XVIIe et XVIIIe siècles, la France est une puissance colonisatrice qui prospère en outremer.
Face la domination blanche, les esclaves se livrent au marronnage de toutes parts, entreprennent la destruction des intérêts de leurs maîtres, attentent même à leur propre vie compromettant ainsi l’objectif qui fut à la base de l’occupation des territoires.
Pour enrayer les nombreuses révoltes noires et contenir ses insoumis, le pouvoir français se voit dans l’obligation d’adapter, de réorganiser totalement ses institutions judiciaires et son système policier.
Cette étude minutieuse et fort bien documentée aborde une tranche de l’histoire de l’esclavage sous un angle nouveau, celui du rapport complexe régissant la justice, le pouvoir des hommes blancs et les Noirs, asservis ou libres.
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Introduction
on a beaucoup écrit sur la condition des noirs vivant aux Antilles et en Guyane sous l’ancien Régime. aucun ouvrage n’aborde pourtant la police 1 de ce groupe, qui était une réalité, même si l’on peut relever ici et là quelques réflexions sur la question. Par ailleurs, il existe deux ou trois travaux de recherche consacrés aux gens de couleur libres 2 ; ils n’attirent pas cependant l’attention sur le cas des nègres libres 3. il y a donc un vide à combler pour que la littérature se rapportant aux africains des colonies françaises d’Amérique et de leur métropole, à l’époque moderne, soit complète. cet ouvrage voudrait y apporter sa contribution.
au xviiie siècle, le pouvoir, local et central, justifiait la nécessité d’une bonne direction des esclaves par leur nombre, supérieur à celui des Blancs, captifs et libres confondus. l’ordre et la tranquillité furent très tôt considérés comme les moyens à établir en vue d’atteindre les objectifs fixés par l’occupation des espaces. cette question de discipline regardera un peu moins les noirs libres ; un autre problème les touchait : le respect des droits que leur conférait leur statut. Si ces gens jouirent paisiblement de leur état jusqu’à la fin du xviie siècle, ils durent supporter toutes sortes d’offenses par la suite.
la Martinique et la Guadeloupe sont deux voisines qui ont eu à deux reprises des destins communs : de 1674 à 1763, puis de 1768 à 1775. Saint-Domingue était la plus étendue des possessions françaises en amérique, la
plus riche ; le nombre d’esclaves y était considérable, leur provenance plus diversifiée, les outils de la police un peu différents 4. la Guyane n’était que très faiblement habitée au XVIIIe siècle, tant sur le plan de l’espace que du point de vue démographique 5 ; la mise en valeur y débuta plus tardivement.
L’intention ici n’est pas de se livrer à une comparaison systématique du traitement des noirs dans les terres concernées, mais de chercher à être le plus près possible de la vérité sur chaque aspect de ce sujet. le risque d’inexactitudes, de conclusions hâtives, serait trop grand en circonscrivant l’étude à un nombre restreint de territoires. ainsi, s’agissant du poison, les documents montrent très bien que l’analyse de la situation à Saint-Domingue s’avère indispensable si l’on veut répondre à toutes les interrogations que soulève l’objet. Par contre, le souci de renseigner sur la direction des africains dans les colonies étrangères a été permanent. il a paru intéressant encore de voir comment réagissaient la police et la justice en France même, face à des comportements comparables à ceux des nègres des iles et de la Guyane ; il y a été pourvu toutes les fois que cela fut possible. enfin, vu la question à débattre, la connaissance de l’esclavage antique ne pouvait être ignorée ; elle a été aussi très exploitée.
1 Sous l’ancien Régime, « la police » était à la fois administration de l’État et maintien de l’ordre. Par « noirs », il faut comprendre les « nègres ».
2 Pour l’acception de la notion de « gens de couleur », voir chapitre vii.
3 Le père o’Reilly, jésuite, présenta ainsi la population guyanaise : « les habitants de cayenne sont partie noirs, partie blancs ; les noirs sont les nègres, les Blancs les Français », in Pierre Thibaudault, Echec de la démesure en Guyane, autour de l’expédition
de Kourou, 1995, p. 182.
4 A l’origine (xvie siècle), « Saint-Domingue » était le terme employé par les flibustiers français pour désigner l’île « d’Haïti » ou « ayti », (mots indiens voulant dire « île montagneuse »), découverte par christophe colomb le 6 décembre 1492 et baptisée
« Hispaniola ». Par le traité de Ryswick (1697), elle fut partagée entre la France et l’espagne ; aux xviie et xviiie siècles, « Saint-Domingue » représentait la partie ouest de cet espace.
5 en Guyane française sous l’ancien Régime, on distinguait souvent la terre ferme, l’essentiel du territoire, et un petit espace d’environ 20 km de long sur 12 km de large, à peine le centième de la superficie de la colonie : l’île de cayenne, ainsi appelée car entourée par les rivières d’ouya, de cayenne et d’orapu ; elle est limitée par l’océan atlantique au nord. la ville de cayenne s’y situe au nord-ouest.
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Hurard BELLANCE
La police des Noirs
en Amérique
(Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Domingue)
et en France aux XVIIe et XVIIIe siècles
Espace outre-mer
Hurard Bellance
Public : intéressé
Format : 17 x 24 cm / 300 pages
Reliure : Broché, dos carré cousu
© 2011
Prix : 30 € (TvA : 5,5 %, doM 2,1 %)
ISBN : 978-2-84450-369-5
Ibis Rouge Éditions