D’après un texte de Hughes Jallon
— Par Michèle Bigot —
L’intention est belle ; cette idée de touristes occidentaux isolés du monde dans un village de vacances pour CSP+, et n’ayant d’autre objectif que de tenir à distance le stress, la fatigue et les ennuis du monde moderne, pendant qu’à la porte de l’hôtel gronde la révolution a de quoi enchanter. Le soleil, la détente, le « lâcher-prise », et toute une organisation visant à vider les esprits et à laisser vivre les corps dans leur plus entière sensualité ; on sent bien que tout cela prête à une satire féroce des poncifs d’aujourd’hui qui préconisent le bonheur, quand l’heure est justement aux grandes inquiétudes, quand menace la panique et les bouleversements de l’ordre établi.
En somme, il y a de quoi refaire La noce chez les petits bourgeois.
Alors pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ? Il faut croire que la magie du théâtre (comme le bonheur) se manifeste surtout quand elle s’en va.
Le drame s’ouvre et se clôt sur une scène de chasse apocalyptique, rendue par une image vidéo d’ombres et de couleurs en furie, pendant qu’une voix off, soutenue par un son saturé suggère la poursuite et la mise à mort des bêtes sauvages, des hommes sauvages ?
Puis s’impose le blanc et l’intense soleil ; l’image est belle et son symbole lumineux, presque trop transparent. Voilà les personnages, un peu hésitants, un peu déboussolés, qui peu à peu prennent place dans des transats et affectent toutes les postures du vacanciers à la plage.
Tout cela pourrait faire son effet, n’était la maladresse d’acteurs quasi amateurs, l’embarras de leur corps figé. Voici maintenant les maîtres du jeu, responsable du club ou G.O. Leur discours fait frémir, c’est un défi à l’intelligence, mais les touristes adhèrent en masse. La satire est à son comble, et l’esprit vengeur y trouve son compte. Pourtant tout cela reste l’objet d’un dire, désincarné quoique intensément proféré.
De plus en plus s’imposent la fadeur, l’ennui de la répétition, la pesanteur du didactique.
La fable tombe à plat, ne réussit pas à se théâtraliser.
Faut-il incriminer la formation philosophique de M.Marzouki ? Certes non, comme l’ont naguère démontré Stéphane Braunschweig, et récemment à Avignon Nicolas Truong. Au contraire même, la pensée philosophique nourrit le théâtre, lui qui est voué à mettre en scène et à offrir en partage les problématiques de ses contemporains.
Mais c’est un autre métier, qui exige de tout repenser , qui requiert une écriture spécifique où la matière des signes est faite de corps, d’objets, d’espace, de chorégraphie, de lumière et d’espace.
En dépit de ce ratage exempalire, il y a pourtant lieu de conserver toute son estime à la démarche de M.Marzouki et de croire que c’est là « le début de quelque chose ».
Le Début de quelque chose, de Myriam Marzouki.Photo: © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon