—Par Jean-Philippe Belleau* —
Le curieux cas de Rachel Dolezal, cette activiste antiraciste « blanche » qui se faisait passer pour « noire » (Le Monde, 13 et 17 juin 2015), après avoir alimenté aux Etats-Unis bruyamment les pages d’opinion et les talk shows des télévisions, a été suivi d’un des pires drames de l’histoire récente américaine avec l’assassinat de 9 Afro-Américains dans une église historique de Charleston, en Caroline du Sud par un suprémaciste blanc, Dylann Roof (Le Monde, 18 et 19 juin 2015).
A priori, tout oppose ces deux individus, l’un qui voulait émuler une identité raciale et culturelle, l’autre qui voulait l’anéantir ; pourtant, les deux ont été taxés de racisme et plus ou moins rangé dans la même catégorie. Si les actes racistes violents (et généralement impunis), récemment commis par la police aux Etats-Unis, s’inscrivent dans un contexte et une histoire bien documentée, cet assassinat de masse pourrait représenter un tournant vers le pire, au point d’être considérée par le chercheur François-Bernard Huygues comme un « acte terroriste ». Pour l’écrivain Thomas Chatterton Williams (Le Monde, 19 juin), le fait que le second soit classé comme « personne à l’esprit dérangé » permet d’évacuer les questions de fond et des idéologies qui motivent ces actes.
Pourtant, cette pathologisation a également accompagné les regards et les débats sur Rachel Dolezal, avec des soubassements moraux : comment peut-on se prétendre noire quand on est blanche ? En avait-elle le droit ? Est-elle folle ? On arrive à un paradoxe : la plus construite des identités, l’identité raciale, la moins « biologique », demeure la dernière identité imperméable. Les débats autour de Rachel Dolezal soulignent le problème de la représentation et de la légitimité à s’exprimer sur les identités des autres….
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*Jean-Philippe Belleau est professeur d’anthropologie à l’université du Massachusetts à Boston et auteur de l’ouvrage Ethnophilie, l’amour des autres nations, 2015, Presses universitaires de Rennes, 268 pages, 20 euros.