— Par Patrick Roger —
Durant le week-end pascal, la Guadeloupe va mettre en place un « couvre-feu diurne », afin de dissuader tout rassemblement.
C’est une tradition bien ancrée en Guadeloupe : pour le week-end pascal, tout le monde se retrouve à la plage afin de manger le matété, le plat traditionnel de Pâques, à base de crabe, et célébrer la fête en famille. Durant ces deux jours de clôture de la semaine sainte, les plages sont noires de monde. Pas cette année : le préfet du territoire, Philippe Gustin, a pris, lundi 6 avril, un arrêté de couvre-feu allant du samedi 11 avril, 14 heures au mardi 14 avril, 7 heures.
Pendant cette période, tous les commerces, ventes ambulantes et ventes à emporter, hormis les pharmacies de garde, seront fermés et les déplacements motorisés interdits, à l’exception des déplacements professionnels ou pour raison de santé dûment justifiés.
A la date du 7 avril, la Guadeloupe comptait 139 cas confirmés de Covid-19 – depuis le premier cas déclaré le 13 mars –, 27 patients hospitalisés dont 13 en réanimation, et 8 personnes décédées. Le confinement a été déclaré dès le 17 mars, comme en métropole. Depuis le 1er avril, l’ensemble de la Guadeloupe et de la Martinique est placé sous couvre-feu entre 20 heures et 5 heures. Dans ce dernier département, où l’on comptait 151 cas et 4 décès à la même date, le préfet, Stanislas Cazelles, a également annoncé, mardi, une fermeture des commerces et la restriction de la circulation les dimanche et lundi de Pâques.
M. Gustin justifie cette décision de « couvre-feu diurne ». « C’est très dur, l’électrochoc est fort mais, relayé par l’évêque et le rabbin, il a l’air d’être entendu », explique-t-il. Depuis plusieurs semaines, les autorités religieuses multiplient les adresses aux fidèles pour les appeler à respecter les mesures de confinement et les règles de protection.
La messe des Rameaux, dimanche 5 avril, célébrée par l’évêque de la Guadeloupe, Jean-Yves Riocreux, et le curé de Basse-Terre, le père Gérard Foucan, a été suivie à distance sur Internet et les réseaux sociaux. Pas moins de 120 000 connexions ont été enregistrées. Il en ira de même pour les célébrations de Pâques.
« Le virus est là mais le confinement semble porter ses fruits puisque le nombre de cas et de personnes en réanimation reste stable, poursuit le préfet. Mais le territoire est fragile, c’est aussi le premier sur le podium pour le nombre de centenaires. Ce n’est pas le moment d’avoir une nouvelle vague de propagation quinze jours après Pâques. »
Dans Le Monde du 6 avril, le chef du service réanimation du CHU de la Guadeloupe, Michel Carles, exprimait également sa crainte de « l’arrivée d’une deuxième vague, avec des cas autochtones, liés à la circulation du virus sur l’île ».
« Liberté d’adaptation »
Autre sujet de préoccupation, le contrôle et la mise en quatorzaine des nouveaux arrivants sur le territoire. Deux arrêtés ministériels ont été pris les 21 et 22 mars pour restreindre les débarquements de passagers dans les outre-mer. « Nous avons mis en place une quatorzaine stricte pour ceux qui arrivaient sur le territoire, à domicile ou dans des lieux réquisitionnés », affirmait la ministre des outre-mer, Annick Girardin, dans un entretien à distance sur le réseau La Première, le 31 mars, laissant aux préfets une « liberté d’adaptation ».
Plusieurs témoignages recueillis par Le Monde laissaient cependant penser que les mesures de contrôle n’étaient pas aussi strictes que les autorités l’affirmaient. M. Gustin s’en défend :
« Nous avons d’abord dû exfiltrer quelque 20 000 personnes qui séjournaient en Guadeloupe. Depuis une semaine, j’ai pris un arrêté renforçant les mesures de contrôle, détaille le préfet. C’est d’abord aux compagnies aériennes de s’assurer que les passagers relèvent bien des dérogations autorisées. Ensuite, à l’arrivée, ils doivent remplir un formulaire individuel, avec nom, adresse, téléphone, attestant sur l’honneur l’engagement à respecter la quatorzaine à l’adresse indiquée. Ils sont appelés tous les deux jours. Je ne peux pas mettre un policier ou un gendarme derrière chacun. Je crois encore à la responsabilité individuelle. »
Lundi 13 avril, le porte-hélicoptères Dixmude, avec à son bord quatre hélicoptères et du matériel sanitaire, devrait accoster à Pointe-à-Pitre. Il est attendu comme le messie, mais les Guadeloupéens ne pourront pas guetter son arrivée sur les quais.