Le « power trio » confirme son originalité avec un deuxième album, « 4 Ed Maten », hommage aux travailleurs venus des Antilles.
— Par Bruno Lesprit —
Dans le jargon angliciste des musiciens, on appelle ce type de formation « power trio ». Une configuration guitare électrique-basse-batterie apparue au milieu des années 1960 avec l’émergence du blues rock en s’appuyant sur la puissance de l’amplification. Figures canoniques : Cream (avec Eric Clapton) et The Jimi Hendrix Experience.
A une lignée qui s’étend au hard rock, au punk ou au grunge, il faut ajouter Delgres, la plus belle aventure qu’ait récemment connue le blues français. Depuis un premier album, Mo Jodi (2018), qui a redynamisé un genre souvent embourgeoisé et figé dans les stéréotypes, et dont le successeur, 4 Ed Maten, confirme la singularité. Les titres des œuvres fournissent un premier indice de celle-ci : tout, ou presque, est chanté en créole.
4 Ed Maten (« quatre heures du matin »), avec un radio-réveil qui s’embrase sur la pochette, c’était le temps du lever pour le père du chanteur, guitariste et auteur-compositeur Pascal Danaë quand il débarqua au Havre (Seine-Maritime) en 1958, « après une semaine de bateau » depuis la Guadeloupe.
La chanson-titre est un salut aux anonymes de potron-minet, d’attaque quand les autres dorment encore. En bleu de travail devant des conteneurs, le trio a tourné le clip introduit par l’exergue « pour ceux qui n’ont rien, le soleil se lève toujours plus tôt », sur les docks de la cité normande. Vif beat syncopé à la Bo Diddley, gros riff de boogie-blues, la voix chaude et encourageante de Danaë, éternel béret sur le chef, puis un soubassophone entre en action.
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