— Par Yves-Léopold Monthieux —
Lorsque, s’ouvrant à ses visiteurs du Robert, Edouard de Lépine regrettait que le mot autonomie ne fasse plus partie depuis 30 ans du vocabulaire du PPM, jusqu’à ne plus figurer dans les colonnes du Progressiste, il ne s’attendait certainement pas à ce qu’il resurgisse avec éclat lors du rassemblement du 12 décembre 2017 de Rivière-Blanche, à St Joseph. Avec éclat dès lors que cette résurrection s’accompagne de la proclamation par Serge Letchimy de la fin du moratoire. N’a-t-on pas ouvert la porte de Pandore, à l’occasion d’un évènement qui ressemblait davantage à une assemblée générale qu’à une convention ?
Le retour du PPM à ses fondamentaux
Les révélations sur l’autonomie de la Catalogne et la résurgence des idées séparatrices en Corse ont certainement aidé au rappel des fondamentaux du PPM d’avant le moratoire. Après que le président de la république a annoncé en Guyane que le sujet institutionnel pour les DOM était ouvert, ce qui n’est pas le cas pour la Bretagne ou le Pays Basque, le PPM a-t-il eu besoin d’indiquer au chef de l’Etat qu’il l’a entendu et qu’il est prêt à lui donner la main ? Comme le 24 janvier 2010, à Nicolas Sarkozy ? L’annonce de Serge Letchimy, dont l’objet n’aurait pas été discuté au sein du parti – en convention précisément -, avant d’être porté à la connaissance des militants puis au-devant de l’opinion, aurait fait sursauter l’ancien maire du Robert, présent à St Joseph. Celui-ci ne serait pas loin de penser que cette proclamation soit une erreur politique, en ce qu’il s’agit en fait de la réouverture du débat institutionnel. Tenant selon lui l’interprétation d’Aimé Césaire lui-même, le moratoire aurait vocation à se perpétuer jusqu’à l’adhésion totale du peuple à l’idée d’autonomie. C’est comme si c’est du peuple lui-même, de sa seule initiative (?), qu’il faudrait attendre la fin du moratoire.
Alfred Marie-Jeanne avait déjà mis fin au moratoire
En réalité, le moratoire n’est-il pas mort de sa belle mort dès les années 1990, tué par la reprise du processus institutionnel avec le rapport Lise-Tamaya instituant le congrès des élus, la conférence de Basse-Terre, les modifications apportées à la constitution en ses articles 73 et 74, puis les rendez-vous avec le peuple en décembre 2003 et janvier 2010 ainsi que la suppression du département-région et son remplacement par une nouvelle collectivité ? En prenant en marche le train institutionnel grâce à Nicolas Sarkozy qui avait posé cette fameuse seconde question du 24 janvier 2010, le parti progressiste martiniquais n’a-t-il pas pris acte de la fin du moratoire ? D’ailleurs, dès le lendemain du vote fut proclamée l’annonce d’une « 3ème voie » jamais explicitée, suivie par la fumeuse idée d’autonomie « constitutionnalisée ». Finalement, la proclamation de Rivière-Blanche semble avoir surtout servi à mettre un terme à ces embarrassantes nébuleuses institutionnelles que le PPM n’avait jamais su expliquer à la population et à confirmer que le moratoire n’était plus depuis longtemps à l’ordre du jour.
Au surplus, lorsqu’on sait que, contre l’avis du PPM, AMJ a été à la manœuvre à tous ces moments de l’évolution institutionnelle : le 7 décembre 2003 lors de la première consultation populaire, le 8 décembre 2008 au congrès puis le 10 janvier 2010 au sujet de l’article 74 lors de la seconde consultation populaire, il n’y a pas de doute que c’est l’actuel président de l’exécutif qui a mis fin au moratoire.
La relance du débat institutionnel est-elle la solution aux problèmes martiniquais ?
Ainsi donc, entraînant dans son sillage le groupe EPMN, le PPM semble vouloir remplir le vide laissé par le GRAN SANBLE qui s’est engagé auprès de la droite à suspendre toutes revendications statutaires jusqu’en 2021, terme de son contrat de mandature à la direction de la CTM. On sait que si un contentieux a pris naissance au sein du GRAN SANBLE, la loyauté de BA PEI A AN CHANS envers la majorité n’a jamais été prise en défaut. Celle-ci est même saluée comme se comportant d’une façon exemplaire au sein de l’union. Le GRAN SANBLE ira-t-il jusqu’à compromettre cette union ou se prononcer contre le désir du PPM, ou même contre la volonté de l’Etat de relancer la machine institutionnelle ? Par ailleurs qu’aurait à gagner le PPM à une éventuelle nouvelle confrontation avec la population ?
En 2010, AMJ avait été à l’origine de la consultation populaire, Serge Letchimy avait emporté la mise. Ce dernier peut-il, en revanche, convaincre les Martiniquais de l’accompagner dans une nouvelle aventure ? Ce sont des questions qu’on peut se poser en ce début de l’année 2018. Des circonstances particulières pourraient s’ajouter à des échéances attendues dont la mise en route du TCSP ne devrait pas être la seule à alimenter la controverse.
Fort-de-France, le 28 décembre 2017
Yves-Léopold Monthieux