Proclamée il y a un siècle et demi, le 4 septembre 1870, la République s’installe dans des conditions difficiles.
Les attentats de janvier 2015 nous questionnent très fortement sur le « vivre ensemble » que notre République prétend incarner puisqu’ils ont été commis par des Français qui ne se reconnaissaient pas en elle et qui ont cherché à la déstabiliser durablement à travers le double acte terroriste qu’ils ont commis. La République nous est ainsi apparue, du jour au lendemain, bien plus fragile que nous ne l’imaginions. Retour sur une naissance chaotique.
Après la défaite de 1870, l’installation de la Troisième République n’est pas acquise d’emblée. Créée sous le règne d’une majorité parlementaire conservatrice, plutôt monarchiste et bonapartiste, elle va perdurer pendant près de soixante dix ans, sans véritable Constitution. C’est pourtant l’apogée du régime parlementaire. La Chambre des députés exerce une influence décisive sur l’action des gouvernements successifs. L’oeuvre de la Troisième République est considérable, aussi bien en matière d’instruction publique que du point de vue des libertés et de l’épanouissement d’une société démocratique. La Troisième République remporte la terrible épreuve de la Grande Guerre, mais elle succombe à la défaite militaire du 10 mai 1940.
Proclamée le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite militaire de l’Empire à Sedan, la République s’installe dans des conditions difficiles. Encore en guerre contre l’Allemagne, au printemps 1871, elle réprime l’insurrection de la Commune de Paris. Son avenir est alors incertain, car la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale prépare une nouvelle Restauration.
A partir de 1879, elle s’affirme et ses institutions sont appelées à être durables. La Troisième République se consacre à la transformation en profondeur du pays. S’inspirant des idéaux de 1789, elle établit la liberté d’opinion et d’expression des citoyens ; ceux-ci participent massivement aux élections qui rythment désormais la vie politique, grâce au suffrage universel. Les conditions d’une véritable égalité entre tous les Français sont réunies dès leur plus jeune âge : l’école sera, en effet, le plus solide des piliers de la République, qui émancipe l’individu tout en cimentant la nation autour des valeurs héritées de la Révolution Française : liberté, égalité et fraternité.
Surmontant plusieurs crises politiques sérieuses, le boulangisme et l’affaire Dreyfus, la République paraît consolidée et sortie de son isolement diplomatique lorsque, résolue, elle fait face à la déclaration de guerre de l’Allemagne, le 3 août 1914. Mais il faut jeter toute la puissance du pays dans la guerre pour obtenir la victoire et le retour de l’Alsace et de la Lorraine, au prix de pertes humaines et matérielles considérables. De cette terrible épreuve, la France se remet difficilement. La République est finalement terrassée par la défaite de mai et juin 1940.
‘annonce de la reddition de l’Empereur Napoléon III à Sedan, le 2 septembre 1870 et de la capitulation de l’armée déclenche l’action des républicains. La République est proclamée, le 4 septembre, comme en 1848, à l’Hôtel de ville de Paris. Les députés de Paris, notamment Jules Favre, Jules Ferry, Léon Gambetta et Jules Simon, forment un gouvernement provisoire, présidé par le général Trochu. Le Cabinet est composé de républicains modérés et de radicaux ; leur objectif est de poursuivre la guerre. Gambetta, sorti de Paris en ballon le 7 octobre 1870, anime la politique de défense nationale ; âme de la résistance en province, il organise, depuis Tours, la délivrance de Paris encerclé. Mais il échoue, alors que le maréchal Bazaine capitule, le 27 octobre, à Metz. Le 28 janvier 1871, le gouvernement provisoire est contraint de signer avec l’Allemagne un armistice de 21 jours. La convention d’armistice précise qu’une Assemblée nationale élue décidera de la conclusion de la paix ou de la reprise des hostilités. Les élections ont lieu le 8 février 1871, au scrutin de liste départemental majoritaire, conformément à la loi de 1849. L’Assemblée nationale, à majorité conservatrice, comprend 400 monarchistes, 250 républicains modérés et radicaux, 80 « centristes », 15 bonapartistes ; 225 nobles sont élus députés. Elle est réunie le 12 février, à Bordeaux, et confie à Thiers, le 17 février, la fonction de chef du pouvoir exécutif de la République française.
Le 1er mars, l’Assemblée approuve les préliminaires de paix reconnaissant la capitulation de Paris ; ce qui provoque un sentiment d’humiliation dans la population parisienne ; à Paris 36 députés sur 43 sont républicains et hostiles à la paix : Gambetta et Victor Hugo démissionnent aussitôt. Adolphe Thiers, le 18 mars, entend faire récupérer les canons et fusils détenus à Paris par la Garde nationale parisienne. Le 20 mars l’Assemblée siège à Versailles. Le 26 mars ont lieu les élections des représentants des arrondissements de Paris et le 28 mars est proclamée la Commune de Paris. Une guerre civile de deux mois oppose l’armée de Versailles, siège du gouvernement, à l’armée de la Commune de Paris et s’achève à l’issue des batailles de rues de la Semaine sanglante (21-28 mai 1871).
Le 10 mai 1871 est signé le traité de Francfort : la France perd le nord de la Lorraine et presque toute l’Alsace -à l’exception de Belfort- et s’engage à verser 5 milliards de francs or ; elle reste occupée par les troupes allemandes jusqu’au 16 septembre 1873.
Thiers s’efforce de conforter la République. Le 13 novembre 1872 il déclare à l’Assemblée : « La République existe, elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. »
Lire aussi : Emmanuel Laurentin (dir.), Histoire d’une République fragile, 1905-2015, Comment en sommes-nous arrivés là ?, Fayard / France Culture, 2015, 202 pages, 15 euros. Voir le compte-rendu de lecture de Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie ( APHG)