La suppression du mot « race » dans la Constitution…

Après la suppression du mot « race » de la Constitution française, les réalités économiques et sociétales changeront-elles pour autant ?

–Par Emmanuel Argo¹ & Lucien Cidalise Montaise² —

Le contexte politique est absorbé par ce qui est appelé « la crise migratoire ». L’Europe doit sortir d’une impasse qui repose sur les désaccords des membres de l’Union Européenne à accueillir des migrants. La France, comme à son habitude, est en équilibre sur cette question : assumer ce qui fait les valeurs universelles de sa République, et tenir compte de partis politiques dont le fonds de commerce est pour certains « la peur migratoire », cette angoisse à accueillir une « horde noire » de mendiants affamés que l’on dit prête à tout et pas catholiques, c’est sûr.

Ainsi, après avoir dit qu’il n’est pas question « d’accueillir toute la misère du monde » puisque « la France n’est pas un Eldorado« , après avoir rendu visite au défenseur papal, que nous apprécions des victimes de la pauvreté dans le monde, il fallait trouver l’action symbolique qui puisse concilier deux positions contraires et poursuivre cet exercice d’équilibriste politique. Voilà pourquoi le quidam en charge d’un subterfuge idoine est allé sortir des cartons de l’ancien gouvernement un projet qui n’avait pas encore abouti – faute de consensus, peut-être –  et qui consiste à supprimer le mot de « race » de la Constitution [et fissa, SVP !], cette action devant être symbolique et propre à cristalliser les aboyeurs publics pour mieux noyer le poison d’une position réprouvée par les défenseurs des droits universels.

Mais les tours de passe-passe langagiers et parlementaires des élus de la République, y compris ceux de l’Outre-mer, ne font le changement, ni même l’évolution ; ils amendent à bon compte  ou déculpabilisent seulement leurs auteurs de leur incapacité à pouvoir – vouloir – changer les problèmes d’injustice et d’inégalité qui nuisent à l’émancipation du continent africain et des pays et régions d’afro-descendants tels les dits départements ultra marins.

Car tant que les vraies questions et leurs solutions qui sont d’ordre économique, sociétale et politique ne seront pas objectivement énoncées et tant que le continent africain sera considéré comme un « coffre-fort » de matières premières et autres ressources naturelles à piller sans vergogne par des pays lancés dans une guerre économique sans merci, les africains auront toujours une image misérabiliste de mendiants exsangues, victimes, en vérité, de conditions de développement économique déloyales.

En lieu et place de l’assujettissement à une autorité qui s’auto proclame supérieure en raison d’une idéologie quelconque [et supprimer le mot race n’y changera rien], il est temps de mettre en place un esprit de partenariat et de contrat, à l’instar d’autres régions du monde entre-elles, pour établir de nouveaux rapports sociétaux, culturels, politiques et économiques, de surcroît quand l’Afrique comptera bientôt 2 milliards d’habitants qui ne souhaitent qu’une chose, c’est rester chez eux ! Les Antillais subiront le même schéma.

C’est pourquoi il est urgent de faire évoluer les termes des échanges et de substituer à la condescendance hypocrite doublée d’une assistance perverse et paternaliste, une équitable complémentarité, un juste partenariat pour une contractualisation loyale entre partenaires. 

Et pour ce faire, rien de mieux que de démonter les images et autres discours trompeurs qui présentent le continent noir et les pays qui en sont proches par l’histoire dans une approche biaisée et orientée. Au regard de ces enjeux, la suppression du terme de « race » reste anecdotique pour l’histoire et illusoire quant à ses effets.

Et pourquoi ne supprimerait-on pas le mot « noir », pendant qu’on y est? 

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1 Emmanuel Argo est Membre de Chatham House à Londres et Membre de : The Oxford University History Society/ la Société d’Histoire de l’Université d’Oxford. Angleterre. Il est l’auteur du concept de la NégroEvolution.

² Lucien Cidalise Montaise est architecte. Témoin forcé de l’Impossibilité Martiniquaise.

Diamant le 30 Juin 2018