Au cœur de la Martinique, le bèlè s’épanouit comme une fleur musicale dont les racines plongent profondément dans le sol fertile de l’histoire tourmentée de l’esclavage. Plus qu’une simple pratique musico-chorégraphique, le bèlè est un véritable récit vivant, tissé de chants, de musiques, de danses et de contes qui ont évolué au fil des siècles.
Les tambours résonnent avec la puissance d’un écho du passé, portant les émotions des ancêtres africains esclavisés qui, sur les plantations de Sainte-Marie dès les années 1830, ont insufflé leur énergie dans cette expression culturelle unique. Le bèlè, terme générique, ne se limite pas à une simple classification musicale, il englobe également un instrument, le tambour bèlè, et un contexte social et rituel d’une importance transcendante.
Les origines du bèlè, en Martinique, sont entrelacées dans deux hypothèses intrigantes : serait-il né des souffrances de l’esclavage, subissant des transformations à travers les siècles, ou serait-il l’héritage laissé par les Marrons fuyant les plantations pour s’établir dans les mornes isolés ? Des hypothèses qui suscitent encore des recherches, témoignant de la richesse et de la complexité de cette tradition.
Le bèlè, en tant que phénomène contemporain, puise essentiellement dans la culture des mornes martiniquais, forgée par les Nouveaux Libres après l’abolition de l’esclavage en 1848. C’est dans ces mornes que naît une société paysanne, véritable laboratoire culturel où le travail devient volontaire, symbolisant une inversion des valeurs coloniales. Cette mutation culturelle s’exprime à travers le bèlè, fusionnant les dimensions économiques, sociales et culturelles dans un rituel d’entraide, de don et contre-don.
La « Matrice » Bèlè, une sorte de canevas socio-musico-chorégraphique, gouverne la création du bèlè, permettant des configurations adaptées au contexte social, historique et géographique. Les danses lalinklè, mystérieuses et sacrées, se déroulent au clair de lune, portant les vestiges des pratiques culturelles des esclaves. Parmi elles, le mabélo et le ting-bang révèlent des pas hérités des influences africaines, préservant la mémoire collective.
La musique du bèlè, organisée avec précision, accueille le chanteur, le chœur, le joueur de ti bwa, et le tambour bèlè. Les rythmes envoûtants se déploient, créant un dialogue entre danseurs et tanbouyé. Le tambour bèlè, à l’origine conçu par les esclaves en fuite, évoque une sonorité proche de la terre, tandis que la danseuse, parée de sa jupe évasée, son haut, son jupon, son panty et son carré de tissu à la taille, s’abandonne aux mouvements libres dictés par le ti-bwa.
Les danses bèlè, nombreuses et diversifiées, transcendent les frontières temporelles. Du bèlè courant au gran bèlè, du béliya au bouwo, chaque danse révèle des aspects différents de la vie martiniquaise, imprégnée de religions, de coutumes africaines, d’influences européennes et de vécu quotidien.
Le bèlè, bien plus qu’une simple pratique artistique, incarne l’âme de la Martinique. En résistant à l’épreuve du temps, il demeure un pilier essentiel de l’identité martiniquaise, enseignant la patience, la rigueur, la solidarité et perpétuant le riche patrimoine culturel de l’île. Au son envoûtant du tambour bèlè, la Martinique danse, célèbre, et raconte son histoire, perpétuant la flamme de cette tradition unique au monde.
— M’A —