— Par Jean-Marie Nol, économiste —
La recomposition du paysage politique français, sous l’impulsion active exacerbée par un contexte économique difficile et des mutations sociétales rapides, laisse présager une période de grande instabilité. Il va y avoir une période de tensions très fortes en France hexagonale et en outre-mer. Le paysage politique et économique français est entrain d’exploser en plein vol. La recomposition du paysage politique français, couplée à une mutation sociétale rapide et un contexte économique difficile, crée un terreau propice à l’inadaptation et aux violences sociales. De nombreux citoyens pourraient se retrouver en perte de repères, incapables de comprendre les nouveaux enjeux politiques et économiques et de s’adapter aux évolutions en cours. Cette situation pourrait engendrer des violences sociales dans un avenir proche. Compte tenu des interactions en cours, il faut analyser les causes de cette inadaptation, ses conséquences potentielles et les mesures possibles pour atténuer les risques de conflits sociaux et d’une montée exponentielle de la violence au sein de la société française et qui plus est dans un contexte politique et économique tumultueux.
La dissolution de l’Assemblée nationale et la montée en puissance du Rassemblement National ont bouleversé le paysage politique français. La perte de confiance dans les institutions traditionnelles et la fragmentation des partis politiques reflètent une société en quête de nouveaux repères. Aujourd’hui les points d’ancrage sont quasi inexistants pour de très nombreux citoyens. Le déclin du parti Renaissance et la fracture des Républicains témoignent d’une désillusion croissante vis-à-vis des élites politiques. La France traverse une période économique difficile, marquée par une stagnation de la croissance, un chômage persistant, un fort déséquilibre budgétaire, une dette abyssale et des inégalités croissantes. Les mesures d’austérité, la montée du coût de la vie et l’incertitude économique amplifient les tensions sociales. Les classes moyennes et populaires se sentent de plus en plus marginalisées et désillusionnées par un système qui ne répond plus à leurs attentes. La mutation sociétale conduit logiquement à une société en pertes de repères. Plus rien ne sera comme avant. Et d’ailleurs beaucoup de situations acquises vont connaître des fortunes néfastes. Nous sommes bien à un point de bascule entre un nouveau modèle qui émerge et un ancien monde qui se meurt. La révolution numérique a profondément transformé les modes de vie et les interactions sociales. Si ces technologies offrent de nouvelles opportunités, elles créent également des fractures numériques. Une partie de la population, notamment les personnes âgées et les moins qualifiées, peine à s’adapter à ces changements rapides, se sentant déconnectée du monde moderne. Nul doute que ces personnes seront bientôt en voie accélérée de paupérisation. De plus, la société française connaît des changements sociologiques significatifs, avec une diversification démographique trop rapide et mal régulée ainsi qu’une évolution très mal maîtrisée des valeurs culturelles.
L’identité française est fracturée et les anciennes idéologies politiques sont mortes, n’en déplaise à certains jusqu’au boutiste. Nonobstant ceci, les tensions autour de l’immigration, de la laïcité et de l’identité nationale reflètent des craintes face à une perte de repères traditionnels. La montée des populismes, exploitant ces peurs, accentue la polarisation de la société. Cette inadaptation sociétale va pousser vers des violences sociales, à une perte de repères et un fort sentiment d’abandon. Face à ces mutations, de nombreux citoyens se sentent perdus et abandonnés. Le sentiment de ne plus reconnaître la société dans laquelle ils vivent et l’impression que les changements leur échappent génèrent une profonde anxiété. Cette perte de repères alimente un ressentiment qui va se transformer en colère et en violence. La polarisation croissante de la société, attisée par des discours politiques de plus en plus extrêmes, crée un terreau fertile pour la radicalisation. Les tensions entre différents groupes sociaux et ethniques risquent de s’exacerber, menant à des affrontements violents. La méfiance envers les institutions et l’autorité accroît également le risque de troubles sociaux.
La crise économique et surtout l’inflation joue également un rôle crucial dans l’exacerbation des tensions sociales. La précarité et l’insécurité économique augmentent le désespoir et la frustration des populations les plus vulnérables. Les mouvements sociaux, comme les gilets jaunes et autres révoltes des agriculteurs, montrent comment l’insatisfaction économique peut se traduire en actions violentes. L’incapacité à s’adapter aux mutations en cours peut entraîner une escalade des conflits sociaux. Les manifestations et les grèves pourraient devenir plus fréquentes et violentes, perturbant la vie quotidienne et l’économie. Les tensions entre différentes communautés pourraient également dégénérer en violences interethniques ou interreligieuses. Nous estimons qu’il y aura une érosion de la cohésion sociale en France hexagonale et surtout en outre-mer. L’augmentation des violences sociales risque de fragmenter encore davantage la société française et ultra-marine. La cohésion sociale, déjà fragilisée, pourrait se désintégrer, menant à une société plus divisée et conflictuelle. Cette fragmentation rendrait la gouvernance et la mise en place de réformes encore plus difficiles. Oui, il s’agit là d’un défi pour le vivre ensemble. La montée des violences sociales représente un défi majeur pour les institutions démocratiques. Les forces de l’ordre, les systèmes judiciaires et les institutions politiques devront gérer des situations de plus en plus complexes et tendues. C’est déjà le cas en Nouvelle Calédonie et le risque de dérapages existe de façon latente dans les autres territoires.
La légitimité et l’efficacité de l’État pourraient être mises à rude épreuve.La responsabilité en incombe d’abord au pouvoir politique. Cette dissolution stratégique de l’Assemblée nationale décidée par le président Emmanuel Macron a déclenché une série de bouleversements politiques sans précédent dans l’histoire récente de la France. Cet événement marque la fin d’une ère et la naissance d’une nouvelle dynamique où le Rassemblement National (RN) s’impose comme la force dominante. Désormais le rassemblement national est incontournable. Cette réorganisation politique est le reflet d’une mutation profonde de la société française, influencée par des changements technologiques, sociologiques et culturels.
A cet effet, il convient d’examiner les causes et les conséquences de ce chambardement en mettant en lumière les dynamiques sous-jacentes qui façonnent le futur du pays.
La dissolution de l’Assemblée Nationale n’est autre que le catalyseur de la mutation. La décision de dissoudre l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, face à ce qu’il estimait être une impasse politique, a ouvert une nouvelle page de l’histoire politique française. Cette dissolution a été perçue comme un aveu d’échec de la majorité présidentielle à maintenir le contrôle et à faire avancer son agenda législatif. Mais ce n’est là qu’une fausse analyse qui relève plutôt de l’écume des choses. Ne sous estimons pas Emmanuel Macron qui est à la manœuvre depuis déjà de nombreuses années. C’est incontestablement un fin tacticien et un excellent stratège. Certes le Parti Renaissance, fondé par Macron, a vu son influence décliner rapidement, laissant un vide que le Rassemblement National a su exploiter avec habileté. Mais comment et pourquoi…?
La montée en puissance du Rassemblement National était prévisible pour certains observateurs avertis de la politique française, et force est de constater que Emmanuel Macron n’y est pas étranger. Mais cela étant, le RN, sous la direction de Marine Le Pen, a aussi su depuis plusieurs années capter le mécontentement populaire grandissant face aux politiques de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Le parti a évolué pour devenir une force politique plus modérée et plus acceptable pour une partie croissante de l’électorat. Cette normalisation a permis au RN de faire une percée significative, capturant le soutien des électeurs traditionnellement affiliés à d’autres partis, y compris d’abord dans un premier temps une bonne partie des électeurs communistes et puis une frange significative des Républicains (LR). La défection du président des Républicains et l’Alliance avec le RN n’est pas non plus pour nous une surprise. La fracture au sein du parti Les Républicains s’est accélérée avec le ralliement sans ambiguïté de leur président, Éric Ciotti, au Rassemblement National. Cette alliance a causé une implosion au sein du parti, avec une partie des membres cherchant à se distancier de l’extrême droite, tandis que d’autres ont vu en cette union une opportunité de peser sur la scène politique nationale. Cette scission va renforcer le RN, lui permettant de consolider sa position comme la principale force d’opposition en France. En fait, nous sommes bien en présence d’une société en pleine mutation et les facteurs technologiques, sociologiques et culturels n’y sont pas étrangers. La transformation politique actuelle est profondément enracinée dans les mutations de la société française. Ces changements, tant technologiques que sociologiques et culturels, ont redéfini les contours de la vie quotidienne et des attentes des citoyens. L’avènement des technologies numériques a bouleversé les modes de communication et d’information, rendant les citoyens soit disant plus informés mais aussi plus susceptibles aux manipulations et aux fake news.
Les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial dans la montée du populisme, permettant une diffusion rapide et massive des idées radicales. La société française connaît une polarisation croissante, alimentée par les inégalités économiques et la perception d’une perte d’identité culturelle. Les tensions sociales se sont exacerbées, notamment autour des questions de laïcité, de sécurité et d’immigration. Le RN a su capitaliser sur ces peurs et frustrations, proposant des solutions radicales qui résonnent aujourd’hui très favorablement avec une partie significative de la population. Par ailleurs, le paysage culturel français se transforme également sous l’influence de la mondialisation et de la diversification démographique. La jeunesse, plus cosmopolite et connectée, affiche des valeurs souvent en décalage avec celles des générations précédentes. Cette évolution génère des frictions et une recomposition des alliances politiques. Les bouleversements politiques actuels ont des répercussions directes sur l’économie et la société française. La montée du RN et l’instabilité politique ont accru les incertitudes économiques, affectant la confiance des investisseurs ( la bourse de Paris a chuté lors de la dissolution) et des consommateurs. Sur le plan social, les tensions exacerbées risquent de conduire à une fragmentation accrue de la société, rendant la cohésion nationale plus difficile à maintenir. Quoiqu’il en soit le paysage politique français est en pleine transformation, reflet d’une société en mutation profonde et devrait à court terme tendre à une bipolarisation de l’échiquier politique français avec deux forces politiques, d’un côté le rassemblement national et de l’autre un mouvement social démocrate radicalisé.
La gauche traditionnelle devrait disparaître du paysage politique français à brève échéance. L’actuel front populaire n’étant autre que le champ du cygne. La dissolution de l’Assemblée nationale a servi de déclencheur à un réalignement politique majeur, avec le Rassemblement National au centre de cette nouvelle configuration. Ce phénomène est le résultat de changements technologiques, sociologiques et culturels qui redéfinissent les attentes et les comportements des citoyens français. La France se trouve à un tournant crucial où les décisions prises aujourd’hui détermineront la stabilité et la cohésion de la société de demain et c’est surtout valable pour l’ensemble des outres-mers. Face à cette situation chaotique à venir, il est crucial pour les forces politiques traditionnelles des outres-mers de repenser leur approche de la vie politique avec la reconnaissance du fait accompli de la tendance dominante du rassemblement national et de s’adapter à cette nouvelle réalité pour restaurer la stabilité et la confiance dans les institutions démocratiques.
« Anni pran douvan avan douvan pran’w. »
– traduction littérale : Prends les devants avant que les devants ne te prennent.
– moralité : Il faut savoir anticiper et prendre les choses en main avant que d’être surpris et de subir.
Jean marie Nol économiste et juriste