— Par Jean-Marie Nol —
Le bonneteau est un jeu d’argent, un jeu de dupes . Le principe du bonneteau est simple, une carte est cachée sous lʼun des trois gobelets visibles et circulent entre ces trois derniers.
Son emplacement exact, après que le maitre du jeu ait tourné gobelets et carte, doit être découvert par le joueur en l’occurrence serge Letchimy . Le Hic est que ce dernier ne trouve jamais la carte. Emmanuel Macron, le président de la République s’est fait l’interprète des souhaits des français d’outre-mer en matière de décentralisation : « Ils veulent que les structures soient simplifiées, les compétences clarifiées, les dépenses locales maîtrisées ». Mais là se pose la question de la véritable stratégie de l’État en Martinique. Depuis un certain temps il y a une poussée de tension entre le préfet représentant de l’État en Martinique et le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique.La situation politique et administrative entre l’État français et la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) s’est récemment envenimée, mettant en lumière des tensions structurelles et idéologiques profondément enracinées dans l’histoire de la quête de l’autonomie . Cette crise illustre un malaise persistant dans les relations entre la métropole et ses territoires ultramarins, et plus particulièrement à l’endroit de la nouvelle Calédonie et de la Martinique, exacerbée par des désaccords politiques sur les priorités de développement, les responsabilités des parties prenantes, et les moyens alloués pour répondre aux défis locaux.
L’épisode déclencheur récent de la crise larvée remonte à des déclarations du préfet Jean-Christophe Bouvier lors d’une émission télévisée sur Martinique La 1ère, où il remettait en cause l’existence de projets structurants portés par les élus martiniquais, allant jusqu’à affirmer à mots couverts que les Martiniquais n’ont jamais travaillé ensemble à bâtir un projet d’avenir. Ces propos, qualifiés par Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la CTM, de « réducteurs, infantilisants et inacceptables », ont suscité une réponse véhémente. Dans un courrier officiel adressé au préfet, Serge Letchimy a dénoncé ces propos comme reflétant un imaginaire colonial persistant, niant les efforts collectifs entrepris par les Martiniquais depuis des décennies pour élaborer des projets ambitieux en faveur de leur développement.
Serge Letchimy a rappelé les nombreuses initiatives entreprises par la CTM pour bâtir un avenir de développement durable. Il a notamment évoqué la remise de plusieurs documents majeurs aux représentants de l’État, dont un rapport de 156 pages contenant 57 projets structurants, représentant un investissement de 1 milliard d’euros, ainsi qu’un document de 322 pages détaillant des propositions pour le Comité Interministériel des Outre-mer (CIOM). Malgré ces démarches, il déplore l’absence de réponses concrètes du gouvernement, laissant les élus martiniquais dans l’attente de décisions qui semblent perpétuellement reportées.
Le président du Conseil exécutif accuse l’État de manquer de stratégie pour l’outre-mer, maintenant les territoires ultramarins dans une situation de dépendance et de sous-développement. Il critique également le désengagement financier progressif de l’État, illustré par le non-paiement de 150 millions d’euros dus annuellement à la CTM au titre de la compensation des aides sociales, ainsi que par la suppression programmée de près de 2 000 emplois jeunes en 2025. Ces décisions interviennent alors même que la Martinique est confrontée à des défis économiques , financiers et sociaux aigus : un vieillissement accéléré de la population, une jeunesse en quête de perspectives, un probable déficit budgétaire de la collectivité territoriale, une précarisation croissante et une chute de la croissance alarmante.
En réponse, le préfet, représentant de l’État, semble camper sur ses positions, critiquant implicitement la gestion locale en matière budgétaire de la CTM, tout en soulignant les limites des initiatives portées par la CTM. Cette attitude alimente un sentiment d’injustice et de mépris parmi les élus locaux et une partie de la population martiniquaise, qui perçoivent ces interventions comme une tentative de dédouaner l’État de ses propres responsabilités.
Cette crise institutionnelle aura des conséquences directes sur la population martiniquaise. Sur le plan social, le possible désengagement de l’État risque de s’accélérer et d’aggraver la précarité, notamment pour les jeunes et les personnes âgées. La suppression d’emplois subventionnés pourrait entraîner une augmentation du chômage et une intensification des phénomènes de délinquance et de violence. Sur le plan économique, le manque de financement de l’État pour les projets structurants limitera les opportunités de développement, freinant la modernisation des infrastructures et l’amélioration des services publics essentiels comme la santé et l’éducation.
Enfin, cette tension exacerbe le sentiment de marginalisation ressenti par de nombreux Martiniquais, renforçant les revendications d’autonomie ou même d’indépendance. Si l’État persiste dans son approche actuelle, c’est bien parce que contrairement à ce que pense serge Letchimy, il existe bel et bien une stratégie de l’État français en outre-mer non perceptible par les élus locaux. Prudence étant mère de sûreté, nul n’aurait intérêt à une dégradation des relations déjà fragiles , et qui pourraient se détériorer davantage, risquant de renforcer à terme un climat de défiance et de protestation dans la société martiniquaise. Une telle évolution pourrait déboucher sur un étouffement financier de la Martinique , et voire provoquer une crise budgétaire majeure pour la CTM sans filet protecteur , ajoutant encore à la complexité de cette relation historiquement conflictuelle entre la France et ses territoires ultramarins. En tout état de cause et en substance les reproches acerbes que lance serge Letchimy à l’État prennent le risque inconsidéré d’accélérer le désengagement financier de l’État français à l’égard de la Martinique. Cette philippique de serge Letchimy à l’endroit de l’État est d’autant plus innoportune que la collectivité territoriale de Martinique est déjà en grande difficulté financière et que selon toute vraisemblance seul l’État peut désormais être en mesure d’aider financièrement la Martinique. Car le miroir aux alouettes de tous ces plans qui doivent changer les choses sans tenir compte des rapports de force inégaux , c’est que l’on veut nous faire croire qu’on y met des moyens , alors qu’en réalité d’autres sont en train de retirer leurs billes du jeu, et que si l’on observe bien la manœuvre c’est un jeu de bonneteau qui s’anime avec la complicité des « ministères » qui sont au cœur des tours de passe-passe et l’approbation tacite des élus qui concourent à diffuser les écrans de fumée. Les BUZZ distillés ici et là pour essayer de phagocyter l’attention des citoyens y aident aussi grandement…
En définitive, ce qu’on donne aux uns on le prend aux autres. Quand on supprime des financements de la mission outre-mer de l’ordre de 250 millions d’euros , il s’agit bien d’un jeu de bonneteau fiscal qui continue… Le manque à gagner des collectivités locales des pays d’outre-mer dont les charges augmentent pourtant de plus en plus , il faudra bien le trouver quelque part. Le ministre des comptes publics et celui de l’économie n’apportent à ce sujet aucune réponse nette et claire. Et tout est du même schéma réducteur : santé, éducation, suppression des cotisations, retraites ,etc…
Pour nombre de collectivités locales, l’état se déchargeant de plus en plus sur elles, en demandant toujours plus de sacrifice par exemple des économies de 5 milliards d’euros, il faut trouver de l’argent. On a supprimé récemment nombre de crédits par exemple. Le choix est simple: on supprime le service faute de moyens ou on augmente les impôts. Il est dît qu’il ne sera bientôt plus possible d’augmenter les impôts locaux vu que le montant est déjà au taquet , mais pour nombre de personnes qui viennent de recevoir leur taxe foncière en Martinique , ils vont vite comprendre dès l’année prochaine où l’on peut trouver le manque à gagner pour les finances publiques.
« Bwè tout, manjé tout, pa di tout »
Traduction littérale : Bois tout, mange tout, ne dis pas tout.
Moralité : Il faut savoir tenir sa langue.
Jean-Marie Nol économiste