égrener les « dérives » : « Les contrôles de l’autorité de gestion des fonds européens [à l’époque, le préfet] ont été défaillants. Des coûts excessifs ont été observés, par exemple en ce qui concerne la délégation de maîtrise d’ouvrage (1 627 jours, dont 1 300 non justifiés), la maîtrise d’œuvre, l’inauguration (2 millions d’euros pour quatre jours d’événement), la communication institutionnelle, ainsi que la gestion de l’exploitation de mai à décembre 2015 (5,5 millions d’euros). » Enfin, elle s’étonnait que la gestion de l’équipement ait été confiée, en définitive, à la société d’économie mixte (SEM) de la région « pour un coût de fonctionnement annuel très élevé, à l’issue d’un appel d’offres dont cette société était le seul soumissionnaire ».
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