— Par Sarha Fauré —
Dans les méandres tumultueux de l’histoire récente du Mémorial ACTe, chaque épisode semble révéler une nouvelle facette des dysfonctionnements qui ont sapé les fondations de cet édifice culturel. Depuis son inauguration en grande pompe en 2015, avec la présence du président Hollande et d’éminents dignitaires de la Caraïbe, le musée a oscillé entre espoirs et désillusions, laissant entrevoir une vision ambitieuse de réconciliation et de transmission de mémoire qui, hélas, peine à se concrétiser.
Au cœur des tourments du Mémorial, l’affaire Laurella Rinçon cristallise les tensions et révèle les failles béantes de gouvernance. Ancienne directrice générale, elle incarne à la fois les espoirs placés en elle lors de sa nomination et les déceptions qui ont suivi. Condamnée pour favoritisme dans des marchés publics, son parcours tumultueux est symptomatique des luttes de pouvoir et des conflits d’intérêts qui ont secoué l’institution.
Pourtant, les problèmes du Mémorial ne se limitent pas à une seule personne. Les rapports accablants de la chambre régionale des comptes soulignent une myriade de problèmes structurels : une exposition permanente souvent inaccessible, des collections en péril faute de moyens et d’entretien, une intégration insuffisante dans le tissu touristique local. Autant de maux qui minent la crédibilité et l’efficacité de l’établissement.
Mais au-delà des chiffres et des rapports, c’est le récit d’une lutte de pouvoir acharnée qui émerge. Les rivalités entre la direction et le conseil d’administration, notamment avec la région Guadeloupe, révèlent les enjeux politiques et financiers qui sous-tendent les décisions. L’ingérence régulière dans les affaires du musée, dénoncée par certains, pose la question fondamentale de l’indépendance et de l’autonomie de l’institution.
Pourtant, malgré ces obstacles, des voix s’élèvent pour défendre le Mémorial ACTe. Des acteurs locaux, des membres du personnel, des partisans de Laurella Rinçon, tous témoignent de l’importance symbolique et historique de cet établissement. Ils appellent à la réhabilitation de sa mission première, à la préservation de sa vocation mémorielle et éducative, dans un contexte où la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage demeure cruciale pour la compréhension du passé et la construction de l’avenir.
Ainsi, dans l’ombre des scandales et des conflits, le Mémorial ACTe tente de se réinventer, de panser ses blessures et de retrouver sa voie. Les réformes en cours, les projets de relance et les espoirs placés dans de nouveaux dirigeants reflètent une volonté de redonner vie à ce lieu emblématique, de renouer avec sa mission originelle et de réaffirmer son rôle central dans la transmission de la mémoire collective. Seul l’avenir dira si ces efforts seront couronnés de succès, si le Mémorial ACTe parviendra à surmonter ses épreuves et à retrouver sa place dans le paysage culturel et mémoriel de la Guadeloupe et au-delà.