A Madiana en avant-première!
— Par Roland Sabra —
Synopsis : En 1949, Raymond Maufrais, un jeune explorateur français de 23 ans, part en expédition solitaire dans la forêt amazonienne à la recherche d’un territoire encore inexploré peuplé de tribus inconnues. Il disparaît en laissant derrière lui un carnet de voyages qui retrace son parcours, ses rencontres et sa recherche de la Vie Pure. Son père le chercha pendant 12 ans, monta 22 expéditions et parcourut 12.000 km. Sa disparition reste aujourd’hui encore inexpliquée…
Le film a remporté l’Orchidée de Bronze et le Prix du Jury Jeune au Festival de la Réunion 2014, ainsi que le Prix du jury lycéen au Festival Adaptations de Cholet en 2015.
*****
***
« Je hais les voyages et les explorateurs… » ainsi commence « Tristes tropiques » Peu de chance que l’épopée de Raymond Maufrais telle qu’elle nous est narrée dans le film de Jérémy Banster nous réconcilie avec les premiers et encore moins avec les seconds. Quand Raymond Maufrais s’embarque pour la Guyane en 1949 il n’a que 23 ans et un passé d’aventurier déjà conséquent. Il n’a pas encore neuf ans quand avec deux copains il fugue de la maison paternelle pendant trois jours avant d’être récupéré par la gendarmerie au fond d’une grotte. Il voulait rejoindre « les colonies ». A seize ans, on est en 1942, il abandonne ses études, (« La France a besoin d’hommes, non de diplômes. Je pars », écrit-il à ses parents) et ll s’engage dans la Résistance. Il y retrouve son père qui pour l’empêcher de faire le coup de feu seul lui attache, au propre comme au figuré, un fil à la patte comme on le ferait pour un jeune chiot. Décoré de la croix de guerre pour ses exploits lors de la libération de Toulon il rejoint l’armée en 1945, la quitte l’année suivante et s’embarque sans un sou vaillant pour une mission de pacification des Indiens Indiens Chavantes, appelés « les tueurs du Matto-Grosso » qui l’accueillent avec une pluie de flèches l’obligeant à battre piteusement en retraite.
Les deux années qui le séparent encore de son départ pour Cayenne sont mises à profit pour élaborer son projet : relier, à pied et seul, la Guyane française et le Brésil par les monts Tumuc-Humac, puis redescendre le Rio Jary jusqu’à la ville de Bélem.
Jérémy Banster passe rapidement sur l’enfance de Raymond Maufrais. Ne sont évoqués que l’épisode de la fugue et le retour à la maison sous la garde d’un gendarme, ainsi qu’une liaison amoureuse féconde mais vite abandonnée, sans beaucoup d’états d’âme, devant l’appel du large.
Stany Coppet, excellent dans le rôle, dresse le portrait d’un idéaliste à la quête de l’absolu, de la « Vie pure » en gommant plus ou moins, c’est selon, l’aventurier quelque peu irresponsable et la tête brulée inconséquente qui cohabitent chez le personnage. Son goût pour le jeu, pour les paris un peu fous, comme celui qu’il fit de 1 000 cruzeiros avec le rédacteur du Brazilia Herald de se rendre dans les terres inexplorées du centre brésilien, sa fuite devant une paternité présumée, son incapacité à organiser de manière réfléchie et rationnelle une expédition sont certes évoquées mais considérées comme les composantes d’un romantisme chimérique élevé au rang de valeur morale. Mais loin d’être celui qui ne renonce pas sur le chemin de son désir, Maufrais semble être mené par la pulsion vive, y compris quand celle-ci le même vers la mort. Stani Coppet qui intellectualise ses rôles, qui les réfléchit, qui les pense est servi par une caméra qui, par ses cadrages instables, tremblés pour faire valoir l’enfermement dans la déraison, dans le délire provoqués par les fièvres contribue à magnifier le personnage. L’omniprésence de l’eau, celle du fleuve, de la pluie est bien restituée sur l’écran.
Le montage est assez malin et efficace, avec une alternance de scène familiales à Toulon et de scènes de jungle pour créer par contrastes et par oppositions une dramaturgie qui emporte le spectateur.
« La vie pure » dessine un Raymond Maufrais explorateur, peut-être, aventurier sans aucun doute, tête brulée sans hésitation, tête à claque sûrement qu’il faut aller voir pour le travail des comédiens et les paysages, somptueux, écrasants, magnifiques. Le film montre la forêt et le fleuve, non pas comme de simples décors mais comme des personnages vivants, dévorants surement ceux qui s’y risquent sans précaution mais qui en tout état de cause méritent le respect et la considération.
Fort-de-France, le 22/10/2015
R.S.