Jusqu’au 17 décembre 2018
« Il faut faire quelque chose ». Co-directrice du Festival soufi de Paris et artiste designer, Amel Boutouchent est, avec Abdelhafid Benchouq, l’une des deux chevilles ouvrières de cette deuxième édition qui, du 28 novembre au 17 décembre, met en valeur les arts, la spiritualité mais aussi les valeurs du soufisme dans différents lieux de Paris et de la région parisienne.
« Traditionnellement, le soufisme est un cheminement intérieur qui ne se voit pas et ne s’expose pas. Mais nous avons été poussés à sortir de notre réserve par l’islamisme extrême », reconnaît la jeune femme. Après une première édition clairement engagée dans la cité, cette deuxième édition, qui s’est ouverte par une conférence de la sénatrice et présidente d’honneur, Bariza Khiari, et de l’initiateur du Festival de musique sacrée de Fès, Faouzi Skali, est centrée sur l’altérité.
Le soufisme, une mystique de l’islam
Chants, danses et poésie
« L’Un miroir de l’Autre » a été choisi pour thème des manifestations : lectures de contes, conférences à deux voix (comme celle que donneront, le 5 décembre au Collège des Bernardins, le dominicain Alberto Ambrosio et Jean-Jacques Thibon sur le soufisme et la mystique chrétienne), chants, danses ou encore expositions de photographies… Comme l’an dernier, le Festival s’achèvera par une « Nuit Rûmi », qui mêlera le chant, la danse et la poésie.
« Le festival soufi a trois vocations : artistique, en offrant un espace de visibilité et de création aux artistes soufis ; citoyenne, pour rappeler que les plus grands spirituels participent aussi à la vie civile ; et enfin spirituelle », synthétise Amel Boutouchent. Elle-même se rattache initialement à la voie soufie chadhilyyia – une voie plutôt sobre et traditionnelle, portée surtout sur la calligraphie et le chant – mais se sent « proche » aujourd’hui de toutes les confréries et souhaite leur offrir « plus d’occasions de se rencontrer ».
Fêter le mawlid, ou comment résister à l’interdit salafiste
Signe de ce désir de s’ouvrir à « l’Autre », le Festival s’adresse à tout public, musulman ou non.
Prendre ses distances avec les lectures rigoristes
L’enjeu est aussi de parvenir à toucher des musulmans non soufis, « en particulier des jeunes », reconnaît Abdelhafid Benchouk, également co-directeur de la Maison soufie, et membre de la confrérie naqshbandi. « Nous devons leur montrer que le soufisme n’est pas une déviation de l’islam mais au contraire qu’il en est le cœur ! »
Les deux fondateurs du Festival savent que le contexte est porteur pour un islam spirituel, car « depuis les attentats de 2015, certains ont voulu prendre leurs distances avec les lectures les plus rigoristes ».
« Nous devons aider les musulmans à découvrir une autre façon de vivre leur foi. Beaucoup aiment la musique et souffrent que certains imams leur interdisent d’en écouter. Cela les rassure de voir que des musulmans comme nous organisions des concerts », note encore Abdelhafid Benchouk. Comme me l’a dit un ami musulman récemment, ’’aujourd’hui, on n’a plus d’autre choix que d’être soufi !’’ »