—Par Mélanie Mermoz —
Destiné à informer plus clairement sur les qualités nutritionnelles des produits et à favoriser une alimentation saine, ce système d’étiquetage à 5 niveaux créé en 2017 s’est imposé comme un outil efficace pour les consommateurs. Une limite cependant, il ne s’agit que d’une démarche volontaire des industries agroalimentaires.
Cinq ans après sa mise en place en France, le Nutri-score va-t-il devenir obligatoire dans toute l’Europe ? D’ici à la fin de l’année, la Commission européenne devrait choisir le logo qui va être apposé sur les produits alimentaires afin d’informer les consommateurs de leurs propriétés nutritionnelles.
Une bataille feutrée a lieu dans les bureaux de la Commission européenne. Simple à lire, avec ses cinq lettres de A à E et ses couleurs allant du vert à l’orange foncé, Nutri-score a les faveurs de la communauté scientifique, mais aussi des associations de consommateurs. En effet, l’association française UFC-Que choisir et le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) plaident pour qu’il soit retenu.
En revanche, certains industriels agroalimentaires sont vent debout contre lui. Les arguments de leurs lobbyistes sur la défense des « produits du terroir » trouvent un écho certain dans le personnel politique. Ainsi, le 10 mai, plusieurs parlementaires français ont publié, dans « la Dépêche » une tribune entendant protéger notre patrimoine gastronomique contre le Nutri-score.
Un plus par rapport au dispositif européen
Confrontée à une forte augmentation de l’obésité au sein des pays membres, l’Union européenne a développé l’information sur les qualités nutritionnelles des produits alimentaires. En 2011, elle a adopté le règlement Inco : celui-ci rend obligatoire la déclaration nutritionnelle. Dans un même tableau lisible, doivent donc figurer la valeur énergétique et les quantités de lipides, d’acides gras saturés, de glucides, de sucre, de protéines et de sel. Quand on fait ses courses, il est toutefois compliqué de parcourir toutes ces étiquettes écrites en petites lettres pour choisir un produit bon pour la santé.
En 2016, dans le cadre de la loi sur la modernisation du système de santé, la France décide d’aller plus loin et de mettre en place un dispositif d’information plus lisible. Après de multiples concertations avec les industriels, les associations de consommateurs, le Nutri-score est mis en place via l’arrêté interministériel du 31 octobre 2017. Un bilan à trois ans de ce dispositif est prévu et publié en 2021.
En 2020, 50 % de produits alimentaires étiquetés Nutri-score
« Le Nutri-score est une amélioration française d’un algorithme utilisé par les autorités britanniques pour déterminer quels produits alimentaires pouvaient bénéficier d’une publicité en direction des enfants. Il a été un peu adapté pour tenir compte des habitudes alimentaires françaises », raconte Olivier Andrault, chargé de mission alimentation à l’UFC-Que choisir.
Le but de cet étiquetage n’est pas d’interdire les produits classés D et E, mais d’inviter à les consommer de manière modérée et à privilégier les produits classés A et B. Il s’inscrit dans les recommandations du programme national d’éducation à la santé (privilégier les produits bruts et non transformés, cinq fruits et légumes par jour). « Il permet de comparer des produits de même utilisation, et parfois de protéger les consommateurs des arguments fallacieux du “marketing santé” de certains industriels. », poursuit-il.
Pas question néanmoins de rendre obligatoire cet étiquetage ! L’apposition du Nutri-score se fait sur la base du volontariat. En septembre 2020, 500 entreprises agroalimentaires étaient engagées dans la démarche Nutri-score, ce qui représentait plus de la moitié des volumes de vente. « Les marques distributeurs affichent très majoritairement le Nutri-score, la proportion est plus faible chez les marques nationales », note Olivier Andrault.
La célèbre marque de pâte à tartiner très prisée des enfants refuse, par exemple, cet étiquetage : la lettre E orange foncé apposée sur ses pots ferait un peu désordre ! « Selon tous les acteurs industriels qui l’ont adopté, le Nutri-score est un outil incitatif efficace pour améliorer les qualités nutritionnelles d’un produit », souligne-t-il. 93 % des personnes interrogées connaissent le Nutri-score et parmi elles la moitié ont modifié leurs habitudes d’achat en fonction de celui-ci.
Levée de boucliers dans l’agro-industrie
Depuis son apparition en France en 2017, le Nutri-score a fait école. L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse l’ont adopté comme étiquetage nutritionnel officiel. Dans ces pays, les industriels peuvent toutefois en choisir d’autres, plus avantageux pour eux. En octobre 2021, le Parlement européen a adopté sa stratégie globale « farm to fork » (de la ferme à l’assiette). Elle prévoit qu’un étiquetage simplifié avec un code couleur soit apposé obligatoirement sur tous les produits alimentaires.
C’est une très mauvaise nouvelle pour les grands industriels aux produits dotés de piètres qualités nutritionnelles, qui n’ont pas hésité à s’allier avec les producteurs de denrées traditionnelles pour mener un intense lobbying. « L’Italie est très farouchement opposée au Nutri-score. Elle est désormais suivie par la Grèce. Des pays d’Europe centrale pourraient éventuellement les rejoindre et promouvoir un étiquetage beaucoup moins lisible pour les consommateurs ! », déplore Olivier Andrault.
Source : L’Humanite