Jean-Pierre Vincent, l’un des plus grands noms du théâtre français s’est éteint cette nuit à l’âge de 78 ans, fragilisé par le Covid-19 contracté au printemps. Le metteur en scène a commencé sa carrière avec Patrice Chéreau et Jérôme Deschamps et dirigé de grandes scènes nationales.
Étudiant au Lycée Louis-le-Grand, il rencontre en 1958 au sein du groupe théâtral du lycée, Michel Bataillon, Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau. Il joue sa première pièce, Amal et la lettre du roi de Rabindranath Tagore, en 1959, puis s’intéresse à la mise en scène, avec La Cruche cassée de Kleist, et Scènes populaires d’Henri Monnier, en 1963. À partir de cette date, il coanime pendant deux ans la troupe qui se professionnalise, et suit Chéreau à Gennevilliers puis au Théâtre de Sartrouville.
À partir de 1968, il travaille avec le dramaturge Jean Jourdheuil pour se consacrer à la mise en scène dans les centres dramatiques nationaux. Ils montent dans des centres dramatiques nationaux La Noce chez les petits bourgeois de B. Brecht au Théâtre de Bourgogne (1968), Tambours et trompettes de Bertolt Brecht, au Théâtre de la Ville (1969), Le Marquis de Montefosco d’après Le Feudataire de Carlo Goldoni au Grenier de Toulouse (1970), Les Acteurs de bonne foi d’après Marivaux (1970), La Cagnotte d’après Eugène Labiche au Théâtre national de Strasbourg (1971), Capitaine Schelle, Capitaine Eçço (de Serge Rezvani) au Théâtre national populaire (1971). Pendant ces trois ans, il travaille avec Jourdheuil sur le modèle de Brecht, en détournant les pièces pour les clarifier du point de vue de la lutte des classes.
En 1972, ils fondent la Compagnie Vincent-Jourdheuil, Théâtre de l’Espérance, où ils mettent en scène les auteurs allemands tels que Brecht, Büchner et Grabbe. Le Théâtre expérimental populaire (Tex-Pop), installé au Palace clôt en 1975 la collaboration entre Vincent et Jourdheuil.
Jean-Pierre Vincent prend cette année-là la direction du Théâtre national de Strasbourg et y donne une place importante à l’école et à la création expérimentale, tout en travaillant à refonder les conventions collectives qui régissent les liens du TNS avec les collectivités locales et nationales. Dans ses spectacles, il interroge notamment l’histoire française, avec Germinal d’après le roman d’Émile Zola (écrit par Michel Deutsch) (1975), qui questionne notamment le dépérissement de la classe ouvrière, puis Le Misanthrope (1977), Vichy fictions (1980), ou Le Palais de Justice (1981).
Administrateur général de la Comédie-Française de 1983 à 1986, qu’il choisit de quitter de lui-même, le poste étant jugé « le plus difficile en France avec Matignon »[réf. nécessaire]. À partir de 1986, il se consacre à la mise en scène avec Bernard Chartreux et à l’enseignement au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris.
Il succède à Patrice Chéreau à la tête du Théâtre Nanterre-Amandiers entre 1990 et 2001, où il convie Stanislas Nordey en résidence avec sa troupe entre 1995 et 1997. Il y créé de nombreux auteurs contemporains, dont Valère Novarina.
En 2001, il fonde la compagnie Studio Libre avec Bernard Chartreux avec lequel il crée plusieurs spectacles aux théâtres nationaux de la Colline et de l’Odéon. Ils participent également au Comité pédagogique de l’École régionale d’acteurs de Cannes, où ils ont mis en scène Pièces de guerre d’Edward Bond, en mai 1996. En 2007, il traduit et monte à Avignon Le Silence des communistes, treizième présence au Festival depuis 1971, qui évoque l’enracinement populaire de la gauche italienne pendant les belles années du PCI.
Il est membre des conseils d’administration du Festival d’Avignon et du Comité Directeur du Jeune Théâtre National, ainsi que des CA de l’ENSATT à Lyon, et l’association La Réplique à Marseille.
Il a été l’époux de la comédienne Hélène Vincent ; il est le père du réalisateur Thomas Vincent. Il est désormais l’époux de Nicole Taché qui a œuvré dans l’administration de divers théâtres publics et manifestations culturelles.
Jean-Pierre Vincent meurt le 4 novembre 2020, des suites de séquelles dues à la Covid-19.