— Dr Josiane Jos-Pelage Présidente de l’AMSES —
L’association médicale de sauvegarde de l’environnement et de la Santé « AMSES-Martinique » rappelle que le chlordécone est un pesticide extrêmement dangereux, qui affecte surtout les sujets jeunes, les foetus, les enfants en bas âge les adolescents. Tous ceux qui ont ingéré du chlordécone dans les aliments depuis 1970 surtout s’ils étaient enfants ou bien adolescents ou bien embryons, paient ou paieront un très lourd tribut à cette intoxication.
Les troubles générés par ce toxique redoutable, polluant organique persistant, perturbateur endocrinien, génotoxique, cancérigène, sont sérieux et surtout risquent de perdurer sur plusieurs générations si aucune mesure SERIEUSE n’est prise dans l’IMMEDIAT.
Les risques principaux sont la stérilité des hommes et des femmes, le retard mental, les troubles de l’organisation du cerveau, entrainant dyslexie, autisme, dyspraxie, la grande prématurité avec son cortège de complications développementales sur le cerveau notamment. Sans insister sur le cancer de la prostate qui, même très bien soigné entraine des complications fonctionnelles sérieuses chez des hommes de plus en plus jeunes. Depuis dix années l’AMSES réclame une décision réglementaire ministérielle protectrice de la population à savoir l’interdiction totale de mise sur le marche de tout produit contenant du chlordecone meme a l’état de trace. Or les décisions qui ont été prises depuis 2005 ne font qu’aggraver l’intoxication de la population actuellement déjà imprégnée à 92%.
Seule le zéro chlordécone protégera la population
En 2005 un arrêté ministériel a fixé à 50µg/kg le taux de poison chlordécone qui pourrait être donné à la population « en toute légalité » dans des produits de consommation courante comme le poulet ou le concombre et à 200µg/kg le taux d’empoisonnement par des produits de moindre consommation. Avec ces taux, 20% de la population infantile de moins de 6 ans recevait une dose supérieure à la limite dite « acceptable » C’était en 2005 il y a donc 15 ans.
En 2008 les taux dits acceptables, les Limites maximales de résidus ont été abaissés à 20µg/kg ce qui pour un polluant qui ne s’élimine qu’à raison de 0,5% par jour entraîne inévitablement une intoxication chronique. En 2013 ces taux ont été multipliés par 5 pour la viande de bœuf et par 10 pour la viande de poulet qui est la viande la plus consommée en Martinique dans l’indifférence la plus totale.
En 2019 ces taux ont été ramenés à 20µg/kg par deux Arrêtés ministériels Honteux cosignés par quatre de nos Ministres. L’AMSES en même temps que six associations a demandé au Président de la République Emmanuel Macron d’annuler ces Arrêtés qui ne font qu’aggraver la situation d’empoisonnement de la population dont l’enquête de Santé Publique France publiée en 2017 a révélé qu’elle touchait 92% des martiniquais et 95% des guadeloupéens. Cette requête n’ayant pas abouti l’AMSES a saisi la justice, et sa détermination ne faiblira pas. Seule l’absence totale de toute trace de chlordécone soit le zéro chlordécone protégera la population actuelle et permettra d’éviter aux générations futures stérilité cancers et retard mental. Ce qui se vit en ce moment à Fort de France ne peut pas laisser indifférents les Martiniquais et Martiniquaises qui ont des enfants, des petits enfants et se préoccupent du devenir des générations futures. L’AMSES dont un des objectifs est la défense de la santé impactée par l’environnement, ne peut rester indifférente devant les actions menées ces derniers mois par une partie de la population. Les jeunes seront les plus touchés par les conséquences du chlordécone. Pourront ils avoir des enfants ? Des enfants normaux ? La population martiniquaise se renouvellera-t-elle ? La décroissance de la population martiniquaise n’est pas seulement liée à son solde migratoire négatif. On observe depuis quelques années une diminution du solde naturel, entre autres due à une chute de la fécondité. Entre 2016 et 2017 l’indice conjoncturel de fécondité est passé de 1,91 à1,73 enfants par femme soit une chute de 10% en un an. La fertilité des couples est une vraie source de préoccupation.
Permettre l’accès aux terres en friche indemnes
D’un point de vue médical l’une des issues pourrait être, la mise en oeuvre des Recommandations éditées par le Conseil scientifique en 2008 à savoir : 1/la prise en charge des ouvriers agricoles et celle de leur descendance, avec le concours actif du corps médical. Suite à l’intervention du Président de la République en septembre 2018, les dossiers de maladies professionnelles devraient être remplis par les médecins. 2/Le suivi spécifique des enfants nés imprégnés de chlordécone de la naissance à l’âge adulte 3/La poursuite de la recherche médicale sur les conséquences de l’intoxication au chlordécone. 4/Les dosages répétés tous les cinq ans du taux de chlordécone dans la population Il faut noter que rien n’a été fait depuis 12 ans. L’AMSES ne cautionne pas la violence mais elle constate que celle-ci prend racine dans l’injustice et le mensonge.
Le respect des populations est une valeur cardinale, un prérequis indispensable à la gestion des situations de violence Laisser des produits chlordéconés en vente sous prétexte que les limites de résidus sont « acceptables » relève du mensonge car aucune étude ne prouve que ces petites doses sont inoffensives. Autoriser la mise sur le marché de produits chlordéconés aux Antilles en les interdisant dans le reste de la Communauté européenne est une injustice. Refuser aux jeunes agriculteurs l’accès aux terres en friche indemnes de chlordécone et leur proposer des terres contaminées est un scandale