— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Dans le contexte actuel, tant en politique que dans le monde de l’entreprise, notamment aux Antilles, il apparaît que l’autorité est de plus en plus contestée, voire dénigrée vertement . Cette évolution des rapports hiérarchiques, notamment entre les dirigeants et les subordonnés, reflète un changement profond dans les comportements, particulièrement accentué par l’arrivée des nouvelles générations en politique et sur le marché du travail. Les exemples récents, que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, soulignent cette dynamique de plus en plus répandue d’une perte de respect vis-à-vis de l’autorité, à laquelle se mêle un climat de défiance et d’agressivité.En Guadeloupe, lors des négociations liées à la grève à EDF Archipel Guadeloupe, un fait notable a émergé : les discussions ont été brusquement interrompues par le syndicat FE-CGTG, exigeant la présence d’un interlocuteur directement venu de Paris. Cette demande explicite de mise à l’écart de la directrice régionale guadeloupéenne , traduit une remise en question non seulement de son autorité, mais aussi de sa légitimité en tant que cadre supérieur local d’une grande entreprise .
La direction nationale d’EDF a d’ailleurs dénoncé cette attitude, apportant un soutien ferme à la directrice, pourtant mise à l’écart dans ce conflit. Ce genre de comportement, où l’on refuse d’entamer des discussions avec des cadres supérieurs locaux pour exiger des interlocuteurs de « l’extérieur », révèle un manque de considération et de respect, accentué par une défiance systématique envers les figures d’autorité locales.Ce climat de défiance n’est pas propre à la Guadeloupe. En Martinique, les tensions entre le président de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), Serge Letchimy, et des syndicats, illustrent encore une fois cette érosion du respect pour les autorités en place. Lors d’une réunion particulièrement tendue avec les syndicats, des accusations mutuelles d’agressions physiques ont été échangées entre le président Serge Letchimy et le secrétaire général du syndicat FA territorial Martinique. Les faits qui ont précédé cette altercation sont tout aussi révélateurs : le responsable et son syndicat avaient diffusé des tracts contenant des propos injurieux et racistes, comparant notamment les agents de la CTM à des esclaves et la collectivité elle-même à une plantation. Ces termes, offensants et provocateurs d’après serge Letchimy, ont suscité une vague d’indignation au sein de la CTM, qui a réagi en déposant une plainte.
Pourtant, la répétition de ces propos dans des communiqués ultérieurs, allant jusqu’à qualifier le président de la CTM d’esclavagiste, montre une volonté de remettre en cause non seulement son autorité, mais aussi l’intégrité morale des dirigeants politiques locaux. Cette rhétorique virulente fait écho à une radicalisation du discours et à une forme de rébellion contre toute forme d’autorité, souvent perçue comme oppressive ou déconnectée des réalités locales comme le prouvent les propos et le comportement irrespectueux du leader du RPPRAC envers le préfet mais également envers le président Letchimy .Ces deux exemples, en Guadeloupe et en Martinique, sont révélateurs d’un malaise plus profond dans les rapports entre les autorités et les acteurs citoyens et syndicaux ou les employés.
L’arrivée des nouvelles générations, notamment sur le marché du travail, semble accentuer cette dynamique. Les jeunes travailleurs, souvent mieux informés, plus critiques et plus engagés dans la défense de leurs droits, n’hésitent plus à défier les figures d’autorité, qu’elles soient politiques ou managériales. Ce changement de comportement s’exprime par des actions directes, des refus d’obéissance ou des critiques publiques acerbes, comme celles observées dans les exemples précédents. En outre, l’accès à l’information, la montée des réseaux sociaux et la possibilité d’exprimer librement ses opinions ont contribué à amplifier cette contestation de l’autorité, qui se traduit parfois par une absence totale de respect pour les hiérarchies établies et aussi par une exacerbation de la violence des jeunes. Il serait cependant réducteur d’attribuer uniquement cette situation à la seule révolte des nouvelles générations.
La défiance vis-à-vis de l’autorité découle également des pratiques managériales et politiques qui, ces dernières décennies, ont souvent renforcé un sentiment de déconnexion entre les dirigeants et la base. En Guadeloupe comme en Martinique, les exemples abondent de décisions prises à Paris, sans consultation locale, ce qui nourrit un ressentiment profond et une volonté de se rebeller contre un pouvoir perçu comme lointain et insensible aux réalités des territoires. Les cadres locaux, bien qu’étant eux-mêmes Antillais, se retrouvent parfois pris entre deux feux : accusés de représenter les intérêts de la métropole, ils deviennent la cible de critiques virulentes ( nég a blan) de la part de leurs propres concitoyens. Enfin, cette situation est exacerbée par des tensions historiques et sociales spécifiques aux Antilles, où la question de l’autorité renvoie souvent à des blessures profondes liées à l’histoire esclavagiste et coloniale et à la question toujours brûlante des rapports de pouvoir entre la « métropole » et les départements d’outre-mer. Les accusations portées contre Serge Letchimy ou Gaëlle P. la directrice de EDF ne peuvent être comprises sans tenir compte de cette dimension historique, où la défiance envers les figures d’autorité fait écho à un rejet plus large d’un pouvoir perçu comme descendant, paternaliste, voire néocolonial.
Ainsi, la perte du respect pour l’autorité aux Antilles, que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, s’inscrit dans un contexte complexe mêlant des facteurs générationnels, sociaux , sociétaux , et historiques. Ce phénomène, loin d’être anecdotique, traduit une profonde remise en question des structures hiérarchiques traditionnelles, tant dans le monde politique que managérial. Si les dirigeants locaux, qu’ils soient élus ou cadres d’entreprise, sont désormais confrontés à une contestation grandissante de leur autorité, il devient urgent de repenser le Tempo de la mise en œuvre du modèle de responsabilité locale envisagé par les élus locaux ainsi que les modes de gestion managériale et de gouvernance , afin de rétablir d’abord la fermeté dans les décisions , d’imposer un changement des mentalités, mais aussi instaurer un dialogue apaisé à travers l’application du management par objectif , fondé sur l’amélioration de la productivité au travail et le respect mutuel . Pour autant, il faut également prendre en compte la reconnaissance des spécificités locales , et en finir avec l’adage créole le « neg pé pa dirigé neg« et qui pousse nombre de cadre dits autochtones à se sous-estimer et penser devoir leur place qu’à une faveur du patron métro qui leur serait faite. et ce nonobstant la valeur reconnue des compétences intrinsèques des cadres Antillais. En somme, nous devons agir pour mettre un terme à l’entendement de ce proverbe créole :
» konplo a nèg sé konplo a chyen «
Jean marie Nol économiste