Par Catherine Simon
— |
Contrôler les migrants étrangers, les enfermer si nécessaire, surveiller les frontières par tous les moyens : on n’a rien inventé de plus profitable ni de plus efficace au cours des dernières décennies. Vous sursautez ? Vous avez tort.
En termes de profit et de marketing politique, les migrants sont une excellente affaire. C’est ce que démontre cet essai percutant, précisément documenté et qui se lit sans peine. Les sociétés privées de sécurité, tout comme l’industrie de l’armement, ont su, très vite, occuper le créneau. Ainsi, l’entreprise multinationale G4S, dont une partie de l’activité est consacrée à la « gestion » de l’immigration (celle de centres de détention du Royaume-Uni notamment), emploie aujourd’hui près de 650 000 personnes.
Quant aux fameux drones, ces avions sans pilote, ils sont utilisés, depuis le milieu des années 1990, à des fins non militaires – en particulier pour la surveillance des frontières. Celle séparant les États-Unis et le Mexique a été la première, en 2005, à « bénéficier » des services d’un drone, le modèle Predator B, de la société General Atomics. D’autres frontières et d’autres drones ont évidemment suivi. Le filon est loin d’être épuisé.
Le secteur privé n’est pas seul à profiter de cette manne inédite. L’agence européenne Frontex, basée à Varsovie, dotée à sa naissance d’un budget de 6,3 millions d’euros, a vu celui-ci multiplié par quinze en cinq ans.
Censée coordonner les opérations des Etats membres de l’Union européenne, l’agence a vu son rôle grandir, devenant « l’instrument emblématique de la politique de contrôle migratoire » de l’Union, voire son « bras armé », en particulier en Méditerranée, souligne l’auteure de cet essai, la juriste Claire Rodier. Membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), cofondatrice du réseau euro-africain Migreurop, elle travaille sur ces questions depuis de longues années.
LE MONDE | 07.12.2012