— Par Selim Lander —
Compte rendu de deux spectacles du programme
Ouni
Hasard ? Après Le Petit Garde rouge vue sous d’autres cieux (1), voici une autre pièce qui fait appel à un dessinateur, installé à cour sur le plateau et que l’on voit au travail grâce à la vidéo, tandis qu’un musicien bruiteur se trouve, pour sa part, à jardin. Il ne s’agit plus cependant, cette fois, d’illustrer l’histoire qui est racontée par un comédien mais de jouer par le dessin avec une acrobate spécialiste du mât chinois. Un spectacle d’abord visuel, donc, même si la musique de Jérôme Cury a son importance.
Le « bédéiste », Christophe Coronas dit « Cécil » (2) dessine ou peint sur des feuilles volantes des décors : un centaure, un oiseau, un arbre mort qui se couvrira à la fin de feuilles et de fruits, la réussite du spectacle dépendant de la parfaite coordination entre la main du dessinateur et les mouvements d’Ode Rosset, l’acrobate accrochée à son mât. Par exemple, sur la photo ci-dessus. O. Rosset se blottit dans la fourche de l’arbre dessiné par Cécil.
La pièce ne cherche pas la virtuosité – O. Rosset n’a guère d’occasions de faire des prouesses sur son mât – mais le mystère, le fantastique, la grâce. Et ça marche. On pourrait croire que les enfants auxquels elle est aussi destinée se montreraient rétifs face à un spectacle qui joue sur la lenteur et qui ne raconte d’autres histoires que celles que chacun peut imaginer : il n’en est rien et les questions posées à la fin prouvent combien ils sont captivés.
Ouni, La Ribote des petits, édition 2022. Tropiques-Atrium, Fort-de-France, 14-15 décembre 2022
La compagnie guyanaise Les Voleurs de soleil présente cette pièce à partir d’un conte de Suzanne Lebeau et dans la mise en scène d’Ewlyne Guillaume. Les accessoires d’un pauvre logement sont disposés sur le plateau (marmite, tabouret et table basse, une natte pour dormir). Au fond, à cour, s’étagent quelques maquettes de maison qui représentent le village un peu lointain, là où se situe l’école vers laquelle se dirigera un « petit » garçon de six ans que sa maman n’a jamais, jusque là, voulu laisser partir. Comme on ne peut pas échapper à l’école, elle est bien obligée de l’y envoyer, non sans de nombreuses recommandations.
Trop possessive, la maman ? Inquiète plutôt et à juste titre puisque son fils, bien plus grand et fort qu’un enfant de six ans, est un « ogrelet », un petit ogre attiré par le sang, ce qui lui vaudra, bien sûr, de se faire remarquer défavorablement dans sa classe. Des lettres, lues par la maman, échangées avec la maîtresse nous font prendre connaissance de ces incidents.
L’ogrelet sera-t-il expulsé de l’école ? Il préfère prendre les devants et se plier à une série de trois épreuves qui lui permettront de vaincre sa nature peu propice à des relations sociales apaisées. Ces aventures se passeront hors champ puisque nous ne verrons personne d’autre sur le plateau que la maman (Myslien Niavai) et l’enfant (Kimmy Amiemba), la maîtresse d’école et plus tard l’ogre paternel n’apparaissant que par l’intermédiaire des lettres qu’ils écrivent.
La pièce est bien montée et bien interprétée. On admire, en particulier, les efforts couronnés de succès des deux comédiennes pour articuler : de quoi se faire entendre sans micro aussi bien des jeunes enfants que des vieillards. Le conte est dramatique et drôle, comme il convient. Les Guyanais nous ont habitué à ds spectacles de qualité. Celui-ci ne déroge pas à la règle.
L’ogrelet, La Ribote des petits, édition 2022. Tropiques-Atrium, Fort-de-France, 19-20 décembre 2022
(1) https://mondesfrancophones.com/scenes/theatre-dark-was-the-night-le-petit-garde-rouge/
(2) L’Empreinte des chimères, Le Réseau Bombyce, Contes et récits de Maître Spazi, Holmes, etc.