L’affaire « Pénélope Fillon » commentée par quinze éditorialistes : un cas d’école

— Par Laurence Mauriaucourt —

Dis-moi quel journal tu lis, je te dirai ce que tu penses des révélations du Canard Enchaîné, affirmant que « Pénélope Fillon » a bénéficié d’emplois fictifs, mais de salaires bien réels, notamment comme collaboratrice parlementaire de son mari. Un cas d’école pour juger de la nécessaire pluralité des points de vue dans la presse. Tour de France en 15 extraits d’éditos.

L’affaire « Pénélope Fillon » s’inscruste dans l’actualité. Les éditorialistes n’ont pas fait l’impasse sur ce sujet qui croisent de nombreuses questions en cette année de campagne électorale. Les Echos agitent « la présomption d’innocence ». La Voix du Nord flaire un complot dont François Fillon serait la victime. L’Humanité ne s’étonne pas de l’affaire, tant est notoire « la propension du champion de la rigueur budgétaire à dépenser sans compter l’argent des contribuables pour assurer son train de vie ».

Tour de France en 15 extraits d’édito parus ce jeudi 26 janvier 2017

1) Libération (Laurent Joffrin)

« (…) S’il se confirme, comme le soutient le Canard enchaîné, que la présence de Penelope Fillon au travail est aussi mythique que la tapisserie de son homonyme de l’Odyssée, le candidat LR se retrouvera au coeur d’une tempête difficile à apaiser. Il a en effet construit, non seulement son programme, mais aussi son personnage, sur les idées de rigueur, de sobriété, de sacrifice financier et de morale publique. (…) Un peu comme un prêtre pécheur, François Fillon doit expliquer ses contradictions aux fidèles. A trois mois du scrutin décisif, l’exercice est périlleux. »

2) La Croix (Guillaume Goubert)

« (…) Les accusations lancées par Le Canard enchaîné amènent en tout cas à s’interroger sur un fait établi : de nombreux élus de la République, de droite et de gauche, emploient des membres de leur famille comme assistants. Il y a là un usage très discutable de l’argent des contribuables qu’il conviendrait de réglementer davantage, voire d’interdire. Cela fera partie des progrès, sans cesse à reprendre, vers l’exemplarité des dirigeants politiques. »

3) Les Echos (Cécile Cornudet)

« (…) Politiquement, le coup est d’ores et déjà très rude pour François Fillon. Il vient toucher son identité même, celle de l’homme intègre qui a +le courage de la vérité+ (son slogan) et peut se permettre de faire une leçon d’éthique à Nicolas Sarkozy. (…) Bien sûr, François Fillon aura l’occasion et le temps de s’expliquer et de prouver sa bonne foi ; bien sûr, la présomption d’innocence doit inciter à la prudence. Mais les révélations fragilisent une candidature qui peinait déjà à trouver son rythme. (…) »

4) Le Parisien/Aujourd’hui en France (Donat Vidal Revel)

« (…) Ce système qui consiste à employer sa proche famille comme collaborateurs avec des fonds publics est l’héritage d’un népotisme archaïque qui vient entacher l’image du candidat François Fillon, qui n’a pas hésité jusqu’ici à se présenter comme le chantre de la moralité ».

5) L’Humanité (Paule Masson)

« L’austère Fillon aime le luxe. Et même s’il s’est taillé une image de républicain intègre, loin de l’agitation bling-bling de la droite décomplexée, on connaissait déjà la propension du champion de la rigueur budgétaire à dépenser sans compter l’argent des contribuables pour assurer son train de vie de nanti. (…) Pauvre Fillon. Dans son storytelling idéal, il aurait tant aimé tenir la fable du chevalier blanc de la politique jusqu’à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, il sort les rames alors que le courant n’est déjà plus si favorable à ceux qui maintiennent une chape de plomb libérale. (…) »

6) L’Opinion (Nicolas Beytout)

« (…) Voilà en tout cas un épisode de plus dans le long feuilleton des petits et grands scandales politiques, entre boules puantes, dérapages et règlements de compte. Un pas de plus en direction de la société de défiance, cet état d’esprit collectif si caractéristique des pays malades. Perte de confiance dans l’Etat, perte de respect pour l’action publique, perte de foi dans la probité et l’engagement des acteurs publics, hommes et femmes politiques, magistrats, dirigeants d’entreprise, journalistes aussi, bref tous ceux qui, à leur mesure, concourent à l’expression publique d’une vie démocratique : le virus se propage, les symptômes en sont de plus en plus voyants. »

7) Sud-Ouest (Bruno Dive)

« (…) L’ennuyeux pour François Fillon vient du fait que son image de rigueur et d’intégrité s’en trouvera écornée. Et que son projet de réformes douloureuses pour des Français appelés à se serrer la ceinture n’en sera que plus difficile à faire passer. Cette affaire, plus minable que scandaleuse, ne fait pas apparaître un personnage malhonnête, elle met en lumière un homme facilement disposé à de petits arrangements. (…) »

8) Ouest-France (Michel Urvoy)

« (…) Rien n’est écrit pour François Fillon. Si Manuel Valls est enfermé dans son bilan et les chiffres du chômage, le candidat de la droite est prisonnier de la primaire. Par exemple, il ne peut pas prononcer le nom de François Bayrou sans risquer de perdre une partie de ses soutiens. Encore favori pour 2017, rien, non plus, ne lui sera pardonné. Lui qui a construit son image d’homme sérieux, intègre, capable de réaliser ce qu’il promet de faire, paraît soudain fragile quand surgissent des accusations sur la réalité du travail de son épouse comme attachée parlementaire. (…) »

9) La Nouvelle République du Centre ouest (Denis Daumin)

« (…) La vertu et l’intégrité dont il s’est habillé ne peuvent plus lui suffire de bouclier. Peu importe d’où le – ou les – snipers ont tiré, même si l’on croit voir un peu de fumée s’échapper de part et d’autre du champ politique. Qui ne dit mot consent. Pour l’heure, nous sommes contraints à attendre, or, dans cette circonstance le temps n’est pas l’allié du prétendant Républicain. Et les mines inévitables qui exploseront dans d’autres camps ne suffiront pas à faire diversion. Bref, l’artillerie est engagée, il va falloir sortir du bois cette fois. Allez, +courage Fillon !+ »

10) L’Est républicain (Philippe Marcacci)

« (…) L’on sait ce qu’il est advenu d’une République que François Hollande promettait exemplaire. L’autre François (Fillon), économe des deniers publics, se voulait le candidat de la transparence. (…) Fort commun en politique (un cinquième des parlementaires y céderait – ce qui interroge), l’emploi d’un proche n’a rien d’illégal. Restent les questions de la morale, de la mesure et de l’exemplarité. Dans une société en crise, on en connaît les effets dévastateurs. D’abord pour le candidat Fillon, puis pour les autres. »

11) Les Dernières Nouvelles d’Alsace (Dominique Jung)

« La mise en lumière des rétributions de Penelope Fillon est une attaque très dangereuse : des errements dans le financement d’une carrière publique peuvent faire vaciller une candidature présidentielle. (…) Au lieu d’apprendre aux candidats à soigner leur diction et leur apparence, les coachs en politique devraient commencer par l’essentiel : la cohérence entre la parole et les actes. On y verrait plus clair. »

12) Le Journal de la Haute-Marne (Christophe Bonnefoy)

« Un candidat dont l’épouse aurait utilisé son temps à ne rien faire au service de son mari parlementaire, tout en étant rémunérée pendant huit ans, pour un total de 500 000 euros. Un autre qui aurait utilisé les fonds de son ministère pour poser les bases de son parti. L’avenir dira ce qui est vrai, ce qui ne l’est pas. Mais le moins que l’on puisse dire est que la campagne a soudainement pris hier un tournant très nauséabond. (…) »

13) L’Union (Hervé Chabaud)

« (…) Quand un coin est enfoncé dans la statue d’irréprochable de François Fillon, vainqueur de la primaire de la droite et du centre, et que le  » Penelopegate  » appelle déjà à une crucifixion publique de la part des Fouquier-Tinville de la moralité de M. Propre, les tribuns revisitent leur vocabulaire pour être aussi tranchants que la guillotine. (…) »

14) La Voix du Nord (Hervé Favre)

« (…) Bien sûr la date de cette révélation ne doit rien au hasard et la volonté de nuire au candidat saute aux yeux. L’attaque peut même venir de sa propre famille où l’affrontement des primaires a laissé des traces. Mais François Fillon ne pourra en rester au  » il n’y a rien à commenter  » s’il veut faire taire au plus vite le soupçon d’emploi fictif qui plane désormais sur sa campagne. »

15) Le Courrier picard (Jean-Marc Chevauché)

« (…) Après Cahuzac et le reste, les Français qui étaient prêts à rallier Fillon font deux pas en arrière. En buttant sur Macron, que voient-ils ? Un premier de la classe qui veut le rester à vie mais qui a du mal à payer son impôt de millionnaire. S’ils tentent le pas de côté, ils buttent sur Marine Le Pen et la tribu des assistants parlementaires du FN dans le collimateur de la justice pour abus de biens sociaux. (…) »

L’Humanité.fr

(Avec AFP)