« Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle » (The Right to Sex. Feminism in the Twenty-First Century), d’Amia Srinivasan, traduit de l’anglais par Noémie Grunenwald, PUF, 360 p., 24 €, numérique 20 €.
Résumé
Pourtant, le consentement est un outil insuffisant. Pour appréhender le sexe dans toute sa complexité – ses ambivalences profondes, son rapport au genre, à la classe, à la race et au pouvoir – l’autrice souligne la nécessité d’aller au-delà du » oui et non « , de l’acte voulu et du non désiré et interroge les relations tendues entre discrimination et préférence, pornographie et liberté, viol et injustice raciale, punition et responsabilité, plaisir et pouvoir, capitalisme et libération.
Ainsi, elle repense le sexe en tant que phénomène politique. Incisif et très original, Le Droit au sexe est un examen historique de la politique et de l’éthique du sexe dans ce monde, animé par l’espoir d’une autre sexualité possible.
Comment maintenir l’idée que le sexe serait exclusivement un acte privé, alors que nos préférences et nos pratiques sont façonnées par des forces extérieures ? Comment évacuer sa dimension politique, alors qu’il est le lieu de toutes les ambivalences, de la possible dissociation entre le plaisir et l’éthique ? C’est pour affronter ces questions qu’Amia Srinivasan, qui enseigne la philosophie politique, la théorie féministe et l’épistémologie à l’université d’Oxford (Royaume-Uni), choisit de considérer le sexe comme « chose publique ». Au fil des six articles qui composent Le Droit au sexe, l’autrice examine ainsi chacune des dimensions du rapport entre sexualité et politique, en s’intéressant au lien « entre le sexe et la race, la classe, le handicap, la nationalité et la caste » autant qu’« à ce qu’est devenu le sexe à l’ère d’Internet ».
L’horizon de l’égalité
Au cours de cet examen, la philosophe souligne l’impossibilité de penser que la sexualité contemporaine serait libre – comme le laisserait pourtant supposer l’idée d’une « libération sexuelle » advenue dans les années 1970. Car ce que sa minutieuse recherche permet de comprendre, c’est qu’une telle libération ne garantit aucunement la dimension égalitaire de la sexualité. Or, dans la perspective féministe qui est la sienne et qu’elle prend soin de définir non pas comme une « philosophie » ou un « point de vue », mais bel et bien comme un « mouvement politique qui vise à transformer radicalement le monde », seul l’horizon de l’égalité garantit la liberté.
Mais quelle égalité ? Celle des hommes et des femmes ? Pas seulement, répond Amia Srinivasan. Bien consciente qu’« une politique véritablement inclusive est une politique inconfortable, périlleuse », elle ne craint pas d’aborder les questions les plus épineuses. Oui, les fausses accusations d’agressions sexuelles existent. En revanche, elles concernent rarement ceux qui semblent les craindre le plus : aux Etats-Unis, selon des études statistiques citées par l’autrice, c’est majoritairement sur les hommes noirs et précaires qu’elles s’abattent. A chaque étape de son raisonnement, la philosophe refuse de céder aux fausses évidences.
Dans la lignée de Katherine Angel (Demain le bon sexe, Le Détour, 2022), elle se livre ainsi à une critique de la notion de consentement. Au cœur de tous les discours sur la sexualité depuis #metoo, elle reste, selon elle, un outil insuffisant. Pour replacer « nos désirs » au cœur de la sexualité autant que pour les politiser, elle se propose d’interroger le « train-train discriminatoire le long duquel [ils] circulent ». Pourquoi les corps qui ne correspondent pas à nos normes esthétiques sont-ils jugés indésirables ? Qu’est-ce qui nous empêche de considérer que les préférences individuelles relèvent d’une forme de discrimination ? Précise et nuancée, Amia Srinivasan complète néanmoins sa réflexion en refusant de penser un quelconque « droit au sexe » universel…
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« Le Droit au sexe. Le féminisme au XXIe siècle » (The Right to Sex. Feminism in the Twenty-First Century), d’Amia Srinivasan, traduit de l’anglais par Noémie Grunenwald, PUF, 360 p., 24 €, numérique 20 €.