La violence au lycée.., un vide affamé ?

— Par Roland Tell —

La violence actuelle de certains lycéens serait-elle enracinée dans les ghettos de nos banlieues prolétaires ? Il est évidemment facile, trop facile, de mettre les faits délictueux récents en relation avec le phénomène d’immigration, très manifeste, à vrai dire, à la périphérie des grandes villes. La violence serait-elle la vertu même de la jeunesse immigrée ? Nous voici, en effet, devant des manifestations significatives de bandes rivales, dont l’aspiration générale est d’en découdre avec les autorités de toutes natures, de police, de justice, d’éducation. N’est-ce pas là une aspiration typique de l’art de vivre en paria, au sein d’une banlieue nue et sauvage ? Est-ce là la véritable cause de l’éloignement d’une certaine jeunesse, se sentant exclue de l’évolution normale de la vie communautaire ?
Alors, le processus en question de violence au lycée ne serait-il donc pas un processus d’affirmation de soi ? Ne s’agit-il pas, en ce cas, de chercher à libérer les forces intrinsèques de sa nature propre, contre toute autorité, toute contrainte, toute loi, dans le but de transformer au possible les apparences sociales, partout appliquées, à l’endroit des jeunes ? Pourquoi donc, sinon pour faire surgir un autre univers de rapports, une autre réalité urbaine ou scolaire, plus apparentés à leurs colères, à leur angoisse de destin ? D’où le divorce idéologique avec l’enseignement même, avec leurs professeurs ! D’où encore toutes les entraves à l’action éducative et pédagogique, en milieu familial, comme en milieu scolaire !
L’irrégularité devient leur mode de vie, dans le quartier, dans la rue, au lycée. C’est là leur loi fondamentale – partie essentielle et caractéristique de leur révolte ! Leur art de vivre pénètre alors dans les régions de la violence. En eux, le sens social est brisé, disloqué, leur mentalité est obscure, absorbée par l’interdit, par les attitudes suicidaires de mépris des tenants de l’autorité, quels qu’ils soient. En eux, tout est en liaison avec l’émotion, le non rationnel ! Partout, en famille, dans la rue, comme au lycée, ils veulent transformer les usages établis par une violence méticuleuse et vigilante, une indépendance ombrageuse et superbe, afin de maintenir en eux leur vertu d’art de vivre dans son intégrité, avec ses exigences, ses réactions, contre toutes les formes d’assujettissement. Obstinés dans leur violence, ils commencent à rompre toutes les amarres sociales, scandalisent leurs parents, pour entrer progressivement dans la nuit obscure de la délinquance, hélas, hélas, par nécessité de croissance. Certes, ils se sont enfin trouvés, dans une voie interdite, qu’il va leur falloir faire maintenant tout seuls ! Jusqu’où iront-ils ?
La douleur de leurs professeurs est présente dans les témoignages recueillis, avec gravité et mélancolie. Certes, le corps professoral assure l’avenir humain et professionnel, dit toutes les attentes de la vie en société, alors que leurs classes constituent le plus souvent une somme d’amertumes, de désillusions, devant la lâcheté des responsables, alors que leurs demandes méritent l’attention et l’intervention, toutes particulières, de ceux-ci. Ce rejet de l’autorité hiérarchique, cette totale rupture avec les réalités d’enseignement, n’est-ce pas de la surréalité ?
ROLAND TELL