— Par Kostas Vergopoulmos —
Fallait-il l’annonce des élections anticipées grecques pour susciter des «sueurs froides» à Bruxelles, Francfort et dans les Bourses du monde ? Si pourtant tel est le cas, avec un pays qui ne représente que 2,5% tant du PIB que de la dette totale de la zone euro, cela devrait s’expliquer pas tellement par l’inquiétude des créanciers européens quant au sort de leurs créances, mais surtout par la première mise en cause de la «règle d’or» européenne, stipulant des déficits zéro, ainsi que des politiques d’austérité qui gouvernent, depuis un moment, tant l’Europe des Dix-Huit que celle des Vingt-Huit. Si au cours des cinq dernières années, la minuscule Grèce fut le «banc d’essai» pour la gestion de la dette par l’austérité, le test grec risque maintenant d’offrir des résultats négatifs pour l’ensemble de la zone euro. Avec l’austérité comme moyen de gestion de la dette, nous avons maintenant des bilans désastreux sur tous les fronts : les «sacrifices» ne paient pas, la croissance se transforme en récession et déflation, le chômage de masse explose, les dettes n’en finissent pas de croître par rapport aux PIB qui doivent les servir. L’austérité : un remède nettement plus dévastateur que la maladie.
Fin 2014, l’ensemble des dettes souveraines de la zone euro ne cessait de croître pour se situer sensiblement à plus de 14 000 milliards d’euros et au niveau de 100% du PIB de cette zone. Or, de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, la dette fédérale dépasse déjà 18 000 milliards de dollars, soit 110% du PIB américain. Pourtant, l’Amérique, malgré sa dette supérieure, ne manifeste pas de signes de récession, mais au contraire son économie retrouve les 5% de croissance, tandis que son chômage a déjà passé sous la barre de 5,8%. Aux antipodes, la zone euro, avec une dette inférieure, s’engage sur la voie de la déflation, avec des taux de croissance près de zéro et un chômage qui dépasse 12% de la population active. Certes, on pourra disserter sur le fait que les deux économies – américaine et européenne – ne sont pas comparables, néanmoins, on ne pourra pas ignorer que l’austérité des revenus et des dépenses, tant publiques que privées, qui domine en Europe n’a jamais été de secours aux Etats-Unis.
Au contraire, depuis la crise de 2008, l’administration Obama n’a pas hésité à augmenter le déficit public de 40% pour le porter à 12,3% du PIB. La consommation américaine n’a pas été contractée, comme en Europe avec les programmes d’austérité, mais au contraire elle fut maintenue et même renforcée de 12% au cours des six années qui ont suivi la crise. Avec la «Consumer Protection Act», les revenus des ménages furent protégés et si austérité a eu lieu, elle ne fut qu’en direction des bonus des banques taxés de 90%.
D’autre part, plus de 634 milliards de dollars ont été assumés par l’Etat américain pour financer la protection sociale des 50 millions de personnes sans couverture sociale. Les dépenses sociales augmentent fortement en Amérique, tandis qu’elles se contractent en Europe, au nom de la lutte contre les déficits. En même temps, une campagne féroce contre la corruption rapporte plusieurs dizaines des milliards à l’Etat américain, tandis qu’en Europe on reste «discret» sur cette question pour ne pas effrayer les «investisseurs»…
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Kostas VERGOPOULOS Professeur émérite d’économie à l’université Paris-VIII