Lettre adressée à Maurice Bonté, Président de l’Association des maires de Martinique
— Par Barbara Jean-Elie —
Nous avons pris connaissance de la déclaration du président de la CTM à propos de la réouverture des collèges et des lycées à partir du 11 mai.
Nous avons aussi pris connaissance de la déclaration du maire du Prêcheur, concernant la même réouverture de l’école de sa commune.
Nous comprenons de ces prises de position que la Martinique s’achemine vers le maintien de la fermeture totale des établissements scolaires jusqu’à la rentrée prochaine de septembre 2020.
Cette perspective nous semble problématique.
Les publications scientifiques concernant les enfants et le Covid font désormais état d’une faible contagiosité des plus jeunes.
Selon la Société Française de Pédiatrie, « au 23 mars, sur les près de 58 000 cas Italiens seulement 597 étaient des enfants et adolescents de moins de 18 ans (1 %), le taux d’hospitalisation des enfants était de 11 % (17,5 % chez les moins de 1 an et 7 % chez les plus de 7 ans). Aucun enfant n’a eu recours aux soins intensifs. Les données françaises confirment la bénignité de l’infection chez les enfants (les cas graves et les décès sont extrêmement rares). Les enfants de moins de 15 ans représentent moins de 1 % des admissions en réanimation au 5 avril en France et aucun enfant de moins de 15 ans n’est décédé du COVID en France. Un décès est toutefois survenu chez une adolescente de 16 ans (données santé publique France). »
Aggravation du décrochage scolaire et des inégalités sociales
Depuis le début de l’épidémie, les enfants des soignants sont accueillis dans des établissements martiniquais et nous nous en félicitons.
L’éducation nationale a mis en place un plan de continuité pédagogique aux termes duquel, les enfants ont pu suivre en visioconférences ou via des plateformes digitales les cours préparés par leurs enseignants. Nous voulons saluer leur implication pour faire face à cette situation spéciale.
Cependant, cette situation, on le sait, aggrave le décrochage scolaire et les inégalités sociales. Dans le même temps, les associations et les autorités craignent une recrudescence des cas de violences intrafamiliales pendant le confinement.
Aussi, s’il est indispensable que les conditions d’hygiène et de sécurité soient garanties dans les établissements aux enfants accueillis ainsi qu’aux personnels éducatifs et d’encadrement, nous ne pouvons rester sourds et insensibles à ce que vivent bon nombre de nos concitoyens depuis plusieurs semaines.
Pourquoi les établissements scolaires ne pourraient-ils pas rouvrir même partiellement pour les enfants les plus éloignés de l’école, dans les familles qui ont le plus de mal à organiser les conditions d’une scolarisation à distance ?
Certains enfants ne mangent bien qu’à la cantine. Que deviendront-ils ?
Les enfants de notre territoire n’auront eu que très peu école au cours de cette année 2019-2020, entre les grèves (plus longues que dans le reste de notre pays), les vacances et le confinement auquel nous nous sommes fort heureusement soumis.
La souplesse devra prévaloir
Nous suggérons que les CCAS, interfaces naturelles avec les habitants en situation précaire assurent le recensement des familles dont les enfants seraient en priorité accueillis à partir du 11 mai, par petits groupes.
Il est évident que les mesures de distanciation sociale ne permettent pas d’accueillir des groupes trop nombreux. Les parents qui en ont la possibilité continueront de suivre leurs enfants avec les enseignants à distance et les parents qui le voudraient enverraient leurs enfants.?La souplesse devra prévaloir comme les autorités éducatives le préconisent.
Ce qui se passera à partir du 11 mai serait comme une période de rodage pour septembre, une répétition générale, car rien ne dit en effet que la situation aura fondamentalement changé d’ici là.
Nous sommes collectivement capables de nous adapter à une situation difficile en faisant preuve de solidarité et de responsabilité.
Laisser les portes des écoles fermées le 11 mai, laisser les parents seuls face au défi que représente l’éducation de leurs enfants dans cette période de crise est un message extrêmement cruel adressé aux mères et aux pères de famille de notre pays, renvoyés à leur sort, comme si les autorités locales leur disaient « Débrouillez-vous, nous ne pouvons rien pour vous ».
Restant à votre écoute le cas échéant, je vous prie d’agréer Monsieur le Président mes respectueuses salutations.