Festival du Jamais Lu Caraïbe. 2éme soir
— Par Roland Sabra —
Depuis deux ans il vient la voir régulièrement sur son lieu de travail. Un bordel. Elle et pas une autre. Elle dit ne vouloir que des relations professionnelles. Lui dit vouloir plus, autre chose. Il est sur la route, elle dans une chambre de 8m². Il avale des kilomètres. Elle se protège de l’extérieur dans sa piaule. Il est ce qu’elle n’est pas et réciproquement. Elle et lui boivent. De la bière qu’il paie, lui, comme il la paie elle. Ils se parlent. Ils découvrent ce qu’ils ont en commun : la violence conjugale de leurs parents respectifs. Les mères victimes. Toujours les mères. La même terreur qui lui fait prendre la route. S’enfuir. Elle, elle s’enferme, se cache, se protège dans une maison de passe. Ce qui lui fait peur : La route et l’inconnu[e]!
La même blessure, identique et pourtant dissemblable peut-elle elle le ciment de ce qui pourrait les unir. Un peu avant la fin de la nuit, la réponse sera donnée.
Cinéaste, son film son film « Survivants » a été primé au Festival du Film Mobile Haïtien en 2020, auteur de théâtre, remarqué par ETC Caraïbe, lauréat du Prix Deschamps, Bernard Henri, était présent à Fort-de-France lors de la mise en lecture de » La route et l’inconnue » par Patrick R. Lacharité dans le cadre du Festival Jamais Lu Caraïbe ce vendredi 03 juin 2022. Le texte bien accueilli par le public est écrit pour le théâtre. Sa facture en témoigne, encore que les registres d’énonciation des deux personnages ne reflètent pas tout à fait les conditions d’existences qui les différencient. Il montre, en tout cas, que le déchaînement de haine auquel ont assisté les protagonistes dans leur enfance, est toujours présent, tapis dans l’ombre, inscrit dans leur chair comme une marque au fer rouge. Même contenue, sans passage à l’acte, la violence transmise à l’insu du sujet peut toujours prendre la forme verbale. Le personnage du routier en donne exemple.
Fort-de-France, le 04/06/2022
R.S.