Tribune-mêlée du Réel, entre Mer et Ciel, au pays des bêtes longues…
« L’histoire, c’est la lutte des exploités contre les exploiteurs. C’est la lutte des exploiteurs entre eux, pour s’accaparer le produit de l’exploitation. Après une révolution, les exploiteurs choisissent les leaders des exploités. Ces exploités devenus exploiteurs, défendent la cause des exploiteurs. »
Cette maxime, connue de la plupart des générations du 20e siècle, nous laisse, en l’entendant, ce goût caractéristique de pistaches brulées que l’on avale trop rapidement, alors qu’une action décisive est en passe de se conclure lors d’un grand match de foot. C’est peut-être de là, que vient ma méfiance des révoltes ou des révolutions, des contre-révolutions, des révolutionnaires et contre-révolutionnaires, des raisiniers à gueule de mancenillier bord-de-mer, des minorités dirigeantes ou dominantes, de même que ma manman-méfiance de celles et ceux qui hurlent avec les loups, aboient avec les chiens, miaulent avec les chattes, ou nous chantent des cantiques de leur voix de casserole.
Tenez… : selon les propos du plus récent Ministre auprès du Premier ministre, chargé des Outre-mer, interviewé à la Martinique le 12 novembre 2024 : « nous devons repenser la structure économique de nos Outre-mer et la façon dont on les gère. (…) Il faut vraiment qu’on se mette à la tâche maintenant… ». Selon un chœur d’élus locaux : « nous devons changer de modèle économique, changer de paradigme… ».
Trois cent quatre-vingt-neuf années après la prise de possession monarchique de la Martinique ; soixante dix-huit ans après la promulgation d’une loi tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane ; quatre décennies après la première vague de décentralisation et deux mois de colère rouge, un homme d’Europe et des élus martiniquais avouent, confessent, reconnaissent et témoignent d’une belle vérité en place publique, comme si qu’un rien naissait. Ce qui s’enseigne ici, est une musique jouée des deux mains au festival du rêve par un concert d’impéritie, bien incapable d’émanciper nos aires.
Nous pourrions, suite à ce constat, fixer le prix qui s’impose et, de pistache, partir en cacahuète au gré du vent sur nos personnes. Nous pourrions relater qu’après des siècles d’exploitation et de gouvernement se soldant par une mise à feu et à sang des quatre coins de l’empire, il devenait peut-être urgent, voire impératif, de mettre un terme à des rapports et relations vouées à l’échec économique, à la domination politique, à la destruction écologique, comme au mépris le plus hautain d’êtres vivants consumés par l’anthropophagie coloniale. Mais nous nous contenterons d’afficher cette habituelle distance entre nous et les autres, vertu intellectuelle des « bien nés » et des plus « méritants », sachant combien l’asymétrie des tailles et influences nous maintient du côté du cadavre dans le placard.
- Or, que voyons nous ?
- qu’au travers du système en axe, aucune dynamique de responsabilisation équilibrée, aller-voir équitable, n’est advenue au corps d’une République française souveraine, donc logiquement soucieuse, sur une ligne de relations internationales et d’interdépendances, d’étendre et envelopper ses intérêts économiques, afin de mieux défendre sa sécurité nationale, ainsi que son influence à l’intérieur d’un marché commun du commerce, de la diplomatie et de la force.
- que les nombreuses contradictions de terres non souveraines acceptant l’entente économique d’une caste dirigeante, complice de la profitation déshonorant le Politique, exprime l’agrément général de l’état départemental* du corps social, plutôt qu’une conscience collective organisant ce corps selon ses propres forces, ses propres compétences et sa propre ingénierie, afin de rompre le cycle infernal de pêche aux dotations et de sujétion refoulée.
Ce qui exige de nous, a posteriori, de bâtir notre réel à l’aide d’une autre condition humaine.
En conséquence, aux violences politiques et économiques devenues les artères principales des villes, à l’arthrose dégénérative s’articulant aux rentes comme à l’allégeance générale, aux trafics mortifères qui gangrènent nos tissus, il nous faut apposer, entre affairistes et corrompus trinquant à notre manipulation, ce devoir citoyen qu’est le refus de souffrir l’injure à l’intelligence naturelle, comme à la faim et à la soif universelles. Un refus populaire d’éprouver les dommages causés sans honte et sans éthique, dans le plus grand fossé moral et le plus sombre blanchiment, par des bouviers étourdissant des bœufs.
Il n’échappera donc à personne, qu’une partie du troupeau serait prête à nécroser l’ensemble, pour peu que demeure à l’état immobile, la masse des profitations, et que l’énergie du point zéro permette au système d’exploitation de gérer ses ressources à l’infini. Il n’échappera pas non plus qu’une partie plus radicale du bétail tentera, inévitablement, de profiter de la situation, singeant l’accaparement et le matérialisme bourgeois avec force frustrations. Cette connaissance de cause, expérience d’une fraîche conscience de soi à la faveur d’un rassemblement pour la protection des peuples, cet éveil élargi aux mécanismes de domination et de distribution accouche aujourd’hui d’un état de perception et de sensibilité inhabituelle. Sorte de conscience collective d’un réel augmenté ; une éthique du courage à faire valoir au voisinage de l’état poétique, état qui permet de marcher pieds nus sur des kilomètres de braises et de tessons, jusqu’à l’abattement.
En cette tournure des choses, l’inégalité visible de la structure sociale ou de l’échange commercial augmente la réalité de l’appauvrissement, autant que le malaise global. Mais plutôt que de questionner et de remettre en cause une praxis de la dépendance économique et politique à la « métropole », plutôt que questionner et de remettre en cause l’économie et la structure des échanges commerciaux au profit de cette « métropole » et de minorités privilégiées, plutôt que d’interroger et de remettre en cause la répartition des dotations, les droits de propriété sur le capital foncier et le modèle de développement (ou d’extraction) agricole, plutôt qu’interroger et remettre en cause l’effort contributif des oligarchies locales, ou les processus d’accumulation conduisant à leur maîtrise de l’import-export, de la grande distribution ou du commerce automobile, immobilier et des services, il s’agira pour un groupe réactionnaire solidarisé, de remettre en question l’héritage de la colère rebelle aux servitudes, de mettre en cause et de dévier, par tous les moyens nécessaires, la contestation du cadrage juridique des positions de puissance et des modalités d’organisation du pouvoir.
- Populistes à démagogie ! Voyous de tous les délits ! Dealers de destin haïtien et de devenir chèvre ! Cabris de la continuité territoriale et de l’autonomie bancale ! Quand donc reviendrez vous à la raison du droit chemin ? Tonnant ! et trébuchant !
Pour autant, faire retentir la colère comme un tonnerre du haut d’une tribune, avec force et véhémence, n’est pas une mince affaire. L’éloquence d’une parole sauvée peut entraîner sur des voies inconnues de toute géomancie, ou mener à l’impasse qu’aucune trace ne prévoit. Il faut marcher en Chemin comme on foule aux pieds la haine du Mabouya et le culte d’ego, démesurer nos guerres en métriques fraternelles. Entre-temps
, quand la parole dispose d’elle-même, telle que reconnue, elle nous rappelle que la revendication de droits fondamentaux ne figure nullement la rupture d’un dialogue, mais plutôt l’ébranlement par secousse des positions en discussion. Elle nous indique ainsi de nouvelles voies d’écoute et coopération multipolaires. Attachée au diable des détails, elle est le signe qui sait la position gagnée en ayant une claire vision de l’action institutionnelle, et des acteurs opportunistes. Un regard froid sur la composition de l’ordre, et la recomposition ordonnée au gré des nécessités de digestion comme de réinvention.
A cette aune, arrêtons nous sur une histoire bien connue de tous, mais si souvent tue qu’on en viendrait à croire aux histoires de fantômes. Il nous faut à tout prix rappeler, qu’entre puissances coloniales et colonies, demeura toujours, après le temps des ruptures et discontinuités, un modèle particulier de relations partenariales et coopératives, quand bien même celles-ci se furent agencées suite à des heurts, des affrontements ou des guerres de libération. Ainsi, des Comores à Madagascar en passant par la République Dominicaine, le Cameroun, Djibouti ou le Togo, nous savons que nombre de territoires colonisés, ou sous tutelle, bénéficièrent après leur accession à l’indépendance, et bénéficient encore, de nos jours, d’accords de coopération touchant, entre autres, à l’éducation, à la santé, aux infrastructures, à la sécurité ou à la formation technique et militaire. Sous forme d’Aide Public au Développement (APD) et sous l’égide de l’Agence Française de Développement (AFD), la France a conservé de ce fait une influence stratégique et diplomatique internationale, maintenant des liens privilégiés avec d’anciennes colonies, au nom de la solidarité historique et des réparations de dommages économiques, sociaux ou culturels, causés par une politique coloniale au nom égal de Grand Commerce International.
Mais revenons à nos moutons et notre histoire de bœufs parqués, dit-on, enclos en une continuité territoriale de la contradiction. Nous n’avons pas oublié ce que répétaient nos anciens, à savoir que : ce dont on se réclame, en belles paroles ou en belles poses, se trahit plus ou moins en actes. Qui fait qu’aucun peuple souverain ne gouverne foncièrement, laissant les gouvernants y croire plus ou moins, quand les magnats et les maniaques la mettent universellement bien profond. En revanche, nous n’avons pas perdu le souvenir d’une palpable différence entre « gourverner » et « être-gouverné », qui fait que nous gardons en tête les noms et les fonctions des mis-en-relation à l’intérieur de ces catégories actrices de la réalité ; catégories principalement responsables du délitement de la cité par gestion éhontée, oligarchique et corruptrice de toute une société civile.
Ainsi en est-il de la revendication d’un alignement sur les prix pratiqués dans «l’Hexagone», dite depuis peu : réclame de couillons excités foutant le bordel sur la voie de la souveraineté, ou demande d’illégitimes tenant l’impossible entre leurs lèvres pour mieux l’assimiler. Elle nous laisse palper l’étendue océanique de l’inégalité des puissances de dire et d’agir entre les groupes et les individus. En effet, ce qu’une coterie politique ou une clique économique peuvent marteler à coup de mimétisme durant des décennies, tant que la maîtrise de la parlotte et de l’acte manqué reste incontestée, devient une ineptie populiste quand elle émane sous forme dégingandée et mimétique de ceux qui n’ont ni pouvoir, ni puissance, ni autorité, sinon le poids d’un espricorps et d’une parole sauvage.
- Qu’est-ce donc que le théâtre populaire de la reproduction, si ce n’est une manifestation publique du conflit renouvelé des forces sociales ?
C’est pourquoi, dans une société fracturée par le mystérieux syndrome foyalais**, l’importance de la non-violence radicale et déterminée, affichée et pratiquée comme levier de l’action de masse, est une garantie d’adhésion, d’efficacité et de solidarité au long cours. Cependant, quand la violence politique, policière et militaire met à mal le leadership moral, la mobilisation populaire disciplinée, ainsi que la sincérité des volontés en présence, il ne faut plus s’étonner des drives, dérives, et des retours de casse. Quand un individu, un groupe, parvient à influer sur les marées de joies ou de mécontentements, ils acquièrent effectivement un pouvoir, une puissance de commandement qui peut servir à une ou à deux mains, avec ou sans magie. En matière de « magie noire », cela porte au secret des affaires et des tractations électives, en termes de « magie blanche » s’afficheront des erreurs et des errances, dans une transparence des plus inhabituelle et fraternelle, au point que la base ébranlera le sommet.
En tout état de cause, l’erreur serait de nier au rassemblement des peuples une juste appréciation de la situation actuelle. Celle d’un « Outre-mer » saisi de revendications et de principes diversement affirmés : égalité des droits, solidarité nationale et unité de la République ; toutes choses assujetties aux dotations de continuité territoriale. Cet « Outre-mer », n’est-il donc pas en droit de réclamer, d’une part, au nom du ratio diachronique coûts/bénéfices, et quelle que soit l’analyse stratégique idéale des souverainistes, une réduction des inégalités de traitement, inégalités économiques et géographiques d’avec la « métropole », et d’autre part, n’est-il pas en droit de revendiquer, à l’instar d’autres territoires, tels la Catalogne, le Pays basque, la Corse ou les anciennes colonies britanniques, des aides compensant les déséquilibres causés par la puissance coloniale ? A notre connaissance, cette stratégie n’a jamais empêché les peuples et territoires dominés de chercher à réduire leur dépendance économique, par la diversification des ressources financières et la gestion plus autonome de ressources locales.
S’il est vrai que l’amateurisme dans la lutte (selon les codes des avant-gardes), ou la méthode dévoyée de l’action (selon les principes des théologiens de la révolution) peuvent entacher tout mouvement social de marques indélébiles, il n’en demeure pas moins vrai, moins agissant, moins impactant, quand il épouse les formes itératives de la contestation et de l’indignation populaires. Alors, en situation exceptionnelle, qu’est-ce-donc que la condamnation bourgeoise de méthodes contestaires et de dérives qui ne touchent plus uniquement les zones paupérisées ?
Nous l’avons dit : ce que « la réaction » ne pardonne ni au mouvement social ni au rassemblement populaire, c’est leur immixtion fulgurante dans le champ institutionnel. C’est la temporaire et décadencée menace de l’ordre institué. C’est la contestation totale d’une grande distribution des rôles ordinaires et extraordinaires. C’est la saisie de revendications politiques éculées des mains de gardiens orthodoxes. C’est la mise en désordre d’habitudes culturelles scellées de larbinisme. Toutes choses qui, en perspective électorale comme dans une balance commerciale, se payent au prix fort, nous obligeant au choix. Car ce qui se démontre ici, autant qu’on peut en juger d’après ce qui paraît, ressemble à « si courir venait, que ferais-tu pour sauver les apparences ou pour sauver ta peau » ? Mais ce n’est pas plus grave qu’une fin en soi. Ce pays, comme toute vie, s’en est toujours allé claudiquant et binaire, entre sujets et objets, kalinagos et colons, entre maitres et esclaves, africains et européens, entre chiens et loups, noir et blanc, libres et incarcérés ; entre ceux qui acceptent et ceux qui se battent, ceux qui croient au Paradis et ceux qui y vivent. Ce pays-comme-la-vie à ses combats, ses forces, ses manifestations, et ses multiples antagonismes. Donc, quand la lutte libère en lui des raisons d’espérer voir le jour autrement qu’en petite nuit d’enfer, il fabrique des lueurs pour relier les nuances de l’obscur à la clarté civile. Il faut avoir connu l’épreuve de l’écrou, comme lui, le temps désincarné, l’espace désintégré, pour estimer le prix d’un mouvement et de sa liberté, le coût d’une évasion, la valeur d’une nourriture de l’âme.
On voit alors des instances politiques et syndicales en état confusionnel, troublées dans leur fonction supérieure de représentation populaire, dissociant la narration identitaire du récit factuel de l’errance, par distorsion et obscurcissement du réel. On aperçoit un ensemble de sujets assumant d’être otages des uns et des autres, appliqué à survivre, à faire marcher les machines, nettoyer, faire pousser, éduquer, prenant leur mal en patience et poussant des cris numériques. On distingue au loin, descendant la rue d’Oudinot en colonne infernale, l’écho d’une lutte au-delà des mers et océans. Ce n’est pas la lutte finale, pas l’irruption de la fin, mais des voix d’hommes et de femmes debout sur les avenues et grands boulevards, en lutte de convergence au bout du terme.
Non, ce qui se montre actuellement n’appartient ni à la destruction sociétale ni à la terreur révolutionnaire, ou au gangstérisme caribéen. Oui, ce qui marche aujourd’hui dans la rue, révèle au goût du jour ou de la nuit, les divergences d’intérêts à l’intérieur des ensembles comme des sous-ensembles ; divergences d’opinions à l’intérieur des classes, des catégories, des groupes et peut-être même des personnes. Dévoilement des capacités des uns et des autres à se mettre d’accord sur ce qu’ils considèrent comme essentiel, nécessaire pour eux. Démontrastion, par voie de fait et conséquence, de l’habileté des catégories ou castes dirigeantes à passer ensemble des accords sur les grandes questions, comme les grandes décisions. Exhibition, par effet de masse ou d’opportunisme, d’une répression abusive exacerbant les tensions, comme les radicalités. Mais si l’on accorde à « l’évolution des esprits » une forme quelconque de réalité ou d’expérience, il devient difficile de nier qu’une dialectique complexe est actuellement à l’œuvre, pour le meilleur ou pour le pire. Bien servis et bien heureux sont ceux qui connaîtraient, dès lors, la fin de l’histoire.
- Tout bien pesé,
cette situation anxiogène et imprévisible interroge surtout notre géologie sociale et les modalités d’appropriation en son sein des moyens de productions, de gestion et de distribution, qui forment une couche sédimentaire. Elle affleure la distinction singulière entre fonction de direction et régime de contestation. Elle impacte les corps et les esprits avec plus ou moins de violence, plus ou moins d’effets immédiats sur les capacités à vivre biologiquement et socialement. Elle met en exergue l’ensemble des privilégiés s’accommodant fort bien de la domination, de sa reproduction générationnelle, et des effets positifs de leur colonisation.
S’arranger de tout cela ! et tant pis si les laissés-pour-compte ne comprennent pas l’intérêt du consentement ! Consentir à acheter, à consommer, à travailler à la tâche et dans l’ordre, sans poser de question, sans remettre en question, sans emmerder les causes et leurs effets. Est-il un bouclier de qualité plus noble que celui du plaisir et du profit individuel reproductibles ? Assurément, à la surprise des dépendants, la résurgence d’une vieille lutte des classes affirme sa prégnance sur un territoire occupé dans l’ailleurs. Car, se boucher les yeux, le nez et les oreilles, pour mieux parler le langage des fous, est une sagesse de mal-aimé qui laisse dans le noir la façon d’étrangler.
Quand des laissés-pour-compte n’ont plus grand-chose à perdre, que des privilégiés emportent et détruisent à l’abri des regards le socle des dignités, il arrive bien souvent que l’affaire tourne mal. Nature humaine tirant Bonheur du vide. Laissés-pour-compte, mal-logés, mal-nourris, contaminés et figurants se joignent alors à la barbe des premiers rôles, qu’il ne faut point confondre avec des premiers-de-la-classe ou des parangons de vertu.
La dialectique du conciliant et du récalcitrant commence dès lors, et par contre, à malmener les règles, les lois et les institutions « démocratiques », ne laissant que peu d’espoir d’en sortir vivant ou, du moins, bien-portant. Là et là seul, prennent naissance des chimères de bandits dans les cités soleils. Là remontent en surface ce cantique à la gloire d’un chaos trafiqué d’armes et stupéfiants, par conteneur métallique ou conteneur à sang. Là, sur la seule terre, avec le seul outil de la communauté, peut rugir un ensemble cassé en bande organisée. Un ensemble brisé d’abord, et tout du long, par une caste investie dans l’isoloir d’une trompeuse autorité.
Ce qui se refuse aujourd’hui, c’est d’admirer le doigt qui défonce la lune. C’est la monopolisation des marchés autant que celle du pouvoir. Ce qui se refuse, c’est d’observer les prix sans inspecter les mécanismes de débauche institutionnelle. Ce qui s’appelle, ce qui s’exige, c’est le contrôle des prix, le contrôle des juges, le contrôle des politiques, et puis des observatoires, et des magistrats, et des enquêtes indépendantes sur la corruption, comme les flux financiers. Ce qui nous appelle et exige, c’est le contrôle des dépenses d’argent public au nom du clientélisme parents-amis-alliés, c’est le contrôle indépendant des décisions politiques et des administrations aux ordres. Ce qui nous appelle et exige, c’est le contrôle et la transparence la plus judiciarisée du financement des partis politiques, c’est la protection la plus solide des défenseurs des droits comme des sonneurs d’alarme. Ce qui nous appelle et exige, c’est la vigilance et la surveillance citoyennes de castes dirigeantes inamovibles et de groupes possédants irresponsables.
L’insécurité économique et politique est un métal de sang, qui produit un mouvement de décomposition du vivre et de l’ensemble. Un terreau enrichi d’où s’engraissent les fumiers. Le compostage des peurs, commun partage, voisine avec la terre beaucoup de propriétés, comme celle de tenir l’eau des sources et les minéraux en mouvement. Il faut une porosité dans l’air, pour permettre à la fois l’ancrage des organes, et des solutions nécessaires à l’acroissance de roches transbordées en diamants.
* Etat de départition politique, de séparation active avec le souverain et la responsabilité individuelle ou collective, favorisant la dépendance au centre décisionnel externalisé
** Ensemble de comportements adoptant la soumission et la dépendance politique aux forts de France, comme moyen d’échapper à l’angoisse de la responsabilité autonome
Post-scriptum : Avis de l’Autorité de la concurrence n° 09-A-45 du « 8 septembre 2009 » relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer
« …Au regard de l’observation du fonctionnement des mécanismes de marché dans les départements d’outre-mer, l’Autorité considère que l’éloignement de la métropole, d’une part, et la fiscalité spécifique, d’autre part, ne peuvent à eux seuls expliquer le niveau relativement élevé des prix de détail observés…
La réglementation des prix constitue rarement une solution aux problèmes de concurrence, et les caractéristiques des circuits d’approvisionnement domiens rendent cette alternative peu crédible. Les difficultés liées à l’identification des prix « justes » sont en effet amplifiées par la multiplicité des intermédiaires….
Il y a également fort à craindre que sur ces marchés étroits, la réglementation des prix ne conduise rapidement, sous la forme d’une dérive des coûts, à une création de rentes préjudiciable aux consommateurs. A l’opposé de cette approche, l’Autorité recommande d’améliorer, plutôt que de supprimer, le fonctionnement des mécanismes concurrentiels. Certains comportements identifiés pourraient faire l’objet de procédures contentieuses…
Parallèlement à ces recommandations de nature concurrentielle, l’Autorité estime également nécessaire de travailler à l’amélioration des circuits logistiques entre la métropole et les territoires domiens. La segmentation de l’approvisionnement entre différents opérateurs et différents intermédiaires empêche la réalisation d’économies d’échelle tout en accroissant le cumul des marges à chaque stade de la chaîne d’approvisionnement. Les collectivités locales et l’Etat doivent donc s’interroger sur les modalités de mise en place d’une centrale d’approvisionnement et de stockage régionale, qui, par mutualisation des moyens, permettrait la réalisation d’économies d’échelles tout en permettant aux distributeurs de mieux faire jouer la concurrence entre fabricants et entre intermédiaires. »
Loran Kristian, novembre 2024