—Par Fernand Tiburce FORTUNE —
Roman
L’Harmattan
par Fernand Tiburce FORTUNE, écrivain
Le premier contact avec Claude-Michel Privat eut lieu sur les hauteurs du Carbet, au lieu-dit Morne aux boeufs, chez un ami commun en vacances au Pays, et qui m’avait déjà présenté l’ouvrage dans son appartement parisien. Il est toujours agréable de mettre un visage sur celui qui a été habité par l’écriture, de la première idée à la conclusion d’un livre, de celui qui a été tourmenté par la première page qui n’en finit pas d’aboutir, qui a été désespéré par le stylo qui n’avance plus, alors qu’il y a tant à dire, mais comment ? Car ce jour-là, rien ne va, les mots ne s’emboîtent pas les uns aux autres pour faire apparaître le miracle attendu du lecteur. Il est agréable de rencontrer celui qui a maintenant peur de cette œuvre qui ne lui appartient plus et qui va être l’objet de toutes les attentions favorables, comme défavorables, l’objet de critiques, d’approbation, d’émerveillement. Ou alors qui subira une indifférence courtoise ou agacée.
Le problème de la première œuvre est celui aussi de l’anonymat. C’est encore la question du lectorat et par la suite la fidélisation puis l’accroissement de ce lectorat qui aura été agréablement surpris par le style, par le fond, par la personnalité aussi de l’auteur.
Dans ce Pays-nôtre, où la culture de l’écrit a progressé de façon considérable et où la lecture n’est plus une découverte, dans ce pays où les lecteurs ont acquis des goûts littéraire et ont leurs préférences, il n’est pas aisé de surgir dans le paysage des auteurs connus, surtout dans notre Pays-Martinique qui a produit des écrivains de renommée internationale.
Il n‘est pas non plus aisé d’oser faire irruption sur la scène du livre, quand on ne se rattache à aucune école particulière d’écriture.
J’ai ressenti tout cela dans le peu de mots échangés avec Claude-Michel Privat, presque les bras baissés, renonçant à défendre son oeuvre, lui, comme il me l’a dit, simple instituteur. J‘aurais dû lui répondre : comme tant d’autres instituteurs avant lui, romanciers et poètes de talent reconnus par notre Communauté antillaise.
Cette frustration est compréhensible, car la sincérité et la vérité contenues dans sa propre pawol livrée aux quatre vents, livrée à la chance ou au hasard des rencontres, ont été le moteur puissant, l’aiguillon acéré de l’inspiration et des certitudes. Deux questions aux réponses anciennes et multiples se projettent tout naturellement dans sa réflexion : qu’est-ce que la littérature? Qu’est-ce que la critique ?
Ecrire, c’est réécrire à sa manière, avec sa sensibilité, avec les sentiments et la morale de son temps ce qui a déjà été écrit et réécrit depuis des milliers d’année : l’amour, la haine, les hiérarchies, le pouvoir avec la dictature ou la démocratie, la vie, la mort, la complexité de la société, la liberté, la jalousie, l’Histoire humaine et ses ruses, etc…
C’est pourquoi, l’acte d’écrire vous engage personnellement, car revoir le monde, refaire une lecture des relations humaines, refaire une analyse critique de l’Histoire après tant d’autres, c’est s’impliquer, prendre partie, mais aussi ajouter à la pensée universelle, un si petit peu soit-il, qui nous fasse avancer vers le mieux.
La critique est une relecture parfois une réécriture du livre, une autre prise de sens dans une autre conscience, un risque de trahison ou de malentendu aussi. Elieshi LEMA, une auteur de Tanzanie écrit, à propos des mots, dans son magnifique roman « Terre aride, une histoire d’amour », que je viens de traduire : « Les mots ne vieillissent pas comme les gens. L’épreuve du temps n’affaiblit pas l’esprit qui les habite. Ils continuent de vivre, au pire, écartés pour leur désuétude, au mieux, considérés pour les vérités qu’ils portent encore. L’esprit des mots ne change qu’avec le subtil renouvellement de sens que nous leur donnons, sans cesse, à chaque lecture ».
C’est pourquoi, Claude-Michel Privat, il ne faut pas renoncer à écrire, il ne faut pas délaisser ou maudire la plume qui reste en l’air, car notre pawol antillaise est encore neuve et nous avons à dire au Monde, qui nous sommes et comment nous voulons partager et défendre, encore et toujours, les grands idéaux qui maintiennent vaille que vaille l’Homme debout dans les tempêtes actuelles.
Et c’est parce que je milite pour ces idéaux, que j’ai aimé le livre de Claude-Michel Privat.
Il commence comme un conte, se continue comme un essai historique, se poursuit sur l’analyse politico-écomico-culturo-sociale du monde actuel et se termine enfin sur une philosophie du partage de la pensée multiple. Dépasser l’universalité, pour accéder à la diversalité. Ce n’est pas un ouvrage facile à lire, pour qui ne s’intéresse qu’à la surface des choses et se laisse bercer par le ronronnement quotidien du matérialisme dékatcheur d’âmes. Pas facile non plus, car l’Histoire n’y est pas donnée comme un fil tendu, linéaire, tout droit, mais comme une pelotte mal ficelée et difficile à démêler, car mal enroulée au départ et sur laquelle il faut revenir parfois pour mieux aller de l’avant.
J’y vois plusieurs niveaux de langage, de l’amertume parfois, de la colère souvent, de l’espoir peut-être et une utopie féconde, assurément.
Nous avons déjà dans le bestiaire littéraire antillais, le compère lapin, tout récemment avec Mauvois, la mangouste et nous voici, observant et écoutant un Colibri, vif, rapide, espiègle, savant, analyste, économiste, sociologue, politologue et philosophe.
Dans une intervention qui date déjà, j’avais pensé qu’il serait intéressant d’essayer d’imaginer le contenu d’un livre, avec un fort risque d’erreur, à partir de son titre. Et je m’étais essayé sur l’oeuvre du poète Guadeloupéen, mais bien Martiniquais d’adoption, Henri Corbin.
Colibri bleu vert, comme a dit Césaire
Qui fit un long voyage depuis Madère
Colibri et Madère, union mystérieuse,
Mort et Colibri, accordailles insensées,
puisque Colibri défie toutes les lois de la nature,
Colibri est symbole même de la vie
en mouvement en tous les points cardinaux.
Ce titre donc est déjà une énigme.
I – Qu’est-ce donc que ce Colibri :
Pour l’ornithologue canadien, Robert Morin (in encyclopedia universalis), les colibris ou oiseaux-mouches sont dans l’ordre des apodiformes avec les martinets et les engoulevents avec lesquels ils ont une certaine similitude dont leur état de torpeur. D’autres leur attribuent un ordre particulier celui des Trochiliformes. Ce mot nous provient du grec «Trochilos» signifiant petit oiseau tandis que l’appellation de «colibri »serait d’origine caraïbe
On en dénombre 319 espèces- Le plus petit colibri vit à Cubanetv pèse 2 grammes, le Colibri d’Helen. Les colibris se caractérisent par une taille de 6-20 cm. Le battement de leurs ailes qui atteint 80 battements d’ailes par seconde pour un déplacement régulier d’avant en arrière, peut atteindre 200 battements par seconde pour un vol en plongée ce qui fait de lui l’oiseau aux battements d’ailes le plus rapide. Leurs coloris chatoyants égayent nos cours et les protègent puisque la coloration de leur plumage s’associe de très près aux couleurs des plantes qu’ils visitent.
Une vie de famille peu élaborée : Polygame, après l’accouplement le mâle retourne dans son territoire et s’accouple à d’autres femelles pendant que sa dernière conquête commencera à nicher. On ne peut encore déterminer avec précision si les femelles se laissent accoupler par plusieurs mâles.
Les femelles procèdent seules à l’éducation des petits
Le colibri serait peu bavard. En réalité nous ne l’entendons pas, car son appareil vocal est simple en comparaison de celui de nos oiseaux chanteurs. En dépit de cet appareil peu développé, on sait que certains colibris des tropiques émettent des chants élaborés. Ce sont des oiseaux migrateurs, capables d’effectuer un vol migratoire de 1 000 km sans arrêt avec une réserve de graisse de 2 g soit une masse corporelle additionnelle égale à son propre poids. Le temps de parcours est estimé à 26 heures
Ces oiseaux se sont merveilleusement adaptés à la rigueur du climat. Lorsque les nuits deviennent très fraîches et que leur réserve d’énergie s’avère insuffisante, la température de leur corps s’abaisse de quelques degrés.
A ce stade de notre recherche, bous savons donc que le colibri a les caractéristiques suivantes :
– plusieurs espèces et mesure entre 6 et 20 cm.
– C’est un grand voyageur-migrant qui s’adapte aux différents climats.
– Le mâle est polygame, mais la femelle ne s’accouple qu’à un seul mâle
– c’est la femelle qui s’occupe des petits, exclusivement
– il est querelleur
– il sait se camoufler et s’adapte aux diverses plantes qu’il fréquente
– il est peu bavard et son chant est inaudible pour l’homme.
Ces caractéristiques physiques et morphologiques de l’ornithologie ne suffisaient pas et je suis donc allé chercher la place du Colibri dans l’imaginaire des peuples et j’ai trouvé que chez les INCAS :
Le dieu du Soleil et de la Guerre chez les Aztèques se nomme Huitzilopochtli ou Uitzilopochtili (de huitzilin, oiseau-mouche ou colibri, et opochtli, gauche). Pour eux, les guerriers se réincarnaient sous la forme d’oiseaux-mouches, et le Sud représentait le côté gauche du monde. Huitzilopochtli était généralement représenté sous l’apparence d’un oiseau-mouche ou d’un guerrier portant une armure et un casque de plumes de colibri. Chez les Aztèques, les âmes des guerriers morts redescendent sur terre sous forme de colibris ou de papillons.
Dans la tradition des Mayas, l’Oiseau-mouche est lié au Soleil noir et au Cinquième Monde.
Dans un mythe des Indiens Hopi, le colibri apparaît comme un héros intercesseur qui sauve l’humanité de la famine en intervenant auprès du dieu de la germination et de la croissance.
Pour les Indiens Tukano de Colombie, le colibri ou oiseau-mouche, qui est censé coïter avec les fleurs représente la virilité radieuse.
On le nomme au Brésil, l’oiseau « baise-fleur » (passaro beija-flor)
Voilà donc éclairé sur le héros mort de ce roman.
Le Colibri, avec ses qualités et ses défauts sera présent auprès des hommes pour les aider à accéder à la beauté du monde, à la concorde et à la paix.
II – La structure et la forme de ce roman :
Ce roman met en action un village, le Carbet avec ses habitants de toutes hiérarchies et classes sociales, savants ou ignorants, croyants ou athées perturbés par la mort du Colibri madère, oiseau fétiche du village.
Autour des personnages principaux comme Ti-Renée, Man-Jeanne et ceux que vais vous faire connaître plus tard, se déroule le train train quotidien, s’entend le quotidien d’un village de pêcheurs tout au long d’une histoire qui chavire le paysage, bouleverse la vie, apporte du changement que nul ne peut vraiment maîtriser, mais sur lequel la pawol tâchera d’apporter des explications.
Et il faut fouiller l’histoire de ce pays, l’histoire de la colonisation, l’histoire du monde l’histoire contemporaine pour approcher le problème et poser les éléments du débat.
Mais il fait essayer de résister à la chute et au diktat de ceux qui nous entraînent dans la fin du monde en réfléchissant à demain et à une nouvelle répartition du bonheur et des richesses que l’on gaspille.
Et je n’oublierai pas l’enchantement de la poésie. Car cette prose souvent rude, qui s’écorche sur une réalité douloureuse parfois, est survolée par la poésie (6 poèmes, p 30, p 35, p 97, p 107, p 115, p 124) qui ponctue une situation, assène des vérités, élève la pensée, l’égaye parfois soulage un peu l’âme ou aiguillonne les hommes vers plus de vigilance.
A ces trois facettes du livre, il y a un langage différent :
– Pour la première partie, comme je l’ai dit, on a l’impression d’assister au début d’un conte merveilleux :
– un petit oiseau zizitata, sympathique, ami du village qui meurt soudain sur un drap blanc posé sur un tray et qui tire un cri horrifié de Ti-Renée, qui ne veut pas être tenue pour responsable de sa mort..
– le village en émoi à cause de cette mort qui semble mystérieuse.
– la peur du grand quimboiseur Kako, lui-même, devant l’événement (p 20 – « non non, sé pa pou mwen ! Pas pour moi ». Il faut comprendre trop, fort pour moi.
– le poids et la sagesse de la parole d’un vieux corps, Missié René, qui veut trouver le sens de cette mort pour apaiser le village : – p 21 : le vieux comprit…sans complément d’objet direct, c’est une idée, une essence à laquelle il a accès, le Vieux a compris immédiatement à la seule vue du Colibri mort, qu’il y aurait lieu d’approfondir, à fouiller avant de dire la parole attendue de tous et qui soulagerait, libérerait le village. Intéressant de noter (page 23) que Missié René exige de chacun une grande probité, un grand respect de soi-même et d’autrui pour que la réflexion porte mieux ses fruits. Comme une rédemption, comme si chacun ayant racheté ses péchés, l’esprit de l’homme pourrait mieux naviguer dans ce mystère de la mort du Colibri madère et trouver la voie de la paix intérieure et de la sérénité pour tous.
– la nécessité de prendre du recul (on passe de 3 jours à 3 mois) pour mieux comprendre le raison de cette mort et son sens caché
– la palabre sous un antique manguier qui réunit 3 vieux sages, Albani, Loriol, Richol autour du doyen, autour de celui qui sait les choses et la vie, les choses de la mort, autour de Missié René.
– La mort de ce Colibri madère qui envahit jusqu’aux consciences et exige que chacun fasse la balance entre le bien qu’il a prodigué ou le mal qu’il a causé autour de lui, comme si un châtiment terrible allait dévaster la commune et les gens.
– La présence constante de ce Colibri mort que chacun voit rôder partout. Quel sort a-t-il été jeté sur la Commune ou sur quelqu’un et qui rejaillit sur tous. ? Quel quimbois ? page 21.– Puis les gens s’en allèrent en parlant à voix basse. Peut-être que cela annonçait quelque chose de bon, ou peut-être quelque chose de mal, mais en partant chacun pensait plus au mal qu’au bien et essayait de se déculpabiliser ».l
Voici donc le merveilleux rapidement résumé. On est déjà dans une ambiance particulière que révèlent les esprits et les inquiétudes dans l’attente de la parole des sages.
Mais l’ambiance, c’est aussi le village :
Le Carbet en tan lontan, depuis l’éruption de la Montagne Pelée avec son exode. Depuis les dégâts du cyclone Lenny. La description des quartiers du bas, du coin, d’en haut ; l’activité de pêche ou agricole, les petits carnets dans les 3 boutiques où l’on pouvait lire, p 8 « Crédit est mort, assassiné par les mauvais payeurs »), les jeux simples et gais des enfants espiègles ( p 9 monter des lignes, confectionner des casiers pour la pêche, faire des sennes avec les maîtres senneurs, Kanti, Ti-Jojo, Léonce, Coq). Un village somme toute bien tranquille, dans son train train quotidien et agité périodiquement par le rythme de ses fêtes civiles ou religieuses. (p 7 : La vie se déroulait, immuable, sur le sable noir…Rien de saillant, avait coutume de dire le Vieux…). Mais un village, si petit soit-il avec ses hiérarchies sociales dans la vie de tous les jours, comme dans l’église où les bancs étaient réservés.(p 8, on faisait la différence entre « les manmailles du Coin et les gens du bourg). p 29 : « plus on s’élevait, plus les maisons étaient cossues et les parent ne voulaient pas qu’on se mélange ».
Claude-Michel Privat n’hésite pas non plus à mettre en exergue nos faiblesses profondément ancrées,depuis l’esclavage face à la couleur de notre peau, face à des refus de nous-même : « p 15 : ici plus on échappe à la race, plus on est beau. Man doudou était une femme moitié échappée coolie et moitié caraïbe.
Il y a aussi les bonnes odeurs de cuisine comme magistralement évoqué page 58, où l’auteur nous met l’eau à la bouche avec la préparation, par une cuisinière triomphante (je cite l’auteur) de coulirous, maquereaux et balarous frits. Ces odeurs caractéristiques de friture avaient raison de la palabre sans fin des Vieux dont l’estomac se réveillait soudain : les belles paroles ne remplissent le ventre que de vent, souriait marraine Ti-Renée, satisfaite.
– La langue est presque parler local, les paysages, les situations, les surprises, les remarques, les craintes, les interrogations sont dites dans une langue du quotidien du peuple martiniquais. Bien entendu des créolismes parcourent le texte ou des mots créoles sont carrément intégrés. Non pas pour leur saveur, non pas pour faire roots, non pour s’identifier à une école d’écriture, mais parce que c’est tout simplement comme cela. Les créolisations, les mots créoles viennent tout naturellement, trouvent leur place tout naturellement sans que l’on pense que l’auteur veuille faire un effet de style ou souscrive à une mode. Quand ils arrivent, ils arrivent à point nommé, attendus déjà, inévitables pour ponctuer une situation, pour faire vrai, pour identifier un personnage qui ne peut que s’exprimer à ce moment précis que comme ça ! Le style est rond, apaisé, tranquille et rend bien l’atmosphère de ce petit village en tan lontan.
Voici glanées ça et là quelques expressions créoles :
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page 8, pour expliquer la discipline dans l’éducation : on n’échappait pas au « serrage » (entre guillemets) des parents ;
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p 18 – pour penser au lendemain : ‘sa ou jété pa mépri ou ka ramassé li par le besoin »
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p 20 -pour assurer l’autorité du Vieux : – sa ki ka pasé là ?
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p38 – l’exaspération : « yo ja lass chaché, sa yo ka chaché anko a ! »
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p 72 – pour dire une vérité forte, sur un ton de commandement et sans peur d’être contredit : »sé lékol ou ka fè, alé fè l’ékol-ou ! »
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p 94 -pour bien être dans la peau du personnage et nous faire venir le sourire aux lèvres dans le contexte : « soti la pôu yo pa vann ou ! ».
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pour nous faire entendre ce dont nous avons souvent été le témoin à l’arrivée du canot . Le pêcheur ne peut le dire autrement : « Pa touché sa ! Sé mwen ka séparé ! »
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pour s’assurer d’un secret dans la solidarité des gens de mer : « sa ki fèt an lanmè, pa ka rakonté atè ! »
Mais quand on lit, en bon français, la peur d’être coupable, p 93 : «Mon Dieu, pourvu qu’il ne pense pas que c’est elle qui a raconté ses affaires ». p 93, « elle ne comprenait pas ce que tout ça venait chercher là », p 93 encore, « il n’y avait pas de passer la main ! », ou p 106, « bonne nuit compère », p 117 « ils ont marché sur l’odeur du canard, p 125 « des paroles étaient tombées, p 126 « le bain était trop « obidjoul, p 71 entre nous les nègres, fiche qu’il y avait des injustices, (p 107) maintenant, c’était hacher et couper, (p 94 –il avait un lot de linge à mettre !, en français dans le texte, oui, mais on reste bien ancré dans notre créole et surtout, pardonnez-moi, quand on lit p 94, s’agissant du sexe d’une femme : la grosseur de son matériel.
Les personnages
Il faut maintenant parler des personnages mis progressivement en scène et chacun avec sa fonction bien précise pour nous faire avancer vers des sujets plus graves ;
D’abord les poteaux- mitan
On entre d’abord dans l’univers de personnes qui ont l’expérience de la vie dans tout ce qu’elle a de beau ou cruel. C’est d’abord celles qui sont la mémoire des lieux et des existences :
– Man Doudou- mère de Ti-Renée, épouse de Missié René. Une longue vie de misère et de droiture après un parcours sous les cendres de la Montagne qui lui dona les premières leçons de la vie. Perclue, malade, p 15, « rien ne se faisait pourtant sans elle. Elle régentait tout. P 17, Elle pouvait tout permettre, mais il ne fallait jamais trahir sa confiance, elle voulait que l’on soit toujours fier de ce que l’on faisait. ». C’est l’exemple même du courage, de la détermination et de la générosité.
– Ti-Renée, sans enfants, fille de man doudou, qui l’a eue avant de rencontrer Missié René. Déçue par la vie, l’amour et le mariage. P17, « un jour, l’homme fâché avait levé la main sur elle. Il ne l’avait pas frappée, mais terrorisée, elle était revenue chez sa mère ». Elle semble avoir peur de son ombre. L’avenir ne semble pas l’intéresser outre mesure. Ceuillir la beauté de chaque jour, sortir du pétrin de chaque jour lui suffisent. Elle est effrayée par toute pensée qui bousculerait ses tranquilles certitudes. Mais aimable, serviable, docile, très proche de Missié René. Elle adore prendre, en cachette, connaissance des écrits de Missié René, tout en ayant peur de ce qu’elle lit ou découvre.
– Missié René. Le vieux corps du village qui a fait 14/18. Celui qui a parcouru le monde, qui a exercé des fonctions d’autorité, qui a lu, qui a une bibliothèque, qui écrit chaque jour l’essentiel de ce qui s’est dit sous le manguier, rehaussé en Sénat. ( p 25 : Missié rené était un érudit,il aimait écrire et il était passionné de lecture). C’est l’Homme majuscule, qui tout en étant avec les siens, s’élève quelque peu au dessus du lot –dans une sorte de complicité naturelle, cependant. Il est le fédérateur, le conciliateur, le coordinateur. Il est un centre et il est la pawol qui dit les choses. C’est le grand sage. Le passeur de connaissances et d’espérances qui voit et qui voit loin, au sens du troisième oeil, celui de la conscience. Il est au milieu de trois hommes qui sont comme les 3 angles d’un triangle. Trois hommes qui sans broncher, se rendront à son invitation à réfléchir sous le manguier tous les jours. Missié René a un fils en France, Lucien qui, à cause de sa couleur, pense-t-on, n’a pas eu le grade de général dans l’armée française.
– D’abord Albini, marin pêcheur, matelot de Missié René, celui qui « nageait les avirons ». Il est perturbé par le départ de son fils en France : p 61 :Que dieu le protège, priait-il souvent. Il se désole que ce fils a été obligé de quitter la France, où il subit la discrimination, pour s’installer en Argentine où il réussit brillamment, mais au risque d’oublier le Pays-Martinique et son Carbet natal. Albani fera le voyage d’Argentine.
– Ensuite Loriol, qui s’était une fois perdu en mer, une expérience humaine de la peur qui vous habite pour la vie. Loriol, l’inquiet, le regardant, l’homme réservé, peu loquace ; celui qui maugrée. Loriol blessé au plus profond de lui-même par nos propres turpitudes (p 71/72): notre subtile ou brutale auto-ségrégation en fonction de la graduation de la couleur de peau. Cette volonté d’éclaircir la race avec des filles moins noires; les petits chefs locaux condescendants qu’il faut supporter; notre sensibilité ou notre orgueil à fleur de peau qui nous fait sortir le coutelas pour un regard ou une place de parking (73). Loriol, celui qui pense qu’il faut balayer d’abord devant sa porte avant de faire la révolution chez les autres » p 73. Albani qui décortique la mondialisation, dans un poème d’une rare gravité. (p 107)
– Enfin , Richol qui ne comprend pas que nous vivions sur un mode mimétique d’imitation permanente de ce qui s’impose de l’extérieur et qui n’est pas forcément bon. Richol qui constate avec regrets que les jeunes veulent tout tout de suite. Richol qui se plaint que les maîtres d’école n’ont plus droit à la parole, ni face aux enfants encore moins aux parents qui défendent leurs rejetons contre toute autorité, qui sanctionne ou qui donne une direction à suivre, dans la discipline. ( p 74). Richol qui trouve que les femmes prennent trop de place dans la société, elles sont trop arrogantes (74). Les filles qui viennent en mini-jupe à l’église (p 90) ; les belles qui enfilent leur pantalon sans culotte et se tâtent les fesses en disant : « pas une trace »(90). Richol qui ne met pas tout sur le dos des jeunes, et ne comprend pas non plus que des adultes aussi perdent la tête. Richol effrayé et qui doute de nous-mêmes.
Tous ses hommes réunis autour de Missié René ont comme lui une vraie connaissance du passé et du présent et sont disponibles pour aborder les difficultés et les embûches de l’avenir. Avec le Colibri Madère, ils vont revenir sur une longue histoire des hommes, sur notre propre histoire martiniquaise, sur le désordre du monde.
III – L’Etat du Monde
– Quand Claude-Michel se fait historien, le style change, le ton est plus agressif, il est en colère dans un résumé remarquable de notre histoire et de l’histoire du monde. La plume est sèche, rapide, alerte, il ne veut rien manquer à ce spectacle du monde qu’il va dérouler devant le village. Les phrases sont des canifs. Ils fouillent, dépècent, accusent, réfutent, récusent. Claude-Michel Privat accule l’Histoire à se dire, à se raconter, tout raconter et à se découvrir devant nous. Il commande à l’histoire de dire ses vérités et ses mensonges.
Le Colibri Madère a fait le voyage avec nous depuis l’île de Gorée, depuis l’île de Madère et a tout vu, tout pleuré, rien espéré, mais a tout compris. Tout compris avant nous, qu’il regarde depuis si longtemps. Il a certainement connu Papa Longoué d’Edouard Glissant, révélé dans le roman « La Lézarde ». Il a vu tous ses efforts pour nous modeler un mythe d’origine depuis la déportation d’Afrique. Il nous a suivi dans ces labyrinthes où l’on volait nous perdre, ou nous voulions nous perdre sans trouver la porte sortie. Il a cru voir une lueur d’espoir en 1848, mais nous nous sommes retournés vers le Maître, contrairement à Haiti, et lui avons demandé, le 23 Mai 1848 : « Alors, Maître, qu’est-ce qu’on fait ? »p 41.
Et l’histoire n’a pas avancé pour autant.
Puis Les Indiens, les Chinois sont venus, les Caraïbes avaient depuis longtemps déjà été décimés et le peu qui restait s’était soit suicidé, soit enfui vers la Dominique.
Colibri voit les efforts que nous déployons pour construire quelque chose, il voit aussi nos divergences, nos propres turpitudes, nos rancoeurs, nos jalousies. Il a du mal à se frayer un chemin droit dans nos cervelles d’oiseau manipulées, triturées par des idées éclairantes, vites écrasée par des mensonges qui ressemblent à la vérité.
Colibri nous voit partir défendre la patrie dans deux guerres effroyables qui nous éclairent un peu mieux sur l’arrogance de ceux qui voulaient nous évangéliser et civiliser. Les différences s’estompent doucement dans les têtes. Les différences, croit-il ne sont pas des contraires.
Longtemps avant nous Colibri voit que le Monde va se déchirer et que les colonies seront toujours des colonies et que nos intérêts seront totalement opposés à ceux des possédants. Colibri voit le Pays-Martinique tomber, tomber de plus en plus vers un néant industriel et agricole.
P 36, Colibri frappe à la porte du poète, celui là si fort de sa négritude : L’assimilation voulue par Césaire est analysée avec finesse et l’on croit comprendre, avec l’exemple actuel de nos difficultés de toute sortes (attention aux miroirs ! l’apparence peut-être trompeuse : (p 18) « belle fleur sans odeur », et « robe propre, culotte sale »), qu’il y a quelque part une erreur que recherchent, Colibri, Missié René et le Sénat.
Il y a notre longue errance depuis la campagne, vers le large monde, via Fort de France. Oui, Colibri part avec nous en Métropole et vers de plus vastes horizons encore et nous passons du manguier, du palmier, du cocotier, du tamarinier, au marronnier ou au baobab. Et Colibri n’est plus seul, puisqu’ il laisse ses pipiris pour rejoindre des pigeons, des moineaux, des canards, des petits canaris jaunes, des poulets de bresse, des tourterelles blondes, des merles bruns, des coqs en pâte bleu blanc rouge. Le petites colibrettes sont en danger permanent devant des prédateurs de toutes sortes.
Changer d’arbre, c’est changer d’horizon de climat et d’habitat. Passer d’un arbre à un autre n’est pas transgresser, n’est pas trahir ses racines et sa tradition, mais c’est tenter l’aventure de la rencontre et du métissage. C’est vouloir civiliser les antagonismes, bien qu’il faille encaisser les questionnements implicites et explicites du marronnier et des autres palmiers…(96)
Et Colibri, Misié-René et Claude-Michel Privat vont se heurter à d’autres fractures du monde
Il y a un drame humain terrible qui fait trembler de rage la plume de Claude-Michel Privat, c’est l’exclusion qui a tout juste précédé le racisme et l’ostracisme et engendré une incompréhension totale de ceux qui étaient partis au péril de leur vie sauver la Mère-Patrie. Exclusion d’autant plus incompréhensibles qu’ils bénéficiaient sur le papier de toute la nationalité française avec les droits et les devoirs. D’autant plus incompréhensibles qu’ils allaient en Indochine, à Madagascar ou en Algérie combattre pour des causes qui les dépassaient.
Colibri, Missié-René, Albani, Loriol, Richol refaisaient chaque jour l’histoire, commentaient avec leurs propres exemples, avec leur vécu, ou de façon plus objective, puisque Missié-René (p 31)faisait chaque soir un petite synthèse après avoir décortiqué le sujet du jour…
– Les seconds rôles importants, des destins signifiants… apparaissent comme exemples de ce qui est avancé pour expliquer le déséquilibre du monde et la perte des repères identitaires.. On n’est pas dans la théorie.
– Lucien : 47
Il est le fils de Missié-René. C’est l’exemple même de ce qui est arrivé à beaucoup d’antillais qui, après avoir rallié Sainte Lucie ou la Dominique, ont combattu le nazisme liberticide pendant la deuxième guerre mondiale et ont fait souche en France dans une certaine tranquillité de voisinage. Il a fait Saint-Cyr, brillamment, sera colonel, mais pas général à cause de sa couleur noire. Sa femme est antillaise, receveuse des Poste,s dans un petit village et ils sont les seuls colibris à la ronde. P 49 « les petits colibris se mélangent aux petits pigeons, l’intégration est parfaite dans les marronniers et sous la neige blanche. Mais on continue à parler créole à la maison. Le pays n’est pas oublié, puisqu’on y retourne en vacances et on s’y ressource avec bonheur, on y construit une maison. Et puis on retourne vers les frimas lointains avec plaisir, sans un regret. L’Europe avait raboté ceux qui ressemblent à Lucien, le travail les avait façonnés, empreints de l’image du vécu des autres . Et le pays natal n’était plus qu’une image idéale, juste à garder en mémoire, pure, pour le souvenir, pour les jours trop gris.(55)
Les petits colibris finissaient par faire nid commun avec les petits pigeons (50) sur les branches du gros marronnier où bientôt chanteraient de petits oisillons.. La belle époque, quoi ! C’était avant les années 1965. Avant que la migration des oiseaux du sud s’est accélérée. Ils remontaient vers le nord chercher leur nourriture.p 51
– Ginette : (53)- arrive alors que sous les marronniers, les petits oisillons étaient regardés différemment; eux qui étaient nés en France, se voyaient maintenant assimilés aux oiseaux migrateurs du sud.(51). Ginette, c’est la ténacité, la volonté sans faille, le courage entier d’une femme qui part sans savoir vraiment où elle va arriver. Ginette a trimé dans les hôpitaux et a retenu dans son cœur le titre du poète, même si elle n’a pas lu le Cahier du retour au pays natal. Malgré ses trois colibris nés sous les marronniers, elle a pu mettre des sous de côté pour construire sa maison là-bas pour la retraite. Avec Ginette, nous abordons le drame identitaire de la deuxième génération qui ne sait plus en qui croire, qui tague, fume, s’invente dans une violence parfois inexpliquée, des paradis artificiels. Français, pas Français.
P 56 – « à la naissance, seul son long bec différenciait Petit Colibri de Petit moineau, et ma foi,ayant entendu siffler moineau depuis tout petit, il siffalit moineau, mangeait moineau, s’habillait moineau, était fier d’être moineau, c’est moineau qu’il y a, servez moineau. Et bien maintenant, c’était bamboula,, gueule à plateau et Papa ne trouvait plus de boulot parce qu’il était colibri.
Le rejet des plumes bleu blanc rouge faisait pousser des plumes rouge vert noir.
– Avec Dédé (p 77), qui rencontre Sami Hamiche, l’Arabe, et Elia qui tombe sur Manga, l’Africaine, est posé le problème de la cohabitation des immigrés. Démonstration est faite que la solidarité ne joue pas, encore moins la compassion. Zéro, nulle. Chacun pour soi, la débrouille, le vol, l’arnaque remplacent aisément la fraternité. Il y a là, comme l’a écrit un auteur, une mise en concurrence des misères.
– Leblanc (p 83/84), c’est le type même de celui qui a galéré, qui galère encore et qui a échoué. Le désespoir fait homme. Claude-Michel Privat emploie là, les mots du repli sur soi, de l’abandon sans espoir, les mots de la plus grande des désespérances. Il creuse avec ses mots le trou profond de la solitude d’où l’on ne revient pas. Il rehausse toutefois Leblanc dans des éclaircies de l’esprit où il sauve son identité et son humanité. J’ai eu le sentiment qu’alors, Leblanc nous regardait. L’avons-nous vu ?
Il y a encore Rico et Minot dont je vous laisse le soin de découvrir leur apport dans la réflexion menée tout au long de l’ouvrage.
Tous ces amis sont pris dans la tourmente de la mondialisation et la libéralisation des échanges commerciaux, Mondialisation qui n’est pas un Tout-Monde de fraternité et de reconnaissance mutuelle. La colère est grande dans ce livre sur ce thème qui est associé à la misère pour la grande majorité et l’enrichissement pour une petite minorité.(lire le poème de la page 107: « Je te rends ta poupée de Père Noel »). Ce poème est d’une violence extrême. C’est sans concession, abrupt, sans appel, sans circonstances atténuantes. Une véritable condamnation des prédateurs et exploiteurs en tout genre qui cachent leur égoïsme derrière des sourires publicitaires qui sont en réalité de vraies grimaces de mépris. Consommer, c’est consommer le monde, faire du monde un petit village, disent-ils, dans un grand élan humanitaire. Oui, un petit village où règnent les privilèges et la loi du plus fort.
L’accélération de l’histoire convoque et interpelle Claude-Michel Privat ( p 110) et son analyse des changements de moeurs et des comportements se résume bien dans le passage du du « vivre ensemble » au « libres ensemble » , où chacun des deux membres du couple revendique le droit d’exister.(p 103). Le « libres ensemble » n’est pas du libertinage.
IV – Refaire un Monde plus harmonieux :
Alors que faire ?
Le dernier niveau de langage supporte une utopie que nous voudrions fécondante. Le style est plus ample, mais comme un souffle qui porte la bonne parole. Mais il reste vigilant et porte avec certitude l’espoir d’un renouveau.
Seul Missié–René aura droit à la parole pour transmettre les vœux et la connaissance du Colibri Madère. (p118) : »il avait maintenant l’âge de parler, le devoir de parler, de dire ce qu’il pensait, ce que la vie lui avait enseigné, ce qu’il avait appris à l’ombre des siens…Le moment était venu pour lui de transmettre ».
Il dit que le Colibri Mort les avait amenés à s’interroger sur eux-mêmes, sur leurs relations avec les autres (119)
Que faire entre exclusion et assimilation, entre crise identitaire et renouveau des communautarismes ? Demain, qui sera garant de l’éthique républicaine, à cause d’une politique de l’éloignement et du repli et du rejet que générera, immanquablement, la généralisation des tests ADN ? Que faire devant la planète qui se meurt ? Que faire pour que chacun mange à sa faim, pour que chacun travaille au pays, sans la contrainte de l’exploitation ? Que faire pour que l’harmonie règne entre les hommes qui auront retrouvé leur dignité. Que faire pour que les richesses de la Terre-Mère se partagent équitablement malgré une démographie galopante au sud? Que faire contre les délocalisations ? Que faire contre les exclusions, le racisme, la xénophobie ? Comment harmoniser les contraires ? Comment rendre nos îles sœurs de la Caraïbe plus proches, plus solidaires, comme chanté amoureusement et espéré dans un merveilleux poème de la page 97 ? Comment répandre la démocratie au monde entier ? Comment renverser les dictatures ? Comment supprimer toutes les injustices ? Comment éliminer la domination des uns sur les autres ? Comment mettre le « progrès » à porter de tous ?
Voici les questions que COLIBRI a discutées avec les sages sous le manguier pendant trois mois.
Symboliquement, parce que (p 120) les plaies du passé ne doivent pas enchaîner notre présent ; et parce qu’elles doivent aussi devenir des boutures où refleuriront notre épanouissement personnel et collectif, Missié-René s’adressa principalement aux jeunes à qui il dit toute sa confiance et qu’il a invités à pendre le flambeau pour résoudre les question posées.
CONCLUSION :
En définitive, ce livre est à la fois, un roman et un essai ; un livre de géopolitique. Et nous noterons que la partie politique n’est pas romancée, l’auteur a pris le risque de nous la donner sous forme d’analyse historique approfondie.
Toute sa sensibilité et toute son humanité sont livrées brutes, sans fard, avec générosité et espoir (p 115 : « le jour se levait plein d’espoir », est le premier vers d’un poème dans les dernières pages.
Mais devant l’utopie même « refondatrice » pour reprendre Aimé Césaire cité page 44, on doit se demander quel bonheur demain et pour quoi faire; quel tri faire dans tout ce que l’Occident propose comme progrès ? Car il y a des peuples, quelle désillusion, qui meurent aujourd’hui d’avoir été civilisés par Jules Ferry et Faidherbe, pour ne parler que de ces deux-là. Merci à l’auteur pour avoir écrit un livre difficile, un livre vrai, sans complaisance sur nous -mêmes et qui traite de toute l’actualité de chez nous et du Monde.
Page 75 , Loriol dit qu’« il ne connaissait pas de gens supérieurs, différents des autres, avec les fesses fendues à l’horizontale ».
Le bon sens populaire rêvait donc d’un homme nouveau qui naît sous la plume de Claude-Michel Privat, dans un bref et beau poème, de la page 124..
Je voudrais finir en évoquant un mythe d’Amérique latine qui se nourrit du Colibri :
« La laideur et la rudesse répugnent à Colibri, animal allié. Il s’enfuit devant la discorde et le manque d’harmonie. Il vous aide, à sentir où réside la beauté, à poursuivre votre idéal et à cheminer avec aisance dans un bel environnement. Il a des qualités magiques, il réussit à faire naître l’amour et ouvrir les cœurs. Sans un cœur ouvert et plein d’amour, nul ne peut savourer le nectar de la vie. Colibri goutte chaque essence et reflète chaque couleur.
En tant qu’animal allié, Colibri vous demande de relever les défis.
Sainte-Luce, le 19/10/2007
Bibliothèque Municipale
Fernand Tiburce FORTUNE
écrivain