L’Italie, la France gagneraient 100 milliards par an si les hommes se comportaient comme les femmes
L’historienne Lucile Peytavin et l’économiste italienne Ginevra Bersani ont évalué « le coût de la virilité », soit ce que l’Etat économiserait si la surreprésentation masculine dans les actes de violence et de délinquance diminuait.
Déconstruire la virilité toxique (le virilisme) : Un impératif sociétal
Dans son essai perspicace, « Le Coût de la Virilité », l’historienne Lucile Peytavin jette une lumière crue sur les comportements asociaux masculins et explore les ramifications profondes de la virilité toxique sur la vie quotidienne, la justice et l’économie. En croisant cette analyse avec des discussions approfondies sur l’impact financier et professionnel de la virilité toxique, émerge un tableau complexe des racines culturelles et éducatives de ces comportements.
Les racines culturelles de la virilité toxique :
Lucile Peytavin débute en soulignant que la virilité toxique n’est pas innée, mais une construction sociale résultant d’une éducation axée sur des valeurs de force et de puissance, autant physique que morale. Les chiffres alarmants qu’elle avance mettent en évidence une surreprésentation masculine dans la délinquance, avec 83 % des mis en cause par la justice et 90 % des condamnés étant des hommes. L’impact économique de ces comportements atteint près de 100 milliards d’euros annuellement, soulignant le fardeau que représente la virilité toxique pour la société.
Selon l’historienne, la violence n’est pas une caractéristique inhérente aux hommes, mais plutôt une construction culturelle. La testostérone, souvent invoquée pour expliquer les comportements agressifs, est écartée comme justification. Au cœur de son argumentation réside la conviction que l’éducation non genrée, débutant dès le plus jeune âge, est essentielle pour établir une société plus équitable.
Éducationnon genrée : Une clé de transformation :
Lucile Peytavin soutient que l’éducation est la clé de la transformation. Elle cite des exemples de pays du nord qui ont introduit une éducation non genrée depuis les années 90. Cependant, elle souligne que quelques heures d’éducation neutre ne suffisent pas à démanteler les schémas culturels profondément enracinés. Les parents, inconsciemment, projettent des attentes différentes sur leurs enfants selon leur genre, contribuant à une éducation différenciée perpétuant les normes de la virilité. Elle propose une éducation égalitaire, encourageant l’empathie, déconstruisant les stéréotypes de genre et favorisant le respect mutuel.
Comportements virils en milieu professionnel :
L’analyse de l’impact professionnel de la virilité toxique met en lumière le coût du management autoritaire, majoritairement adopté par les hommes, estimé à 1,3 milliard d’euros. Peytavin souligne les implications de ces comportements sur le bien-être des employés. La sociologue Haude Rivoal évoque le rôle du capitalisme dans la perpétuation de la virilité en entreprise, soulignant que la recherche incessante de performance, souvent associée à des modèles masculins, a des coûts significatifs en termes de bien-être des travailleurs et d’impact sur l’environnement. La virilité se manifeste de manière spécifique dans le monde du travail, contribuant aux disparités salariales et aux dynamiques de pouvoir défavorables aux femmes.
Vers une société égalitaire :
Le coût global de la virilité, évalué à 100 milliards d’euros par an, soulève la question cruciale de l’économie d’une société débarrassée de la virilité toxique. Peytavin suggère que les bénéfices seraient multiples, avec une société plus riche, plus libre, plus sûre, et une économie nationale exempte de ces coûts astronomiques.
Les recommandations de Peytavin sont claires : une révision fondamentale de l’éducation, éliminant les stéréotypes de genre et promouvant l’égalité dès la petite enfance, ainsi qu’une transformation des milieux professionnels, encourageant des modèles de leadership inclusifs et égalitaires. Selon l’historienne, libérer la société du fardeau financier de la virilité toxique est impératif pour progresser vers une société plus équitable.
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L’Italie, la France gagnerait 99 milliards par an si les hommes se comportaient comme les femmes
92 pour cent des accusés d’homicide sont des hommes, et la composante masculine représente également 98,7 pour cent des auteurs de viols, 83,1 pour cent des responsables d’accidents mortels de la route. Deux économistes ont calculé les économies potentielles si les hommes adoptaient le comportement des femmes.
» C’est un homme, que veux-tu y faire ? » est la phrase typique de résignation que l’on peut entendre face à certains comportements masculins violents. En réalité, le sexe biologique n’a aucun lien avec l’adoption de comportements antisociaux ou transgressifs. L’économiste Ginevra Bersani Franceschetti et l’historienne de l’économie Lucile Peytavin le démontrent dans leur livre » Le coût de la virilité. Ce que l’Italie économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes » (Éditions Il pensiero scientifico, 2023), lauréat de la onzième édition du Prix national de vulgarisation scientifique de cette année.
Pourtant, les données semblent à première vue dire le contraire : 92 pour cent des accusés d’homicide sont des hommes, et la composante masculine représente également 98,7 pour cent des auteurs de viols, 83,1 pour cent des responsables d’accidents mortels de la route, 87 pour cent des accusés d’abus sur mineurs et 95,5 pour cent de la population mafieuse.
Tous ces délits ont un coût, que Bersani Franceschetti et Peytavin ont étudié respectivement pour l’Italie et la France, et qu’ils appellent le » coût de la virilité « , le définissant comme » la différence qui existe, dans chaque catégorie de délit, entre le montant dépensé pour le comportement des hommes et celui dépensé pour le comportement des femmes « .
Le résultat est un chiffre qui permet de comprendre combien sont élevés les coûts supplémentaires supportés pour faire face aux infractions masculines par rapport à celles féminines, soit » ce que l’Italie économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes « . Selon les analyses des économistes, la somme atteint 98,78 milliards d’euros par an, soit cinq pour cent du PIB italien de 2019, une somme qui, si elle était économisée, pourrait être investie dans d’autres secteurs avec des avantages pour l’ensemble de la population.
» Le fait qu’il y ait cette surreprésentation des hommes dans tous les faits de criminalité et qu’on n’en parle pas est le symptôme qu’il y a un angle mort dans les politiques publiques et dans la vision publique de la violence. Il existe de nombreuses études sur la délinquance basée sur l’ethnie ou la classe sociale, mais aucune sur le sexe, même si c’est le premier critère qui caractérise les criminels dans notre pays « , déclare Ginevra Bersani Franceschetti.
C’est précisément pour cette raison qu’il est difficile de trouver des données sur le phénomène. » L’Istat publie tous les deux ans un rapport sur la violence en Italie. Sur trois cents pages de rapport, la différence entre homme et femme dans les délits et les crimes est mentionnée à peine une ou deux fois. C’est pourquoi nous savions que ces chiffres existent quelque part. Le fait que ce problème ne soit pas abordé est très grave car il faudrait avoir toutes les cartes en main pour savoir comment investir efficacement l’argent public « .
L’origine culturelle
La motivation à la base de cette différence entre le nombre de crimes commis par les femmes et les hommes n’est pas la testostérone, et donc plus généralement la biologie, mais la culture. » On a tendance à justifier le facteur culturel par un facteur biologique qui en réalité n’existe pas « . Les causes des comportements violents, selon les économistes, dépendent avant tout de l’éducation. La croissance des enfants se fait également par imitation. S’ils voient que c’est uniquement la mère qui s’occupe des tâches domestiques et du travail de soin, ils apprendront que c’est » un travail de femmes « . En général, les enfants sont habitués à jouer avec des armes, des soldats, ou à des jeux vidéo violents, tandis que les filles passent leur temps libre avec la cuisine jouet ou les poupées. Toutes ces habitudes influenceront leur vision de la réalité, leur manière de vivre et de se comporter en société.
La société classe dès les premières années de vie les hommes et les femmes dans deux univers différents, de la couleur attribuée – respectivement bleu et rose – aux comportements à adopter. Les premiers doivent grandir forts, déterminés, tenaces et robustes. Les secondes doivent être altruistes, gentilles, généreuses et attentionnées. » La solution se trouve dans les données. Les femmes, qui ne sont pas une minorité numérique, ne sont pas éduquées à la virilité, c’est pourquoi elles ont statistiquement des comportements plus pacifiques et en accord avec la société basée sur les droits dans laquelle nous vivons. Il faut éduquer les femmes comme les hommes. Cela ne signifie pas simplement leur apprendre à mettre du vernis à ongles, même si elles peuvent le faire, mais essayer de transmettre une éducation plus attentive envers autrui « , déclare Bersani Franceschetti.
Dans le « Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence », journal de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent cité dans le livre, il est souligné que généralement » les parents ont plus de contacts physiques avec les filles, les encourageant à sourire et à vocaliser, tandis qu’ils stimulent plus physiquement les garçons. Les filles développent ainsi plus de capacités à comprendre et exprimer des émotions, à interagir avec les autres. Tandis que les garçons améliorent leurs capacités motrices et physiques « .
(*)Idéologie prônant la virilité comme valeur supérieure pour le genre masculin.
Le virilisme est l’exacerbation des attitudes, représentations et pratiques viriles.
— (Daniel Welzer-Lang, Virilité et virilisme dans les quartiers populaires en France, in Ville – école – intégration, CNDP, 2002)
Le virilisme contemporain se manifeste par la domination des hommes sur les femmes, mais plus encore par le désir masculin de différenciation radicale avec l’univers féminin. Nous pensons que le virilisme est susceptible d’éclairer le rapport négatif à l’école de plusieurs jeunes garçons.
— (Denis Jeffrey, Les effets délétères du virilisme de jeunes élèves, in Formation et profession n° 26/3, 2018)
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