Un collectif de représentants d’ONG, parmi lesquels Véronique Andrieux,directrice générale de WWF France, et Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, appelle à une action immédiate pour stopper les importations issues de la déforestation
Au premier semestre 2021, la déforestation en Amazonie a augmenté de 17 % par rapport au premier semestre 2020. Alors que la saison sèche s’ouvre au Brésil, le nombre d’incendies dépasse celui de l’année dernière à la même période. Ces chiffres laissent présager de nouveaux records d’incendies au Brésil cet été. Face à ce désastre environnemental, climatique et social, la France reste passive. Pourtant, nos importations de produits issus de la déforestation contribuent à la destruction des écosystèmes exceptionnels de ces régions : l’Amazonie et le Cerrado sont détruits afin de laisser place aux pâturages et aux champs de soja que la France importe massivement pour ses animaux d’élevage.
L’année 2020 a été marquée par des incendies qui ont ravagé plus de 310 000 km2 au Brésil, avec la caution du président Jair Bolsonaro. Pour la troisième année d’affilée, la forêt aura perdu environ10 000 km2, l’équivalent de la superficie de l’Île-de-France ! Le rythme de destruction est tel que les scientifiques alertent : si aucune action immédiate n’est entreprise, la forêt amazonienne se transformera en savane, menant à la destruction irréversible de cet écosystème essentiel à la survie de l’humanité.
Ces écosystèmes, à la biodiversité unique, sont vitaux pour l’équilibre climatique planétaire.Aujourd’hui, l’Amazonie brésilienne n’assure plus son rôle de poumon de la planète. Selon une étude scientifique publiée dans Nature, elle émet plus de carbone qu’elle ne contribue à en séquestrer. Si rien n’est fait, c’est toute l’Amazonie qui pourrait devenir émettrice nette de carbone.
Il y a urgence à agir. En 2019, Emmanuel Macron reconnaissait la responsabilité de la France et s’engageait à freiner la destruction de l’Amazonie. Deux ans après, le constat est amer : nos importations issues de la déforestation n’ont pas ralenti et la destruction de l’Amazonie s’est accélérée.
Si la France s’est dotée d’une « stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée » en novembre 2018, celle-ci est restée lettre morte, faute de volonté politique. L’action de la France demeurera inefficace tant qu’elle reposera sur le bon vouloir des entreprises. Pour garantir que le soja qu’elle importe n’est pas issu de la déforestation, la France doit prendre des mesures pour contraindre les importateurs à garantir que les produits qu’ils mettent sur le marché ne sont pas liés à la déforestation ou à la destruction d’écosystèmes.
Regards rivés sur la France
De même, le gouvernement ne peut continuer à négocier des accords qui risqueraient d’accroître la déforestation en Amérique du Sud. Selon l’expertise scientifique mandatée par le gouvernement,l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur augmenterait la déforestation dans les pays du Mercosur, jusqu’à 25 % par an pendant six ans. La France doit bloquer l’adoption de cet accord et de tout instrument présentant le risque de contribuer à l’accélération de la déforestation.
En septembre, les regards seront rivés sur la France, qui accueillera le Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Avant la fin de l’année, la Commission européenne proposera un projet de législation pour lutter contre la déforestation. La France aura la responsabilité de faire aboutir un texte ambitieux puisqu’elle assurera la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022. Cette loi devra contraindre les entreprises à garantir que les produits qu’elles mettent sur le marché européen ne sont ni liés à la destruction de forêts, savanes et prairies, ni à des violations de droits humains. A ces conditions seulement, la trajectoire destructrice de la déforestation en Amérique du Sud pourra être inversée et l’équilibre environnemental et climatique préservé.
Véronique Andrieux, directrice générale de WWF France ; Clotilde Bato, présidente de Notre affaire à tous ; Jonathan Guyot, cofondateur d’All4trees ; Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France ; Charlotte Meyrueis, directrice de Cœur de forêt ; Xavier Morin, directeur de Canopée ; NicoMuzi, directeur Europe de Mighty Earth ; Boris Patentreger, fondateur d’Envol vert ; Arnaud Schwartz, président de France nature environnement ; Evrard Wendenbaum, fondateur de Naturevolution