— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Jamais le Canada n’a autant eu besoin de travailleurs, mais aussi de citoyens. Le pays veut tripler sa population d’ici la fin du siècle. Le Canada, terre de toutes les opportunités pour les Antilles ? Pour les jeunes guadeloupéens et Martiniquais qui n’ont aucune perpective aux Antilles , trouver un emploi est devenu trés difficile en France. Quant à la carrière, c’est une autre question! Ils sont souvent freinés dans leur envol parce qu’ils ne sortent pas de la bonne école ou parce que leurs envies entrepreneuriales ne trouvent pas preneurs. C’est tout différent au Canada. La culture anglo-saxonne laisse toutes les initiatives se développer. Et en plus, le marché de l’emploi dans ce grand pays est largement ouvert aux nouveaux arrivants d’autres nationalités. Le Québec affiche une pénurie de main d’œuvre sans précédent, plus d’un million d’emplois à pourvoir d’ici 2026.
Au Québec, pas moins de 1,4 million d’emplois seront à pourvoir d’ici 2026, selon un rapport du ministère du Travail. La raison ? Les départs à la retraite massifs de la génération des baby-boomers dans la province canadienne, soit « une vague sans précédent sur le marché du travail », indiquait le Journal du Québec début mai.
Le ministère du Travail estime en effet qu’environ 1,18 million de travailleurs quitteront le marché de l’emploi d’ici 2026. Le phénomène devrait toutefois s’essouffler à partir de 2022. « Ce phénomène, qui touche un grand nombre de régions du Québec, est attribuable à une bonne performance en matière de création d’emplois ainsi qu’à la diminution de la taille de la population âgée de 15 à 64 ans, amorcée depuis 2014 », indique le rapport.
Le marché du travail tend ainsi vers le plein emploi, « avec un taux de chômage qui n’a jamais été aussi bas » même si, « en contrepartie, cette situation entraîne un phénomène de rareté de main-d’œuvre pour les employeurs », est-il indiqué par les auteurs du rapport.
Les jeunes guadeloupéens et Martiniquais doivent désormais chanter l’international !
Pourquoi ? D’abord parce que la révolution numérique provoquera une raréfaction du travail qui conduira mécaniquement à ce que se développe un chômage de masse énorme aux Antilles à horizon 2030 . Internet et l’intelligence artificielle vont révolutionner le marché déjà restreint du travail aux Antilles, et les gens qui ne resteront pas sur le carreau seront forcés à travailler dans la discipline et la rigueur…. Alors pourquoi pas tenter l’aventure du travail au Canada , une terre pionnière des nouvelles technologies avec un marché en pleine croissance.
Les jeunes de Guadeloupe et Martinique rêvent de plus en plus massivement de travailler à l’étranger D’ABORD POUR TROUVER UN EMPLOI et ensuite seulement pour valoriser leur carrière, mais seuls 21% songent à s’expatrier durablement.
Un sondage exclusif ipsos donne la vraie mesure du désir d’expatriation des jeunes diplômés en apportant quatre leçons importantes
1. Les jeunes diplômés n’ont jamais été aussi nombreux à souhaiter faire une partie de leur carrière à l’étranger : ils sont 83% à exprimer ce désir.
2. Il ne s’agit pas de fuite des cerveaux : seuls 11% se voient partir plus de cinq ans. Et 31% expriment le souhait de travailler pour une entreprise française.
3. Il ne s’agit pas de fronde fiscale : s’ils veulent s’expatrier, c’est beaucoup plus pour trouver un emploi que pour gagner plus d’argent (29%) ou bénéficier d’une fiscalité allégée (8%).
4. En DEHORS DE LA FRANCE EN tête des pays où ils rêvent de partir, on note, classiquement, les Etats-Unis (48%) et la Grande-Bretagne (30%). Mais on assiste à une puissante montée du CANADA .
Comme beaucoup d’autres Antillais, Nicolas a fait le choix de poursuivre des études en France hexagonale, le temps d’obtenir un diplôme. Très attaché à son île, ce jeune de Sainte luce de 26 ans a, sans aucune hésitation, toujours souhaité « rentrer au pays » une fois le bagage nécessaire acquis « là-bas ? » . Licencié en électronique, il n’avait jamais pensé aux difficultés auxquelles il devrait faire face ici.
Les refus se multiplient à cause de la crise, « on me dit aussi que je suis trop qualifié pour les emplois auxquels je postule » . Alors qu’il recherche depuis un moment, Nicolas ne trouve aucune réponse favorable. Chômage donc pour celui qui espérait certainement un autre retour. « En attendant je fais des petits jobs à gauche à droite. Mais, si dans les 6 mois à revenir je ne trouve rien, je pense repartir en France ou à l’étranger » , affirme t-il, déjà un peu déçu.
Et Nicolas n’est pas un cas isolé. « Mes amis sont nombreux à n’avoir pas trouvé de travail, en rentrant au pays dès la fin de leurs études. J’en connais beaucoup qui sont repartis en France, ou au Canada. Et là-bas, avec ou sans diplôme, ils ont trouvé du travail » . France, Canada ou encore Angleterre, trois destinations qui profitent de plus en plus à nos jeunes diplômés, incapables de trouver un emploi dans leur île. Un constat pas vraiment nouveau…
Leur réussite a un petit goût de revanche. Sûr qu’elles n’auraient jamais obtenu ça en France. Cette vie aisée à l’américaine. Du » vu dans les séries télé » devenu réalité. Tailleur chic, brushing et manucure, club de gym trois fois par semaine, verre d’après boulot dans des cafés branchés, escapades régulières à New York, appartement confortable et bien situé… En France, Tania Théodose et son amie Karine Andenas, 27 et 34 ans, étaient des Antillaises à la recherche désespérée d’un emploi correct. Montréal, en deux ans, les a transformées en » jeunes cadres dynamiques « . Employées par des cabinets de recrutement spécialisés dans l’informatique, elles ne boudent pas leur plaisir lorsqu’il s’agit d’évaluer leur revenu annuel (autour de 70 000 dollars), ou d’évoquer leur échappée belle loin d’une France qu’elles jugent » bloquée « .
Cette ascension sociale, bien des jeunes diplômés français appartenant aux » minorités visibles » viennent désormais la chercher au Canada. En France, elle leur semble hors de portée. A son arrivée, Tania, née en Guadeloupe, avait une maîtrise de psychologie et un master en ressources humaines. Karine, Martiniquaise, un diplôme (bac+5) d’école de commerce. » Quand j’ai cherché un travail, c’était frappant, se souvient la première. J’avais peu d’expérience, la personne était très agréable au téléphone. Mais une fois dans la salle d’attente, je notais des regards surpris, puis je sentais un ton particulier lors des entretiens… »
Karine, elle, … dit, j’avais pas mal d’entretiens, mais ensuite ça s’arrêtait. Etait-ce parce qu’il y avait un candidat meilleur que moi ? Ou parce que j’étais jeune débutante ? C’était lourd, ce questionnement. Ici, dans ma vie professionnelle, je ne me suis jamais posé la question. Je ne suis plus dans le soupçon. »
Toutes deux ont trouvé rapidement un emploi, se sont senties jugées sur leurs compétences et leur personnalité, quand, en France, elles avaient le sentiment d’être perçues comme des personnes sans expérience. Bref, pas totalement employables. » Et ça, ça donne sacrément envie de s’en aller !, lance Karine. Vous savez, parmi mes amis d’enfance, qui ont tous des bac+5 et des MBA, aucun n’est en métropole, ils sont tous à l’étranger. Voilà ce que la France perd. »
Impossible de savoir, faute de statistiques précises, combien les Antilles françaises » perdent » de Karine et de Tania, chaque année, au profit de l’économie canadienne. Combien de jeunes Français diplômés du supérieur, bac+2, bac+4, bac+6, dont les parents sont originaires , des Antilles, qui se sentent pleinement français mais ont l’impression de ne pas avoir tout à fait leur place dans l’Hexagone, sont recrutés ici. » Les employeurs canadiens les trouvent plus motivés, plus décoiffants que les autres. Peut-être parce qu’ils ont une revanche à prendre… Ces jeunes se fondent dans la masse grandissante des guadeloupéens et martiniquais qui gagnent le Canada, et toujours prioritairement le Québec.
Dans notre monde mondialisé, le départ à l’international semble (ré)émerger comme une solution possible aux tensions et incertitudes actuelles qui règnent aux Antilles. Il ne s’agit pas là pour les jeunes Antillais d’un mouvement de rejet de la Guadeloupe ou de la Martinique ou d’un retour en arrière des années Bumidom, mais de redonner du sens à nouvelle trajectoire pour l’emploi et l’ouverture sur d’autres modes de vie en se posant une question élémentaire : Avec qui, enfin, puis-je agir pour changer les choses à mon niveau ?
Ce mouvement de départ des jeunes Antillais vers une aventure internationale semble inéluctable. C’est là à notre sens un passage obligé avant que ces jeunes ne reviennent mettre leurs futures compétences au service de la Guadeloupe et la Martinique.
Jean-Marie Nol