— Par Antoine Perraud —
Gérald Darmanin croit pouvoir jouer avec le feu d’un mot. Mais c’est la langue qui se joue de lui, en révélant son indécence et sa vacuité de civilisé non avenu. D’où cet arrêt sur lexique, de Montaigne à Césaire, en passant par les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement et Bernard Cazeneuve.
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Voici les deux derniers paragraphes de cet article publié dans Mediapart le 29/07/20
Dans un tel monde saisi par une telle rage, la remarque imbécile et prétentieuse de Gérald Darmanin quant à « l’ensauvagement » joue sur du velours aussi écœurant que poussiéreux. Cela fait en effet 70 ans qu’Aimé Césaire, dans son Discours sur le colonialisme (1950), retournant comme des gants les mots et les préjugés, démontra avec force que le colonialisme « décivilise » le colonisateur et produit « l’ensauvagement du continent ». Césaire résumait en une phrase ce que les études décoloniales mettront un demi-siècle à élaborer : « On a cru n’abattre que des Indiens, ou des Hindous, ou des Océaniens, ou des Africains. On a en fait renversé, les uns après les autres, les remparts en deçà desquels la civilisation européenne pouvait se développer librement. »
M. Darmanin, qui toujours perd une occasion de se taire tant se réfréner n’est guère dans sa nature, se pose en piteuse leçon de chose anachronique, en croyant jongler avec un vocable dont le poison le dépasse. Il s’est gargarisé du mot « ensauvagement ». Il a bêtement illustré le constat prophétique d’Aimé Césaire – qui a heureusement échappé à la panthéonisation sarkozyste. Ses lignes n’ont pas pris une ride depuis le Discours sur le colonialisme et tamponnent notre terrible aujourd’hui : « Chaque jour qui passe, chaque déni de justice, chaque matraquage policier, chaque réclamation ouvrière noyée dans le sang, chaque scandale étouffé, chaque expédition punitive, chaque car de C.R.S., chaque policier et chaque milicien nous fait sentir le prix de nos vieilles sociétés. »
Source : Mediapart