Exposition à la distillerie Saint-James à Sainte-Marie du 6 au 30 octobre. Ouvert tous les jours 7j/7 de 9h à 17h . Journée rencontre : dimanche 11 octobre de 10h à 17h
— Par Janine Bailly-Chéneau —
Michèle Arretche nous reçoit dans sa maison-atelier : maison ouverte à la respiration de la nature, atelier plein comme un œuf à féconder, atelier tourné vers l’horizon marin, tous lieux chargés d’âme, et propices au bouillonnement créatif qui caractérise leur maîtresse. Une douce chienne au long pelage crème nous accompagne dans notre itinéraire-découverte. Le vent jaloux qui ce jour-là hante l’espace bouscule un peu les toiles, disposées au sol afin d’être offertes à notre curiosité.
L’œuvre est un labyrinthe où il faut se glisser, et qui mène de la peinture figurative à l’abstraction. Michèle explique qu’elle travaille par séries, que parfois la recherche n’aboutit pas et qu’elle doit abandonner le filon : il en est ainsi de sa tentative nommée « Saint-John Perse », dont pourtant les couleurs franches ont su séduire mon œil novice.
L’inspiration est sans doute profondément antillaise, ce que laisse à penser l’utilisation de Une saison au Congo, bel hommage rendu à Aimé Césaire. Mais plus encore que les représentations concrètes, ce sont les toiles abstraites de la dernière série en cours d’élaboration, série baptisée Ensolare, qui permettent à leur auteur de restituer la Martinique qui l’habite, « dans ses cahots, dans ses gouffres ». Les titres sont à cet égard significatifs : Bois brûlé, Ici-là, La vie, ou encore L’orange bleue.
Les œuvres mêlent acrylique, huile, et pastels gras. Les surfaces sont nettement marquées ou se chevauchent, des coulures et des lignes de fracture suggèrent la vie dans ses pulsions, dans ses drames et ses forces telluriques. Les couleurs se côtoient, en lutte ou en harmonie, en audacieuses alliances aussi comme celle de ce rose épousant, à la façon de Jean-Michel Basquiat, le noir de Bois brûlé.
C’est pourquoi, s’il me fallait par un seul mot définir ce qu’il m’est donné à voir, je dirais « affrontement » : épaisseur des matières qui nourrissent la toile contre transparence de certaines surfaces, abstraction contre survivance en arrière-plan du figuratif sous la forme d’un objet (une orange, une fenêtre, des briques), sous la forme aussi d’une silhouette dont l’artiste dira qu’elle lui « échappe » et que toujours « la figure apparaît », sous la forme encore d’un village qui, discrètement esquissé en fond, n’est pas sans évoquer ceux de certaines œuvres de Paul Klee.
La peinture dernier modèle de Michèle ne se donne pas en un clin d’œil, elle demande qu’on s’y arrête et que sans paroles on s’en imprègne, s’en émeuve et s’en nourrisse. Elle dit pour moi l’indicible, l’amour et la mort, le bruit et le silence, la guerre et la paix, la lourdeur et la légèreté des choses, la beauté et la fureur du monde. Elle est donc bien du domaine de l’essentiel !
Janine Bailly-Chéneau, Fort de France, le 22 juin 2015
Artiste peintre