—Par Jean-Marie Nol, economiste —
Échec et mat pour les États-Unis première puissance mondiale. La guerre de 20 ans d’Afghanistan tourne à la déroute pour les américains qui ont dépensé là bas au bas mot plus de mille milliards de dollars pour soutenir soit disant l’éradication du terrorisme islamique et la restauration de la démocratie. Le résultat des courses est que le mouvement islamiste radical des Talibans revient au pouvoir, vingt ans après en avoir été chassé par une coalition occidentale menée par les Etats-Unis en raison de son refus de livrer le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Mais une question se pose déjà en dépit du retrait déjà préalablement négocié des forces armées des Etats-Unis . Comment une armée afghane quatre fois supérieure en nombre, entraînée, financée et équipée par la première puissance mondiale, les Etats-Unis, a-t-elle pu ainsi être mise en déroute aussi rapidement devant les Talibans ?
Ainsi, l’effondrement de l’armée régulière afghane et du pouvoir fantoche en place face à la progression fulgurante des talibans, est un terrible avertissement pour l’occident et ce alors même que l’évacuation précipitée des derniers ressortissants rappelle la chute de Saïgon, en 1975. Que nous apprend cette défaite de l’occident ?
C’est qu’on ne peut pas gagner des guerres asymétriques et cela l’occident semble pourtant l’ignorer en dépit des leçons de l’histoire . Débâcle en Afghanistan aujourd’hui, débâcle au Sahel (Mali, Niger, Burkina) demain.En France, cette leçon devrait pourtant être connue depuis la guerre d’Indochine et d’Algérie . De plus, la même erreur a été tragiquement répétée par les États-Unis au Vietnam (alors qu’il y avait le précédent français) et, plus récemment, en Afghanistan (alors qu’il y avait le précédent soviétique). Les pays occidentaux gagneraient beaucoup à cesser de s’immiscer dans la vie politique des autres pays notamment du tiers monde. Ils doivent impérativement cesser tout interventionnisme sous quelque prétexte que ce soit (imposer la démocratie, lutter contre le terrorisme) et enfin apprendre à respecter le droit des peuples à s’autodéterminer librement…. C’est cette cécité qui perdra l’occident et qui devrait permettre à la Chine de s’octroyer dans les toutes prochaines années la place de première puissance mondiale économique et militaire. Et trouver la parade à la domination de la Chine ne sera pas chose facile. Pour l’heure, la base de la puissance américaine, comme pour toutes les autres puissances du passé comme du présent, est économique : la richesse économique fournit les moyens des actions politiques et militaires et explique le rayonnement mondial, aussi il convient de replacer la crise de l’Afghanistan actuellement au niveau où elle doit l’être. Les États-Unis et l’Europe sont aujourd’hui dans une crise de civilisation. Mais le déclin n’est pas économique ni militaire car dans ces deux domaines, l’ occident domine encore le monde pour au moins deux décennies. Cependant nonobstant cette réalité, nous ne saurions trop conseiller aux dirigeants occidentaux de lire ou relire Machiavel. Nicolas Machiavel était un réaliste et un penseur politique hors pair, et ce qu’il nous dit dans Le Prince mérite d’être gravé au frontispice de tous les palais présidentiels ou gouvernementaux : « Les princes déchus sont ceux qui, durant le calme, ne se sont point inquiétés de la tempête. » En d’autres termes, explique le philosophe Roger-Pol Droit, « si le prince doit n’avoir qu’une vertu, c’est celle de savoir anticiper. Lorsqu’on prévoit le mal de loin, ce qui n’est donné qu’aux hommes doués d’une grande sagacité, on le guérit bientôt ; mais lorsque, par défaut de lumière, on n’a su le voir que lorsqu’il frappe tous les yeux, la cure se trouve impossible ». Et il n’y a plus rien à faire. Pour éviter de nouvelles déconvenues, les États-Unis devrait reconsidérer toute leur politique étrangère notamment en Asie et la France gagnerait à s’inspirer des leçons de gouvernance de Machiavel et ainsi revoir totalement sa stratégie anti-jihadiste et surtout l’opportunité de sa présence en Afrique subsaharienne. “ Celui dont la pensée ne va pas loin verra ses ennuis de près.”… Confucius
Jean-Marie Nol économiste