Streitti, La confrontation (Lémistè IV) Monchoachi
Vient de paraître et disponible en librairie, le dernier ouvrage de Monchoachi intitulé STREITTI, et sous-titré La confrontation. Après une courte présentation dans laquelle l’auteur pointe l’Occident, nous citons, « comme vecteur et véhicule du néant, opérant par l’anéantissement des choses (ba-gaye, les dons égayés) auxquels il substitue les objets déchets (prend-jeté) : toute chose s’absente laissant place au « réel » », Monchoachi poursuit : « le nihilisme pointe derrière la négation de la chose, sa dissolution en un conglomérat d’atomes, la chose que beauté seule préserve qui, en le scintillement de son articulation à l’espace, libère là une claicie ». De la numérotation de la lettre en l’ère informatique, le monde se vitrifie en se commuant irrésistiblement en nombre. Le nombre qui implacablement uniformise ».
Se pose alors la question suivante à partir de laquelle l’ensemble de l’ouvrage va quêter en d’inlassables cheminements : « le dit « homme » aujourd’hui a-t-il encore assez parole répondre à l’adresse de l’ère qui présentement s’installe ? A-t-il encore assez parole, « l’homme », pour se retourner, s’éjecter hors du renfermement dans un espace-temps propice à son essor, jointé à toutes les dimensions et à toutes les énergies de son coté prope (…) .»
Le lecteur pourra goûter de la force d’un écrit qui, se nourrissant d’une pensée accordée à une écriture en laquelle la présence constante de la langue créole confère l’éclat du parler, par ce court extrait :
« entre deux lacaye le monde se déploie. entre
deux miroirs. l’oiseau (l’ange) vole entre deux eaux.
le monde s’estompe et se dévoile;
deux visages pile face
haut et bas mayamba.
Messager du monde : » Faisons l’homme ». traverser le rideau.
l’inouï sourd de la gorge, souffle de vie
la Grande voix murmure au creux de l’oreille,
feu dévorant
brisant les blocs de pierre :
oreilles bouchées, yeux clos.
la voix heurte
heurte et cogne contre les lèvres.
maison en construction sur le souffle
balancée pésée mains lévées,
chanté nan gòge, jété dleau : caye-la ka miroisé
rose en mitan rasiers,
maison sise sur cinq brèches, cinq sépales,
claicies du temps et de l’espace creusées dans le silence,
en ce palais qui tout enferme
et à son ombre tout abrite, que seul baiser,
flamme sainte
éveille et ouvre à la lumière. lumière des choses ».
Une dernière chose, et non la moindre, qu’il faut savoir en abordant cet écrit : sa composition très particulière. Monchoachi alterne en effet constamment dans cette œuvre ses propres développements avec un choix d’extraits des écrits de la Kabbale juive dont on sait, dit-il, « les vibrations mystiques » . Cela va du Zohar au Bahir en passant par Abraham Aboulafia jusqu’au Sefer Yetsirah final : « Et avant un, que comptes tu ? » venant ponctuer La parole silencieuse. Il en donne d’ailleurs la raison considérant que le monothéisme hébraïque constitue « l’autre versant de l’élan constitutif de la civilisation occidentale, conduisant actuellement le monde et ce, depuis plus de deux millénaires, au néant ».
Voilà ce qu’il est possible de dire en terme de courte présentation d’une œuvre qui mérite, est-il nécessaire de le préciser, toute l’attention, et qui s’inscrit, on s’en est probablement aperçu, mais selon son mode et avec sa force propres, dans le monde présent, comme toute véritable pensée-poésie sait le faire ou devrait savoir le faire.
Monchoachi, STREITTI, La confrontation, aux éditions Obsidiane, 150 pages.
Photo de C. Geber