Sur fond de lutte politique, l’hyperinflation et la chute des prix du pétrole minent un pays très dépendant de ses exportations de brut
Le premier bras de fer entre le président vénézuélien, Nicolas Maduro, et son opposition, majoritaire au Parlement depuis mardi 5 janvier, est engagé. Il a pour enjeu la Banque centrale du Venezuela (BCV). Par décret-loi, signé cinq jours avant l’investiture de la nouvelle assemblée, M. Maduro s’est arrogé le droit de nommer le directoire et le président de la BCV, sans l’accord du pouvoir législatif.
Le 7 janvier, la Table de l’unité démocratique (MUD), qui regroupe tous les partis d’opposition, a fait savoir qu’elle entendait déroger à la norme et défendre l’autonomie de l’institution monétaire. » Ce n’est pas un jeu, la situation est très grave « , a souligné l’économiste José Guerra, un des nouveaux députés de la MUD.
Sur fond d’effondrement des prix du pétrole, le délabrement de l’économie vénézuélienne s’accélère. Le gouvernement Maduro continue, lui, de se poser en victime d’une » guerre économique » menée par ses adversaires politiques. La chute du produit intérieur brut (PIB), qui s’était établie à – 4 % en 2014, s’est amplifiée en 2015 à – 8 %, voire à – 10 % ; en fait, personne ne sait avec certitude.
Depuis février 2015, sous le prétexte de ne pas faire le jeu de cette » guerre économique « , la BVD ne publie plus ni le taux de croissance du pays, ni celui de l’inflation, ni celui de » pénurie » qui rend compte des problèmes de distribution des produits de base qui se traduisent par d’interminables queues devant les magasins.
Par deux fois en 2015, l’organisation Transparencia Internacional a tenté d’obtenir en justice que la BCV publie ses données, en invoquant le droit à l’information des citoyens. Sans succès. La transparence n’est pas le fort du gouvernement chaviste, les statistiques non plus. Mais les économistes de la BCV continuent de faire leur travail. Et une fuite a permis à la presse locale de révéler que l’inflation avait atteint 270,7 % au cours des douze derniers mois. Un record historique pour le Venezuela, un record mondial pour l’année 2015 et une fort mauvaise nouvelle pour M. Maduro. D’autant que la spirale inflationniste s’est s’accentuée. » La crise économique qui fait cœxister hausse des prix et étalages vides est la mère de la débâcle électorale subie par le Parti socialiste unifié du Venezuela aux élections législatives de décembre 2015 « , rappelle l’économiste chaviste Manuel Sutherland.
Phénoménal déficit budgétaire
Le décret-loi de M. Maduro légalise le silence de la BCV. L’institution monétaire est désormais en droit de classifier » confidentielles ou secrètes » les données qu’elle produit et d’en suspendre provisoirement la publication. L’Assemblée nationale ou ses commissions qui voudraient y avoir accès devront en faire la demande. Pour Luis Vicente Leon, directeur de l’entreprise de conseil Datanalisis, la réforme est » très exactement à l’opposé de ce qui est souhaitable, à savoir une banque centrale indépendante du gouvernement et sous le contrôle du Parlement « …