Le 28 septembre est la Journée internationale pour le droit à l’avortement. À cette occasion, on fait le point en six questions sur la législation relative à l’IVG en France et sur le débat sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalisée depuis la loi du 17 janvier 1975 dite Loi Veil. L’intervention est aujourd’hui intégralement prise en charge par la sécurité sociale.
La loi autorise l’IVG dans deux cas de figure :
- si elle est pratiquée jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse ;
- pour des raisons médicales tout au long de la grossesse.
L’IVG est encadrée par des dispositions pénales, qui sanctionnent à la fois le non-respect des conditions de son exercice et l’entrave à la pratique de l’IVG.
Chaque année, environ 220 000 IVG sont pratiquées en France. Le nombre d’IVG a cependant augmenté en 2022 (234 000 IVG enregistrées).
Malgré la légalisation de l’IVG, certaines femmes rencontrent des difficultés d’accès à l’avortement. Un rapport de l’Assemblée nationale a listé les principales causes de ces difficultés d’accès :
- un faible nombre de médecins pratiquant les IVG en cabinet libéral. À cela deux raisons selon le rapport : cette activité est peu rémunérée et les médecins peuvent refuser de pratiquer les IVG en raison d’une double clause de conscience (la clause de conscience générale à laquelle s’ajoute une clause particulière définie à l’article L2212-8 du code de la santé publique selon laquelle « un médecin ou une sage-femme n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse« ) ;
- une répartition inégale des centres IVG sur le territoire ;
- la résurgence de mouvements politiques opposés à l’avortement (un délit d’entrave à l’IVG pour sanctionner certaines de leurs actions a été créé, ce délit d’entrave a été étendu par une loi de 2017).
La loi Veil de 1975 a dépénalisé l’avortement mais en encadrant sa pratique de contraintes fortes :
- l’état de grossesse devait placer la femme dans une situation de détresse. Cette mention a été supprimée en 2014 par la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ;
- l’autorisation parentale était obligatoire pour les mineures non émancipées. Désormais, une femme mineure peut recourir à l’IVG avec ou sans le consentement de ses parents, elle peut aussi bénéficier de l’anonymat total ;
- un délai de réflexion de sept jours minimum devait être respecté avant l’IVG. Ce délai imposé a été supprimé par la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement ;
- le délai légal de l’IVG était de 10 semaines de grossesse. Le délai légal a été prolongé jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse ;
- l’assurance maladie ne remboursait pas cet acte. La loi Roudy du 31 décembre 1982 a instauré le remboursement de l’IVG par la sécurité sociale.
Parmi toutes les conditions restrictives prévues par la loi de 1975, seule la double clause de conscience des médecins et du personnel soignant n’a été ni supprimée, ni assouplie. Pourtant, la liberté de pratiquer ou pas une IVG est déjà reconnue par la clause générale. Le rapport de l’Assemblée nationale souligne que la clause spécifique à l’IVG « contribue à faire de l’acte médical d’IVG un acte simplement toléré et non un droit à part entière, comme la loi le prévoit« .
Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a annulé l’arrêt Roe versus Wade de 1973 qui consacrait le droit à l’avortement au niveau fédéral. Désormais, chaque État peut décider d’interdire les avortements sur son territoire. Cette décision de la Cour suprême a montré qu’il était possible de revenir sur la reconnaissance d’un droit. Elle a ainsi fait écho à une citation attribuée à Simone de Beauvoir « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis« .
Le droit à l’avortement en France est reconnu par une loi ordinaire. Pour l’abolir, il suffit du vote d’une autre loi ordinaire. Pour protéger ce droit, il a été proposé de l’inscrire dans la Constitution dont la procédure de révision exige un accord large du Parlement (majorité des 3/5e du Parlment réuni en Congrès) ou un vote par référendum.
Le Parlement a débattu d’une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à l’IVG.
Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, en novembre 2022, prévoyait que « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Le texte voté ensuite par le Sénat en février 2023 prévoit, lui, que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».
Dans un discours prononcé le 8 mars 2023, le président de la République a annoncé la présentation, dans les prochains mois, d’un projet de loi constitutionnelle reconnaissant « la liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse ». Un projet de loi constitutionnelle peut être adopté par le Parlement réuni en Congrès alors que la proposition de loi constitutionnelle exige l’organisation d’un référendum.
La liberté de la femme à recourir à un IVG est déjà reconnue par le Conseil constitutionnel qui considère que cette liberté découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Le texte voté par le Sénat vise à consacrer cette liberté en interdisant au législateur de supprimer l’IVG ou d’y porter gravement atteinte.
L’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, telle que votée par l’Assemblée nationale, visait à le consacrer en tant que droit fondamental, protégé par la Constitution. La reconnaissance du droit à l’avortement en tant que droit fondamental est une garantie contre une régression de la législation, sur le modèle de l’interdiction de la peine de mort.
La différence entre liberté et droit n’est cependant pas forcément probante. Certains droits peuvent être moins protégés que certaines libertés.
Source : Vie-Publique