— Par Roland Sabra —
« le Jour où Nina Simone a cessé de chanter » | © Sylvie Biscioni
Alain Timar, le metteur en scène avignonais, est de retour en Martinique. Avec un texte de de Darina Al Joundi et Mohamed Kacimi : « Le jour où Nina Simone a cessé de chanter ». Alain Timar est un élément du « Tout-monde » cher à Edouard Glissant. S’il y a des lignes de forces dans ses choix, comme Jean Genet; Ionesco ou Samuel Becket dont on a eu la chance d’applaudir à Fort-de-France il y a déjà quatre ans « Fin de partie », il y a surtout dans son travail une ouverture à l’altérité, une sensibilité à la différence vécue comme une nécessité. Il monte des textes en hongrois, en américain, en tagalog, une langue des îles philippines. Il est aussi celui qui révèle, au public français, sept ans avant son prix Nobel de littérature l’écrivain Gao Xingjian.
« Le jour ou Nina Simone a cessé de chanter » c’est le jour où le père de la comédienne Darina Al Joundi a cessé de vivre. Ce père qui à l’image de sa propre vie a tracé pour elle un chemin de liberté dans une région du monde, le Liban, où s’affrontent en un combat à l’issue incertaine, modernité et obscurantisme, laïcité et intégrisme religieux. Ce père qui lui disait : « La religion, c’est pour les masses; on est son propre dieu. », ou encore à propos du Christ, qu’il admirait le comparant à Che Guevara : « un type qui offre du vin dans les noces de cana ne peut pas être foncièrement mauvais » Ce père donc l’a suffisamment aimé pour vouloir qu’elle devienne une femme libre. C’est un superbe hommage qu’elle lui rend, avec fureur, folie, passion, rires et larmes à travers un texte qu’elle a co-écrit avec l’écrivain d’origine algérienne Mohamed Kacimi. Celui-ci, lecteur assidu de la Bible, déraciné, figure rhizomatique, dramaturge reconnu mondialement, anime une association qui organise des résidences d’écriture internationales. Toujours ce besoin d’aller vers l’autre pour se trouver.
Elle est donc seule en scène, dans une robe rouge sur fond noir, un carré dessiné sur le sol pour tout espace de jeu. Elle nous dit l’urgence de la vie quand la mort rode, le dérisoire des désirs sous les bombes et l’impérieuse nécessité d’aimer la vie. Elle met en perspective, relativise, nous invitant par ce fait et sans nous faire la leçon, à un plus grande humilité face à nos petits soucis martinico-martiniquais.
Fort-de-France, le 01/11/2010
R. Sabra