Le Festival de Cannes : tout un programme!

Du mardi 14 mai au samedi 25 mai 2024

— Par Hélène Lemoine —

Un peu d’histoire

Le Festival de Cannes, incarnation du glamour et de la grandeur cinématographique, s’érige aujourd’hui en un événement culturel d’une importance mondiale incontestable. Sa réputation s’enracine dans une histoire riche, débutant officiellement en 1946, mais dont les prémices remontent à huit ans plus tôt.

En 1938, la Mostra de Venise, première compétition internationale dédiée au cinéma, subit les pressions politiques de l’Allemagne nazie, conduisant à une controverse majeure dans l’attribution des récompenses. Cet épisode déclenche le désir de créer un événement cinématographique libre de toute ingérence politique.

Philippe Erlanger, alors membre du jury français à la Mostra de Venise, envisage dès son retour en France l’organisation d’un festival cinématographique indépendant. Soutenu par des personnalités politiques françaises telles que Jean Zay et Albert Sarraut, le projet prend forme rapidement.

En mai 1939, Cannes est choisie comme ville hôte du festival, succédant à Biarritz, dans un contexte de rivalité avec Venise et d’aspiration à une aura hollywoodienne. Cependant, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale anéantit les espoirs d’une première édition réussie.

La guerre repousse l’inauguration du festival à 1946, date à laquelle le monde, encore sous le choc du conflit, découvre une manifestation cinématographique d’envergure internationale. Malgré les difficultés logistiques et financières, la première édition se révèle être un succès retentissant, marquant le début d’une tradition cinématographique prestigieuse.

Les premières éditions du Festival de Cannes se distinguent par leur caractère mondain, attirant les célébrités du monde entier sur le tapis rouge. Toutefois, la guerre froide exerce une influence palpable sur l’événement, avec des tensions diplomatiques entre les blocs Est et Ouest se manifestant à travers les films en compétition.

Dans les années 1950, le Festival doit également faire face à la montée en puissance de nombreux autres festivals européens, le contraignant à se réinventer pour maintenir sa prééminence. Malgré les défis, Cannes demeure un lieu de célébration du cinéma, couronnant des œuvres marquantes et accueillant les plus grandes stars de l’époque.

En 1955, le Festival introduit la Palme d’or, récompense suprême décernée au meilleur film de la compétition, marquant une étape significative dans son évolution. À partir de ce moment, Cannes consolide sa réputation de rendez-vous incontournable pour le cinéma mondial, continuant à influencer et à inspirer les cinéastes et les cinéphiles du monde entier.

Les années Malraux

Les années Malraux ont marqué un tournant audacieux dans l’histoire du Festival de Cannes. Sous la direction d’André Malraux, ministre des Affaires culturelles, le Festival s’est ouvert à une nouvelle génération de réalisateurs français, mettant en avant des films engagés et avant-gardistes tels que « Hiroshima mon amour » et « La Religieuse ». Cette sélection, comprenant également des œuvres controversées comme « La Dolce Vita » et « Viridiana », a suscité des débats et a contribué à braquer les projecteurs sur Cannes.

Parallèlement à ces sélections audacieuses, Malraux a reconnu l’importance de l’aspect industriel du cinéma. En 1959, il a officialisé le Marché du film, permettant aux professionnels de l’industrie cinématographique de collaborer et de développer leurs projets. Cette initiative a renforcé le rôle du Festival dans le développement de l’industrie du film.

Cependant, les années 60 ont également été marquées par des périodes de contestation, notamment en mai 1968. Malgré les manifestations sociales, le Festival a maintenu ses projections, mais a été confronté à des démissions de membres du Jury et au retrait de certains réalisateurs. Finalement, en 1969, le Festival a été interrompu après que plusieurs cinéastes ont empêché la projection d’un film.

Face à ces défis, les organisateurs du Festival ont compris la nécessité de se moderniser et d’adhérer aux idées en vogue, notamment en matière de liberté de création au cinéma. Les sélections des années suivantes ont reflété cet état d’esprit contestataire, récompensant des films engagés comme « Easy Rider » et « Z ». Le Festival a également diversifié sa sélection, introduisant de nouvelles catégories de films telles que « Perspectives du cinéma français » et « Les Yeux fertiles ».

Sous la présidence de Robert Favre Le Bret et la direction de Gilles Jacob, le Festival a continué à évoluer, mettant en avant de nouveaux talents et introduisant de nouvelles initiatives telles que la starisation du Jury et la création du prix de la Caméra d’or. Malgré les défis, le Festival est resté un événement incontournable dans le monde du cinéma, attirant des stars internationales et contribuant à promouvoir des films du monde entier.

Les années Malraux ont été une période de transformation et d’innovation pour le Festival de Cannes, marquées par des sélections audacieuses, des moments de contestation et une évolution constante vers une nouvelle identité internationale.

L’âge moderne

Sous la direction de Gilles Jacob et Pierre Viot, le Festival de Cannes des années modernes s’est affirmé comme un tremplin pour les nouveaux talents et un bastion de la liberté d’expression. Des cinématographies du monde entier ont trouvé une tribune à Cannes, avec l’entrée de pays comme les Philippines, la Chine, Cuba et l’Inde dans les sélections. Des réalisateurs émergents tels qu’Alain Corneau, André Téchiné et Lars Von Trier ont été révélés aux côtés de maîtres du cinéma tels que Sergio Leone, Woody Allen et Akira Kurosawa.

Les années 80 ont été marquées par des moments mémorables, comme l’hommage à Federico Fellini lors du 40e anniversaire du Festival en 1987 et la controversmou remportant la Palme d’or. Pendant ce temps, le cinéma indépendant américain a émergé sur la Croisette, avec des réalisateurs comme les frères Coen et Quentin Tarantino remportant des prix prestigieux.

Les sélections cannoises ont continué à refléter les débats de l’époque, abordant des questions sociales et politiques avec des films tels que « La Haine » de Mathieu Kassovitz et « Welcome to Sarajevo » de Michael Winterbottom. Des événements spéciaux comme la Leçon de Cinéma, inaugurée par Francesco Rosi en 1991, ont offert aux cinéastes l’occasion de partager leur vision du cinéma et leur parcours artistique.

L’âge moderne du Festival de Cannes a été caractérisé par une ouverture accrue aux cinématographies du monde entier, un engagement en faveur de la liberté d’expression et une célébration des nouveaux talents, tout en maintenant sa position de premier plan dans l’industrie cinématographique mondiale.

Le cinquantenaire

Le Festival de Cannes célèbre son 50e anniversaire avec éclat, réunissant tous les réalisateurs primés par la Palme d’Or pour remettre la « Palme des Palmes » à Ingmar Bergman. La décennie se termine avec Youssef Chahine recevant le Prix du 50e anniversaire pour son film « Destin » et le partage de la Palme d’Or entre « Le Goût de la cerise » d’Abbas Kiarostami et « L’Anguille » de Shohei Imamura.

Dans les années suivantes, sous la direction de Gilles Jacob et Thierry Frémaux, le Festival s’engage résolument vers l’avenir. En 1998, la Cinéfondation est créée pour soutenir les jeunes talents du cinéma mondial, suivie de La Résidence en 2000 et de L’Atelier en 2005 pour faciliter l’écriture et le financement des films.

Le nouveau millénaire voit une équipe remaniée à la tête du Festival, avec Gilles Jacob élu président et Thierry Frémaux nommé délégué général. Le Festival se modernise pour s’adapter aux enjeux technologiques et aux nouveaux défis de l’industrie cinématographique. Le Marché du Film se développe, avec l’ouverture du Village international en 2000, et le Festival inaugure de nouvelles initiatives telles que « Cannes Classics » en 2004 et « 3 jours à Cannes » en 2019 pour promouvoir la cinéphilie.

En 2007, pour son 60e anniversaire, le Festival réunit 33 grands réalisateurs pour le film anniversaire « Chacun son cinéma » et organise un colloque sur les enjeux du cinéma de demain. Thierry Frémaux est nommé délégué général en 2007, et Pierre Lescure devient président en 2014, succédant à Gilles Jacob.

En 2017, le Festival célèbre sa 70e édition avec un photo-call exceptionnel réunissant une centaine d’artistes. Au cours des deux dernières décennies, Thierry Frémaux a guidé le Festival dans de nouvelles directions, comme la création de « Cannes Classics » et « Cannes Court Métrage », ainsi que l’expansion internationale du Festival à travers des événements comme la « Semana de Cine del Festival de Cannes » à Buenos Aires et la « Cannes Film Week » à Hong Kong.

Malgré l’annulation de l’édition 2020 en raison de la pandémie de coronavirus, le Festival a soutenu l’industrie cinématographique avec une sélection spéciale de films sous le label « Cannes 2020 ». Le Marché du Film s’est également adapté avec succès à la version en ligne, permettant aux professionnels du monde entier de se retrouver virtuellement.

En 2024

Le monde du cinéma est en perpétuelle effervescence, et aucun événement ne symbolise mieux cette vitalité que le Festival de Cannes qui chaque année offre un aperçu captivant de la grandeur et de la diversité de cet événement emblématique.

Tentons maintenant de dévoiler les coulisses et les multiples facettes de cette célébration cinématographique d’envergure internationale.

Le cœur du Festival réside dans sa mission fondatrice : révéler et mettre en valeur des œuvres de qualité, favoriser l’évolution du cinéma et célébrer le 7ème art à l’échelle mondiale. Cette vocation persiste depuis des décennies et constitue le pilier sur lequel repose la renommée de Cannes.

La Sélection officielle, avec ses différentes sections, offre une vitrine à la diversité de la création cinématographique mondiale. Des films de renom côtoient des œuvres plus audacieuses, offrant ainsi une expérience cinématographique riche et variée aux spectateurs exigeants.

Les sélections non compétitives, telles que les films Hors Compétition ou les Séances Spéciales, élargissent encore davantage le champ des possibles, offrant une plateforme aux films « événements » et aux œuvres plus personnelles.

Le court métrage occupe également une place de choix à Cannes, tant à travers sa compétition que via des initiatives telles que le Short Film Corner, favorisant ainsi l’émergence de nouveaux talents.

Le Festival s’engage pleinement en faveur de la création en soutenant activement les cinéastes émergents à travers une multitude d’initiatives telles que la Caméra d’or ou la Compétition des courts métrages, contribuant ainsi à façonner le paysage cinématographique de demain.

Les « marches rouges » représentent l’épicentre médiatique de l’événement, symbolisant à la fois le glamour et la reconnaissance artistique qui caractérisent Cannes.

La dimension internationale du Festival est omniprésente, tant à travers la diversité des films sélectionnés que par la présence de professionnels et de médias du monde entier. Des initiatives telles que la Cannes Film Week témoignent de l’engagement du Festival à promouvoir la diversité culturelle et cinématographique à travers le globe.

Le Marché du Film, véritable pilier économique du Festival, contribue à dynamiser l’industrie cinématographique mondiale en favorisant les rencontres et les échanges entre professionnels.

Enfin, le Festival veille à maintenir un lien fort avec le grand public, que ce soit à travers des projections en plein air ou des initiatives telles que « Trois jours à Cannes », offrant ainsi à un large public l’opportunité de découvrir et d’apprécier le meilleur du cinéma mondial.

Ainsi se dessine le portrait d’un Festival de Cannes toujours aussi vibrant et essentiel pour le cinéma mondial, perpétuant avec brio sa mission fondatrice tout en se renouvelant constamment pour mieux refléter les tendances et les aspirations du 7ème art.

Le Programme 2024

Voici la sélection officielle de cette édition 2024 :

  • Les films en compétition 
    • The Apprentice de Ali ABBASI
    • Motel Destino de Karim AÏNOUZ
    • Bird de Andrea ARNOLD
    • Emilia Perez de Jacques AUDIARD
    • Anora de Sean BAKER
    • Megalopolis de Francis Ford COPPOLA
    • The Shrouds de David CRONENBERG
    • The Substance de Coralie FARGEAT
    • Grand Tour RAND TOUR de Miguel GOMES
    • Marcello Mio ARCELLO MIO de Christophe HONORÉ
    • Feng Liu Yi Dai de JIA Zhang-Ke (Caught by the tides)
    • All we imagine as light de Payal KAPADIA
    • Kinds of kindness de Yórgos LÁNTHIMOS
    • L’amour ouf de Gilles LELLOUCHE
    • Diamant brut de Agathe RIEDINGER
    • Oh Canada de Paul SCHRADER
    • Lomonov – The Ballad IMONOV de Kirill SEREBRENNIKOV
    • Parthenope de Paolo SORRENTINO
    • Pigen med nalen de Magnus VON HORN (The girl with the needle)
  • Un certain regard (réalisateurs débutants ou de films atypiques et novateur)
    • NORAH de Tawfik ALZAIDI | 1er film
    • THE SHAMELESS de Konstantin BOJANOV
    • LE ROYAUME de Julien COLONNA | 1er film
    • VINGT DIEUX de Louise COURVOISIER | 1er film
    • LE PROCÈS DU CHIEN de Laetitia DOSCH | 1er film (DOG ON TRIAL)
    • GOU ZHEN de GUAN Hu (BLACK DOG)
    • THE VILLAGE NEXT TO PARADISE de Mo HARAWE | 1er film
    • SEPTEMBER SAYS de Ariane LABED | 1er film
    • L’HISTOIRE DE SOULEYMANE de Boris LOJKINE
    • LES DAMNÉS de Roberto MINERVINI
    • ON BECOMING A GUINEA FOWL de Rungano NYONI
    • BOKU NO OHISAMA de Hiroshi OKUYAMA (MY SUNSHINE)
    • SANTOSH de Sandhya SURI
    • VIET AND NAM de TRUONG Minh Quý
    • ARMAND de Halfdan ULLMANN TØNDEL
  • Hors compétition 
    • She’s got no name de Chan Peter Ho-Sun
    • Horizon, An American saga de Kevin Costner
    • Rumours de Evan Johnson, Galen Johnson et Guy Maddin
    • Furiosa : une saga Mad Max de George MILLER
  • Séances de Minuit 
    • Twilight of the warrior walled in de Soi CHEANG
    • The surfer de Lorcan FINNEGAN
    • Les femmes au balcon de Noémie MERLANT
    • I, the executioner de RYOO Seung Wan
  • Cannes première 
    • Everybody loves Touda de Nabil AYOUCH
    • C’est pas moi de Leos CARAX
    • En fenfare de Emmanuel COURCOL
    • Miséricorde de Alain GUIRAUDIE
    • Le roman de Jim de Arnaud LARRIEU et Jean-Marie LARRIEU
    • Rendez-vous avec Pol Pot de Rithy PANH
  • Séances spéciales 
    • Le Fil de Daniel AUTEUIL
    • Ernest Cole, PHOTOGRAPHE de Raoul PECK
    • L’invasion de Sergei LOZNITSA
    • Apprendre de Claire SIMON
    • La belle de Gaza de Yolande ZAUBERMAN

Greta Gerwig, célèbre réalisatrice, scénariste et actrice américaine, sera la Présidente du Jury du 77e Festival de Cannes, succédant à une année 2023 marquée par le succès record de son film Barbie.

Figure emblématique de notre époque, Greta Gerwig bouscule les normes de l’industrie cinématographique et interpelle les enjeux contemporains. En l’espace de quelques années seulement, elle a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma américain et international.

En acceptant le prestigieux rôle de Présidente du Jury à l’âge de 40 ans, Greta Gerwig inscrit son nom dans l’histoire du Festival de Cannes, devenant la plus jeune personnalité à occuper cette fonction depuis Sofia Loren en 1966. Elle rejoint ainsi un groupe restreint de réalisatrices à avoir présidé le jury, après Jane Campion en 2014, et devient la deuxième Américaine à le faire après la légendaire Olivia de Havilland en 1965.

Hélène Lemoine (à partir du site du Festival)