Le Bumidomien et le Nationaliste assimilé, victimes collatérales de décembre 1959.

— Par Yves-Léopold Monthieux 

Voilà que paraît Bumidom : pour dire non à l’oubli, le dernier ouvrage écrit pour ne pas oublier que les ressortissants du BUMIDOM et leurs héritiers auraient subi la maltraitance de l’institution. Bref, son autrice est fidèle au cadre qui a été fixé une fois pour toutes par les vrais responsables des difficultés endurées par ces domiens partis pour France. Comme s’il était important que ces derniers ne parviennent jamais à se libérer des tourments qui leur sont prêtés. Aux dires de l’autrice, la mention sur la couverture de l’ouvrage du mot déportation, cher aux contempteurs du BUMIDOM, ne serait pas d’elle mais de son éditeur qui lui aurait indiqué qu’il est, lui-même, “ le petit-fils d’un juif déporté”. De surcroit, il lui fut indiqué qu’avec cette image l’ouvrage se vendrait mieux.

C’est le livre qu’en sa livraison du 25 juillet 2024 le quotidien France-Antilles a choisi de présenter. Au moment où s’écrivent ces lignes, la lecture des avis parus au bas de l’article fait état de 3 commentaires positifs contre 23 négatifs. Cependant c’est l’opinion archi minoritaire qui nourrit non seulement l’ouvrage cité mais quasiment tous les romans, films, théâtres, chansons, radios, télés, journaux et la plume des écrivains. Tous continuent de colporter des déclarations toxiques à l’égard du BUMIDOM, nonobstant l’échec des idéologies qui les ont sous-tendus. Le lynchage de l’institution et, à travers elle, celui des hommes et surtout des femmes qui y sont passés, est pratiqué sur ces médias avec régularité et une complicité déconcertante.

Tandis que les mêmes supports n’ont jamais manifesté le moindre intérêt pour le seul ouvrage, paru en 2018, Les années BUMIDOM en Martinique, qui apporte un éclairage différent de celles imposées par les élites nationalistes d’antan. Réédité et augmenté en 2023, cet essai qui a fait l’objet de plusieurs exposés publics a été jusqu’à ce jour le seul à démontrer que le BUMIDOM n’a pas été la machine à broyer décrite par ses détracteurs, mais dans la quasi-totalité des cas, un organisme favorable à la promotion des milliers de garçons et de filles qui y ont eu recours. Des intellectuels martiniquais du Front Antillo-Guyanais pour l’Autonomie (FAGA), en guerre anticoloniale à Paris contre l’État français, ont distillé un vocabulaire corrosif dans les cerveaux de ceux qui sont partis en France, de leurs fils et petits-fils. Ils ont été localement relayés par des fonctionnaires aux 40% souvent encartés au parti communiste. Peu armés intellectuellement pour s’opposer à cette campagne idéologique, les gens du BUMIDOM se sont laissé transformer en un groupe humain replié sur lui-même, un peuple singulier entre les DOM et l’Hexagone, l’Île de France en particulier. Au vu de ce qui s’écrit encore y compris par les petits-enfants souvent tenus dans l’ignorance par le mutisme de leurs parents, ils sont encore persuadés d’avoir été coupables de quelque chose.

Par ailleurs, il est vraiment surprenant de constater que la voie royale réservée aux pensées toxiques se poursuit parfois jusqu’en des lieux improbables. L’un des films bâtis sur l’inépuisable opprobre du BUMIDOM vient d’être projeté presque en tandem avec le roman de Mme Pidéri-Joncart, dans un célèbre centre culturel du Sud de la Martinique.

Ainsi donc, après l’échec du SMA bashing qui a fini par la mort brutale de cette marchande de pistache – celle-ci avait eu le crâne fracassé par un caillou destiné à des militaires défilant sur la Savane par une après-midi de 14 juillet ; après le France-Antilles bashing (France-Menti) qui s’est évanoui avec le temps ; reste le BUMIDOM bashing, celui des 3 armes des faux révolutionnaires qui a fait le plus de dégâts. Ces pseudos s’accrochent à cette dernière détestation comme à la dernière branche pour se persuader d’être encore les combattants qu’ils n’ont jamais été.

Quoi qu’il en soit, par leurs accusations infondées, des intellectuels ont puissamment contribué à l’image dégradée d’un être qui ne serait ni tout à fait Martiniquais, Guadeloupéen, Guyanais ou Réunionnais, ni tout à fait Français. Un être singulier, un être à part, le “Bumidomien”, qui relèverait peut-être de l’anthropologie. Ces hommes et ces femmes ainsi que leurs descendants ont été ou demeurent les victimes collatérales d’une cause qui les dépassait, la lutte asymétrique entre assimilation et nationalisme. Les incidents de décembre 1959 ont pu constituer le déclic de cette querelle qui a, finalement – non plus sur les bords de la Seine mais atè Matnik – accouché d’un personnage tout aussi curieux que le Bumidomien, le Nationaliste assimilé.

Fort-de-France, le 25 juillet 2024

Yves-Léopold Monthieux