— Par Philippe Pierre-Charles, secrétaire général de la CDMT —
Le conflit qui a secoué l’établissement privé catholique n’a pas défrayé la chronique à cause de son ampleur ou de sa durée, mais au contraire du fait de sa rareté et de questions liées aux particularités de ce type d’établissements, à leurs rapports avec l’inspection académique d’un côté, et avec la hiérarchie de l’église de l’autre.
L’origine de l’affaire est somme toute assez banale. Une directrice plus jeune et moins expérimentée que des enseignantes qui sont sous son autorité, non son autorité pédagogique mais apparemment son autorité administrative. Le manque d’assurance, la faible expérience en matière de management de la dite directrice sont probablement à l’origine de ce que ses supporters appellent pudiquement des “problèmes de communication” et que les victimes ont vécu comme du harcèlement moral. Tournant le dos à un usage bien établi dans l’enseignement, suivant lequel à chaque fin d’année une concertation s’établit entre collègues et avec la direction pour déterminer la répartition des classes entre maitres et maitresses, la directrice a décidé toute seule, sans réunion de l’équipe pédagogique ni justification, se contentant de proposer qu’on sollicite de la rencontrer en cas de problème.
Il est clair que la directrice a besoin d’être aidée dans son apprentissage des méthodes de direction, à partir des notions de respect, de concertation, de dialogue et de négociation.
Au lieu de cette aide, Madame a reçu des ”soutiens” qui n’ont fait que l’enfoncer dans un entêtement néfaste. Ainsi, tel directeur d’établissement de même nature ne l’a pas aidé en soutenant mordicus qu’il était dangereux de faire droit à la réclamation des enseignantes arbitrairement privées de leurs classes antérieures. Tels agents du Séminaire Collège l’ont plutôt desservie en imposant aux parents de remettre sans les lire des tracts reçus de la CDMT ou en tentant d’arracher violemment d’autres tracts des mains de militants syndicaux ou, comble de l’odieux, en appelant des enfants à faire de la délation contre leurs propres parents en les signalant comme hostiles à la directrice. L’archevêque pour sa part a renoncé à sa mission d’éducation en cherchant à convaincre les enseignantes de se soumettre à l’illogique arbitraire, après avoir pourtant clairement partagé leur avis deux mois plus tôt et avant de se laver les mains, tel un personnage peu glorieux de la tradition biblique.
En définitive, à tous les échelons de la hiérarchie de cet enseignement catholique, on a réagi comme si conflits, divergences, oppositions étaient par nature incompatibles avec les sociétés humaines ici-bas. Une parente d’élève en furie, a craché le morceau : “ j’avais mis mes enfants au séminaire collège parce que je pensais que la grève y était impossible”. Madame, même les États totalitaires les plus opposés à la liberté n’arrivent pas à rendre impossibles les grèves ! L’inadmissible, dans toute société, ce n’est pas le différend, le conflit, la grève. L’inadmissible, c’est l’incapacité de sortir du conflit grâce à la négociation et au respect des droits des uns et des autres. L’autre directeur cité plus haut a, il est vrai, fourni ce qui semble être le fin mot de l’affaire: si grève il y a dans le privé, a-t-il déclaré, nous perdrons nos élèves et nous disparaîtrons. Et nous qui pensions que le choix de l’enseignement catholique correspondait à une préférence philosophique et spirituelle !!! Voilà qui nous remet les pieds… sur terre, en nous rappelant que les préoccupations mercantiles, même là, ne sont jamais très loin.
C’est une raison de plus pour que les rapports pédagogiques entre l’inspection pédagogique publique et les écoles privés, financées par l’État, soient clarifiés. En attendant le retour du débat public sur le financement de l’École privée. Pour l’immédiat, chacun doit se persuader que la CDMT ne faillira pas dans son devoir de solidarité avec les travailleurs et de défense de leurs droits et de leur dignité, au Séminaire collège comme ailleurs.
Fort-de-France le 27-sept.-15
Philippe Pierre-Charles
secrétaire général de la CDMT