— Par Christian Rapha, maire de Saint-Pierre(*) —
Si elle était incontestablement justifiée dans la première phase de la pandémie de la Covid 19 du fait de l’impréparation du pays face à la brutalité du phénomène, la décision de ce nouveau confinement national étendu à la Martinique provoque une incompréhension largement partagée dans la population.
Des commerçants dont l’activité est déclarée comme non essentielle, aux particuliers qui ne comprennent pas toujours l’intérêt des mesures de restriction de leurs libertés individuelles, l’heure est plutôt à la remise en question d’un dispositif qui n’est pas toujours lisible. Lors du premier confinement, en qualité d’élu et biologiste, professionnel de santé, j’avais préconisé un certain nombre de mesures dont je me réjouis que certaines aient été mises en place : tests aux frontières de la Martinique pour libérer le transport dans le respect de la sécurité de notre population, port du masque… C’est un fait : nous serons désormais amenés à vivre avec ce virus et il est indispensable que les mesures qui sont arrêtées le soient dans une perspective de long terme.
Le système repose sur plusieurs piliers qui se tiennent l’un l’autre : La responsabilité individuelle et collective est le premier de ces piliers. Chacun est responsable de sa santé et de la santé de ses proches. Refuser de porter le masque, négliger l’hygiène des mains et ne pas respecter la distanciation physique, c’est faire preuve d’irresponsabilité coupable. Si le port du masque est globalement respecté dans les espaces publics (commerces, marchés, cinémas, églises …), il doit être porté autant que nécessaire dans la sphère privée où les regroupements doivent être limités impérativement, et a fortiori sur les lieux de travail parfois propices à l`émergence de clusters, comme le prouvent les statistiques épidémiologiques. Les chefs d’entreprises doivent s’assurer que leurs collaborateurs soient protégés et qu’ils respectent les gestes de distanciation et le port du masque en toutes circonstances.
L’adaptation est le deuxième pilier. Nous devons nous le tenir pour dit et acquis : nous sommes condamnés à vivre avec ce virus, tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé. Il nous faut donc mettre en oeuvre des mesures adaptées à cette perspective. Ainsi, dans les établissements scolaires dont je me réjouis qu’ils restent ouverts, les protocoles qui permettent de prendre en charge nos enfants dans le respect de la sécurité sanitaire de tous, enfants, enseignants et personnels administratifs et logistiques doivent être renforcés et strictement appliqués. Je fais confiance aux pouvoirs publics pour décider dans la concertation, des meilleurs dispositifs qui permettront que les établissements scolaires restent ouverts. Cette mesure est extrêmement importante pour l’équilibre psychologique de notre communauté, des parents et des enfants euxmêmes. Les jeunes doivent comprendre que leur solidarité à l’égard des générations plus âgées est un gage de maîtrise de l’épidémie.
Pour ce qui est de l’entrée sur notre territoire : les mesures actuelles de tests avant le voyage devraient s’enrichir des tests sérologiques et antigéniques rapides qui n’étaient pas disponibles au début de la pandémie, afin d’évoluer vers le passeport sanitaire qui sécuriserait le transport aérien pour tous les voyageurs, résidents ou visiteurs.
La vie doit continuer : la peur du virus et de la mort ne nous fait pas oublier que nous sommes des êtres sociaux qui ont besoin d’action, d’interaction et de mouvement. Les restaurants, les librairies, les bars ne sont pas seulement des lieux qui se rentabilisent par la consommation -et qui accessoirement emploient des milliers de personnes et font vivre des familles entières- ce sont aussi des lieux où nous faisons société, ce qui, en période de stress et de pandémie est tout aussi essentiel que de ne pas tomber malade. Je mesure toute la difficulté des décisions que doivent prendre les autorités de notre pays et la nécessité pour nous, politiques de prendre notre part de responsabilité en proposant ce qui pourrait alimenter leurs réflexions. Nous ne pouvons nous contenter de condamner ou de critiquer.
Je suis plutôt partisan, pour ma part, de la conjugaison entre les mesures suivantes appliquées le plus tôt possible en alternative au confinement généralisé qui ne pourra être réédité sur le long terme du fait de ses conséquences délétères sur la vie sociale et économique : Sur le modèle qui a permis à la Guyane de juguler l’épidémie, l’instauration d’un couvre-feu à partir de 19 h 00 jusqu’à 5 heures. Et le week-end, du samedi 15 h 00 au lundi matin.
La déclaration préalable obligatoire des rassemblements publics au-delà de 10 personnes et leur interdiction lorsque les conditions de sécurité sanitaires ne seraient pas garanties ; mais l’autorisation d’ouverture des commerces, des lieux de culture avec une application stricte des mesures de distanciation sociale. Dans les cinémas et salles de spectacle par exemple : un siège sur deux, le port du masque avec le contrôle systématique par des personnels de sécurité.
Dans les entreprises avec l’appui des chambres consulaires : la mise en place de dispositifs et de protocoles scrupuleusement respectés et contrôlés. Le contrôle et son corollaire, la sanction est en effet l’autre pilier du système. Le respect des règles édictées (couvre-feu, port du masque) doit être contrôlé et donner lieu à verbalisation par les forces de police et de gendarmerie.
Notre économie a besoin de continuer à fonctionner. Le monde artistique et beaucoup de nos entreprises sont au bord de l’asphyxie et les mesures d’aides, même massives, ne pourront être prolongées indéfiniment et ne suffiront pas à redonner espoir aux salariés et aux chefs d’entreprises. Ainsi à Cap Nord, la mesure d’aide exceptionnelle au loyer que nous avons mise en place dans le cadre du dispositif CAP Immo, a déjà permis de soutenir une cinquantaine de petites entreprises, pour un montant supérieur à 80% de l’enveloppe de 120 000 euros qui avait été budgétée. Nous continuerons bien entendu à être aux côtés des entreprises, mais il nous faut d’ores et déjà réfléchir et mettre en place un dispositif qui participera à redonner des perspectives à tous les acteurs de la vie économique : salariés, chefs d’entreprises et consommateurs. Avec les atouts qui nous faisaient cruellement défaut il y a quelques mois et dont nous disposons désormais sans limite : meilleure connaissance du virus, tests de dépistage, masques, gel hydroalcoolique et … la perspective d’un vaccin, nous avons désormais les capacités de faire face et de vaincre cette pandémie. En ces circonstances, comme en d’autres occasions par le passé, nous devons ensemble, placer les valeurs de solidarité et de responsabilité au-dessus de toute autre considération pour assurer la sécurité des plus faibles et la survie de nos entreprises.
(*)Christian Rapha maire de Saint-Pierre, biologiste, VP Cap Nord en charge du développement économique