— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Les deux villes capitales des Antilles sont-elles virtuellement deux villes mortes, et là ce serait tout un symbole qui préfigure des lendemains qui déchantent en Martinique et en Guadeloupe. Deux villes où la vocation commerciale sautait auparavant aux yeux et ne se limitait pas aux formules toutes faites de « carrefour commercial », et maintenant coquille vide dans l’absolu actuel. Le résultat vient d’être constaté par l’INSEE : Fort-de-France et Pointe-à-Pitre se paupérisent plus vite et plus fort que les autres communes de. Martinique et Guadeloupe avec un cumul des signes de précarité et d’insécurité . À Fort de France comme à Pointe-à-Pitre , il flotte comme un criminel parfum de gâchis. Rétrospectivement on se dit que la chronique de cette mort annoncée s’est écrite depuis longtemps et à la vue de tous. Comme si tout le monde – des pouvoirs publics aux habitants en passant par les commerçants – avait regardé la lente descente aux enfers de leurs villes capitales , bras ballants, en pensant très fort : « Jusqu’ici tout va bien. ». Mais force est de constater que c’est à la fin des années 1990, qu’il aurait fallu refaire les rues et les commerces , les moderniser, les embellir, leur donner une touche esthétique qui puisse correspondre aux aspirations d’une ville touristique et qui s’accroche à ce qu’elle a : les vestiges historiques . A se demander s’il y a une véritable volonté d’améliorer la situation ? Aujourd’hui, le réveil est brutal. Demain, il est déjà trop tard. La crise est déjà là, mais on fait comme si de rien n’était.… Jusqu’ici tout va bien, donc selon certains responsables et citoyens utopistes . Deux villes respectivement capitale économique et administrative comme des dizaines d’autres communes de Martinique et Guadeloupe prises dans la tourmente de la crise financière , des déficits structurels( tels que 80 millions d’euros de déficit pour pointe à pitre, et plus de 55 millions d’euros pour Fort de France qui par ailleurs connaît une dette de 225 millions d’euros, soit 2.727 euros par habitant, la situant ainsi dans le peloton de tête de villes les plus endettées de France.) , de la baisse de la population, du vieillissement et de la fuite des jeunes. De fait, le constat est incontournable, ces deux villes capitales des Antilles françaises ne possèdent plus aucune marge de manœuvre sur le plan financier. Donc, dans ce cas, il faut s’attendre à une absence de politique publique dans les prochaines années. Comment en est-on arrivé à cette situation ? Avec ce contexte délétère le prix au mètre carré des logements s’effondre et les impôts locaux flambent .
Mêmes difficultés pour les commerces : « On a beaucoup de mal à en vendre ou à en louer, explique remy R , un ami commerçant de Pointe-à-Pitre qui a dû fermer boutique . Le centre-ville a été abandonné au profit des zones périphériques. La grande distribution maintient une pression phénoménale pour s’agrandir, s’implanter encore et toujours. La périphérie de la ville de Fort-de-France et de pointe à pitre est quadrillée de grandes surfaces. Mais le danger pointe également à l’horizon pour ces centres commerciaux. Les centres commerciaux connaissent des temps difficiles. Ces espaces de plusieurs milliers de m2 ne séduisent plus. En France, leur fréquentation aurait diminué de 1,8% en 2017 pour de nouveau atteindre -1,7% en 2018 selon le Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC).
Même le week-end du Black Friday n’a pas réussi à convaincre les français :-15% de visites sur l’ensemble du territoire !
Un constat préoccupant, qui touche aussi bien l’Hexagone que le reste du monde depuis plusieurs années. En effet, en 2018 , Jan Kniffen, analyste du commerce de détail, affirmait déjà qu’un tiers des centres commerciaux américains fermeraient d’ici les prochaines années. En France hexagonale ,200 d’entres eux seraient considérés comme étant “en danger”.
Il faudrait être benêt pour ne pas avoir compris aujourd’hui les désagréments qui s’annoncent dans la décennie pour les centres commerciaux en Martinique et en Guadeloupe . Cette situation globale attestée par les chiffres nécessiterait une réaction forte des représentants de l’économie, du commerce et de l’artisanat . Elle est illustrée concrètement par ces quelques images d’abandon commercial des deux villes telle que le simple promeneur peut les constater. On est loin de villes capitales d’art et d’histoire . S’ensuit alors un véritable cercle vicieux : à leur tour, d’autres magasins ferment aussi boutique, faisant alors augmenter le taux de vacance du centre. Le chiffre d’affaires global baisse, jusqu’à atteindre un point de non-retour. Sans parler du fait que de nombreuses personnes perdent leur emploi, les mettant ainsi dans une situation précaire.
Quelles sont les causes de cet essoufflement ?
L’e-commerce est en plein essor en Martinique et Guadeloupe.
L’un des premiers facteurs de cette décroissance du commerce est le boom du commerce en ligne, et les achats effectués à l’étranger lors de voyages ou encore de croisières.
L’e-commerce a changé le comportement d’achat des consommateurs. 51% d’entre eux déclarent privilégier le canal en ligne pour obtenir de meilleures offres tandis que 34% favorisent l’achat online pour gagner du temps et de l’argent .
L’accès à un choix plus large et la livraison à domicile sont eux aussi des raisons qui incitent les consommateurs à opter pour un achat sur un site marchand plutôt que de se rendre en boutique.
Je crois être lucide sur le jugement que je porte sur l’avenir . Je pense donc n’avoir pas choisi la dramatisation de la situation économique de Fort-de-France et Pointe-à-Pitre pour faire naître les inquiétudes, comme certains esprits chagrins vont s’echiner à le dire . Vu les attentes croissantes de la rue et la dégradation de l’environnement économique , la pression ne cesse de croître sur les entreprises qui tardent à s’adapter à la nouvelle donne économique et financière. Un choc financier paraît de plus en plus incontournable pour Fort-de-France et Pointe-à-Pitre … Dans les années qui viennent, de nombreuses entreprises connaîtront ainsi des transformations radicales.
Les investisseurs et les banques feraient bien de s’y préparer. S’ils attendent encore, c’est un choc financier «brutal, violent et désordonné» qui aura lieu d’ici à 2025, prédit un expert . Les avertissements antérieurs n’ont hélas pas suffi à endiguer la situation . Il faudra donc attendre le choc financier pour voir les entreprises récalcitrantes s’adapter à la nouvelle donne avec comme toujours un temps de retard en Martinique et en Guadeloupe par rapport à la France hexagonale. » Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise « ….( Jean Monnet) . Allez que dire de plus sinon … Chers Martiniquais et Guadeloupéens , dormez tranquille, l’État veille encore sur vous… Mais toute la question est de savoir jusqu’à quand ?…..
Jean-Marie Nol, économiste.