La revanche de l’art contemporain africain

— Par Marie-Anne Kleiber —

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« Ata Ndele Mokili Ekobaluka » (tôt ou tard le monde changera), du peintre congolais Monsengo Shula. (Florain Kleinefenn)

Oubliés à la Fiac mais présents à Venise, les artistes contemporains africains ont le vent en poupe et font parler d’eux, notamment à la fondation Cartier avec l’exposition « Beauté Congo ».
Tôt ou tard, le monde changera. C’est le titre d’un grand tableau de Monsengo Shula, exposé à la fondation Cartier, à Paris. Le peintre congolais a réalisé une métaphore « de l’Afrique qui va émerger, peut-être pas tout de suite, mais elle va émerger ».

Le peintre congolais fait partie des artistes kinois présentés à la fondation, dans la très jubilatoire exposition « Beauté Congo » (1926-2015). L’événement a attiré plus de 110.000 visiteurs depuis cet été. En raison de son succès, il a été prolongé de deux mois. « Ce monument historique, esthétique et politique », selon le commissaire d’exposition, le galeriste et expert André Magnin, devrait marquer les esprits, comme l’ont fait « Les Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou, en 1989, le sculpteur Ousmane Sow sur le pont des Arts en 1999, ou en 2005 à Beaubourg, « Africa Remix ».
Qualité et diversité de la production artistique

« Beauté Congo »? Le signe d’une plus grande visibilité et reconnaissance de la vitalité de l’art contemporain africain, pas du tout représenté à la dernière Fiac mais bien présent à la Biennale de Venise. Cet été, une trentaine d’artistes venus du continent africain (sur 136 créateurs) étaient invités. Sur la lagune également, le Ghanéen El Anatsui, qui vit depuis des décennies au Nigeria, a reçu un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. Ce tisseur-recycleur de 73 ans crée de grandes tapisseries miroitantes à base de capsules aplaties. Il est devenu l’artiste africain le « plus cher » au monde, depuis la vente en mai 2014 chez Sotheby’s d’une de ces tentures ondoyantes pour 1,2 million d’euros.

Le Calendrier lunaire Luba (1979), l’une des toiles très graphiques et saisissantes de Mode Muntu, dans Beauté Congo /Mode Muntu – photo @Michael De Plaen

La très influente foire de Bâle n’est pas en reste : en juin, le Béninois Georges Adéagbo présentait un solo-show (une exposition personnelle) de ces constellations arborescentes d’objets trouvés dans la rue. Enfin, à Paris, le grand photographe-portraitiste malien Seydou Keita (1921-2001) sera à l’honneur au Grand Palais en mars 2016. « Une exposition comme « Beauté Congo » génère de l’attention, et attise même des convoitises de la part de nouveaux acheteurs », explique André Magnin, qui a commencé à s’intéresser à ce continent, et à Kinshasa, en particulier, il y a plus de trente ans, lorsqu’il a conseillé l’homme d’affaires Jean Pigozzi, devenu depuis l’un des plus grands collectionneurs d’art africain. « Depuis cinq ans, poursuit ce spécialiste, il y a un engouement. Ce qui manque cruellement, ce sont des foires dédiées, où l’on apprend à reconnaître des noms. Dans une grand-messe comme Bâle, les artistes émergents disparaissent dans la masse. Or il faut du temps pour regarder une œuvre, l’argent ne suffit pas. »…
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