La pièce de Villiers de l’Isle-Adam fait entendre, avant l’heure, un vibrant plaidoyer féministe.
—- Par Annie Chénieux —
Comme chaque soir, Elisabeth est assise à sa table de travail. Mariée à Félix, banquier, elle est aussi sa comptable –elle lui a fait réaliser d’excellentes affaires- et la mère de sa fille. Après avoir terminé son travail, elle lui annonce qu’elle le quitte. Ses affaires sont prêtes, les comptes en règle, une voiture l’attend. Son mari est abasourdi. Elle lui énonce les raisons de sa décision, le renoncement à ses rêves, le désir d’une autre vie, moins matérielle. Elle part. Mais quatre heures plus tard, la voici qui revient, plus meurtrie que jamais. Il est trop tard pour changer de vie, elle a perdu son âme.
Ecrit en 1870, le plaidoyer féministe retentit avec force. Quelques années avant Ibsen et Maison de Poupée, le poète Villiers de l’Isle-Adam, alors trentenaire, donne la parole à une femme et à travers elle, évoque son rapport à la poésie, et à la vie. C’est un texte fort, d’une écriture magnifique, acérée, qui porte haut le cri de la révolte. D’emblée conquérante, presque dominatrice, Anouk Grinberg sort d’un coup toute sa colère, offre tout à trac son ressentiment, longuement mûri, affiche une force, une détermination revendicative qui contraste avec l’effacement du personnage. Hervé Briaux incarne avec distance et brutalité le mari banquier, incarcéré dans ses certitudes, impénétrable à la souffrance de sa femme, un peu caricatural. L’austère et sombre décor imaginé par Gérard Didier, les costumes (Isabelle Deffin), les lumières (Dominique Bruguière), la musique, tout est extrêmement soigné et tenu dans la mise en scène tendue de Marc Paquien. Le texte y trouve un écho profond.
La Révolte **
Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Jusqu’au 25 avril.
Lire Plus = LeJDD.fr