On trouvera ci-après un texte de Guillaume de Reynal qui explique sa démarche et un autre de Jean Marc Terrine (auteur) auteur critique.
1)Le texte de Guillaume de Reynal
« Suite à une concertation au sein de l’équipe qui a aidé à faire vivre le projet musical « Le Temps du Vivre-Ensemble », nous avons réalisé que ce beau projet a manqué au départ d’une explication claire et précise qui aurait permis d’éclairer, sinon de rassurer quant aux objectifs en amont et ne pas laisser place à différentes interprétations.
J’aimerais m’adresser officiellement à tous afin d’éclaircir quelques points qui semblent obscurs à certains.
Pourquoi le projet « Le temps du Vivre-Ensemble ? »
Avant d’aborder le projet en lui-même, je sais que ma présence en son sein semble déranger. J’ai toujours eu l’habitude de communiquer mes pensées et c’est vrai que j’ai par le passé, fait quelques erreurs de communication et tenu des propos qui ont dépassé ma pensée. Particulièrement mal interprétés dans la période de certaines manifestations en février 2009. Je traversais à ce moment-là une période difficile personnellement par rapport au décès de mon père et c’est vrai que j’ai posté un message douloureux, repris sur certains sites comme étant contre les militants.
Je m’en suis déjà excusé plusieurs fois (encore sur ATV samedi dernier) mais je le fais encore aujourd’hui devant vous et ceci, officiellement. J’ai traversé une période complexe mais je ne suis pas du tout l’ennemi du combat des afro-descendants pour trouver et punir ceux qui ont empoisonné les terres martiniquaises et le peuple martiniquais, quelle que soit la communauté d’appartenance des responsables et on sait qui en a bénéficié principalement.
Je pense avoir évolué dans mon être et dans ma pensée et compris beaucoup de choses que je ne comprenais pas forcément il y a un ou deux ans. J’ai choisi aujourd’hui de suivre une voie d’amour et de respect, de travailler pour « autre chose » et merci à ceux qui me soutiennent dans ma démarche.
J’ai toujours eu l’habitude de communiquer mes pensées car j’aime profondément notre Martinique. Je suis un militant mais à des moments pas un bon communicant . J’ai toujours pensé que la violence verbale et physique n’était pas une solution pour nos futures générations. Et je maintiens cette idée car selon moi la solution est dans la voie de l’amour de la connaissance et du respect les uns des autres C’est en regardant mes enfants que je réalise que la violence, verbale ou physique, n’est pas une solution pour les générations futures.
Je ne suis pas du tout l’ennemi des combats des afro-descendants. Dans notre association, il y a une diversité de Martiniquais qui souhaitent voir notre Pays atteindre la performance dans la sérénité .
En préambule, je tiens à poser cette base : ce projet est le projet de l’association « Construire notre Vivre-Ensemble » et absolument pas un projet crée par les békés.
J’ai donc crée l’association « Construire notre Vivre-Ensemble » début 2020 dans cet esprit dans le but de « Dire tout le passé, connaître tout ce passé, ce n’est pas diviser, ce n’est pas ressusciter les haines, ce n’est pas fragmenter la société. C’est tout l’inverse. C’est combattre le refoulement. C’est pouvoir refaire société et vivre ensemble dans la clarté. L’idée de la création d’un observatoire pour la construction du vivre ensemble en Martinique part du constat de la nécessité de se doter d’outils de réflexion et d’action participant aux initiatives permettant d’avoir une meilleure connaissance de son passé pour mieux construire son futur.»
L’association comprend 15 membres dont 15 personne et un seul béké. Au sein de l’association il y a un conseil scientifique et historique qui s’occupe des question de réhabilitation mais aussi un plasticien, un journaliste, un photographe plasticien, une auteure, un professeur d’université, une député antillaise du Val de Marne, un professeur de l’Université de South Carolina… Nous avons plusieurs actions en cours autour d’un bokantaj sur l’identité martiniquaise dont nous parlerons bientôt et l’une de ces actions que nous jugions primordiales et de faire passer un message d’amour et de paix. Nous avons décidé de le faire passer en musique car c’est un message universel, inter générationnel et inter communautaire.
N’y connaissant rien en production musicale, j’ai contacté Chabine Prod et Monsieur Eric Virgal pour la mise en œuvre. Ma rencontre avec Monsieur Eric Virgal a été quasiment un coup de foudre, il a immédiatement compris l’enjeu du projet, engagé mais non politique, juste un pas vers la réconciliation de toutes les communautés martiniquaises. Pas seulement afro-descendants et békés mais aussi les martiniquais d’origine indienne, haïtienne ou asiatiques, les ressortissants des îles anglaises, souvent tous montrés du doigt. On connait Monsieur Virgal comme un agitateur et un des grands admirateurs des textes de Monsieur Aimé Césaire et ces textes l’ont forcément guidé dans l’écriture de sa chanson. Cette chanson n’est d’ailleurs pas une exploration de ce que « les Noirs céderaient une fois encore face aux Békés », comme je l’ai lu sur le Net mais elle est construite en 2 parties : l’une est au pluriel, c’est la partie dans laquelle les artistes martiniquais s’adressent au peuple martiniquais (toutes communautés confondues) et la seconde est au singulier, c’est la partie dans laquelle Monsieur Virgal répond à ma main d’amitié tendue vers lui, c’est lui le « je » du texte et moi le « toi ». Et c’est cette partie, notre rencontre, qui est illustrée ainsi dans le clip au début, et au studio.
Concernant le rapport entre afro-descendants et békés, ce projet ne s’inscrit pas comme réponse ou solution ultime mais une démarche artistique parallèle (j’insiste) au combat nécessaire (j’insiste à nouveau) pour la réparation et le dédommagement évidemment. C’est probablement une utopie de penser qu’aujourd’hui ce jour est arrivé mais à travers ce titre, nous l’appelons simplement de nos vœux. Certains pensent que le « timing » ne serait pas bon, mais je pense qu’il fallait de toute façon le faire, même si l’issue semble à court terme impossible, c’est une petite pierre à l’édifice général et, malgré tout, cela contribue à rouvrir la discussion qui s’est atténuée, l’actualité Covid ayant pris le dessus.
Je remercie donc tous les artistes qui ont compris et accepté le projet au départ comme acte d’amour, un acte qui ne va pas à l’encontre de leurs convictions, tous sont engagé dans la lutte pacifique, en particulier les jeunes participants, je pense à Stony, Naamix, Cindy Marthély ou Maureen, et avoir participé à ce projet est pour eux, je pense, une manière de participer aussi à apaiser, pour un meilleur futur, les luttes entre communautés.
Alors le Vivre-Ensemble, une utopie ? Je ne le crois pas mais il est sûr que le chemin sera long. C’est mon rêve, je suis heureux d’avoir trouvé avec ce projet des gens qui veulent m’accompagner dans ce rêve. Je ne cherche pas à convaincre les sceptiques évidemment mais à donner à tous les éléments permettant de comprendre ce qui m’a motivé dès le départ et pourquoi les artistes ont suivi.
Guillaume de Reynal
Président de l’Association « Construire notre Vivre-Ensemble »
2) Le texte de Jean-Marc Terrine
La bamboula de trop
Un chef de bitasyon new look, des oncles et tantes Tom chantent et dansent ensemble une bamboula en studio.
« Le temps du vivre ensemble » , titre de l’œuvre. Un garrot rapide pour arrêter voire étouffer l’histoire et le chant du poète masquer, maquiller sa prose qui rappelle la déshumanisation de la traite et le silence complice des profiteurs dans son cahier.
La blesse ne se guérit pas dans un studio, en deux trois prises de la commedia dell’arte, mais passe par des cataplasmes et un processus qui met enfin zié dan zié, en relation, les différentes communautés en Martinique et l’État pour revoir le référentiel de l’exploitation. Tout le monde
sait que ça passe par des réparations: mesures économiques, sociales, culturelles, juridiques et foncières. C’est la trace pour trouver un rééquilibre dans notre société.
C’est la condition pour pouvoir enfin espérer bien vivre et trouver vraiment ce « Temps de vivre ensemble ».
Là c’est possible sans ces masques et chants qui montrent plutôt une comédie grotesque, une composition des fous du roi. On aurait préféré entendre non une bamboula qui chante, danse et fait rire le maître mais une « ka-mombulon », qui signifie tambour dans les langues sarar et bola parlées en Guinée-Bissau. Un coup de tambour qui appelle pour entendre des réponses des voix, même à l’est du Cap.
Cette « ka- mombulon » a aussi connu cette blessure dans la traversée pour être traitée de bamboula. Alors aux artistes, ces fous du roi, penser une blessure, habiter, et penser toujours une blessure comme le poète et composer pour trouver ce temps qui manque tant pour panser.
Schoelcher le 20 septembre 2021
Jean-Marc Terrine