— Par Yves-Léopold Monthieux —
Ainsi apparaît pour la première fois sous la plume de Raphaël Confiant, du moins à ma connaissance, l’expression d’un assimilationnisme d’extrême-gauche naissant en Martinique. Depuis l’avènement du statut départemental d’outre-mer, l’histoire politique martiniquaise est celle de l’opposition supposée entre les assimilationnistes de droite et de gauche dans un assimilationnisme global assumé par tous. En effet, les oppositions sont de méthodes, de visées électorales et ne concernent jamais la remise en question de l’assimilation.
La lutte pour le pouvoir n’a pas occulté l’ambition commune même si le vocable « assimilation » a été accolé à la droite. Utilisée comme pour se défaire d’une tare supposée, l’expression « droite assimilationniste » est amusante dans la bouche des communistes qui ont inspiré la loi d’assimilation de 1946 puis l’ont ardemment défendue avec l’aide de la courroie de transmission du parti, le syndicat CGT. Fer de lance de l’application à la Martinique des lois sociales et aiguillon de la droite, l’objectif était de faire en sorte que la Martinique soit le plus possible un « département à part entière », souci partagé par Césaire lui-même, qui l’a formellement exprimé et traduit en plusieurs actes dont le moratoire.
L’assimilationnisme d’extrême-gauche est peut-être nouveau dans sa formulation, mais pas dans sa réalité, ne serait-ce que par son foyer d’origine, le service de l’éducation nationale, creuset de sa formation. C’est une manière « d’assimilationnisme des professeurs » qui ne fait que profiter de l’aubaine de la présence au premier plan d’un élu national, Jean-Luc Mélenchon. Le talent de celui-ci et la respectabilité due à son passé ministériel lui ont conféré une présomption d’aptitude à gouverner que n’avait jamais eue les précédents candidats d’extrême-gauche à la présidence de la République. Ce n’est plus Krivine, Laguiller ou Besancenot, qui n’avaient pas pu sortir de la marginalité, de sorte qu’il est permis de penser que la mode Mélenchon s’éteindra avec son éloignement de la politique. Et que l’extrême-gauche martiniquaise sortira de sa « mélenchonite » sans que son assimilationnisme ne soit altéré.
C’est lors de sa première présidence à la région qu’AMJ a apporté l’extrême-gauche dans ses bagages et qu’est apparue la notion assimilationniste de « continuité territoriale », initiée avec une gourmandise unanimement partagée. Si l’on veut être un brin provocateur mais non irréaliste, disons pour ceux qui pensent que Chaben relèverait de l’extrême-droite, que c’est vraiment tout le spectre politique qui est sous l’emprise d’une assimilation assumée.
Dans le seul pays au monde où toutes les tendances politiques connues se sont retrouvées au pouvoir, l’assimilation n’a jamais été remise en question par leurs représentants au sein des assemblées successives. En conséquence, les déclinaisons ou répartitions partisanes ne sont, me semble-il, que coquetteries politistes ou littéraires d’un absolu assimilationnisme.
Fort-de-France, le 20 avril 2022
Yves-Léopold Monthieux