« La mission sacrée du prince Ouanilo », un roman de Patrice Louis

ouanilo_patrice_louisL’histoire de l’exceptionnel Ouanilo est transatlantique…

Voilà un homme né prince au royaume du Dahomey, exilé en Martinique où il noue des amitiés lycéennes, il devient notable naturalisé à Bordeaux en 1916. Africain ayant fait le choix de la France, il tourne le dos à son passé mais reste fidèle au roi son père. Deux notions de civilisation en un seul être, sa vie sera consacrée à faire revenir Béhanzin au continent natal. N’ayant pas réussi à le faire de son vivant, il ramènera son cercueil.

Patrice LOUIS a commencé à écrire le roman du fabuleux destin du prince Ouanilo en Martinique et l’a achevé au Bénin, l’ancien Dahomey, avant de se réinstaller dans l’Hexagone — auteur transatlantique.

MOTS DE LECTEUR :

« Ce roman, constitué de faits historiques avérés, replace le prince Ouanilo dans un contexte propice à la réflexion. Entouré de ses trois amis chacun représentant un milieu de la société martiniquaise – le béké, le blanc France et le créole noir – ils se lancent avec une innocence toute relative dans ce qui semble être un tableau comparatif de mœurs…

Ce texte permet de mener habilement une réflexion sur la notion d’équilibre entre savoir et civilisation de deux grands pôles, l’Afrique et l’Occident et aussi quelque part de questionner la légitimité de l’un par rapport à l’autre et des idées répandues. Là, la quête identitaire, si elle n’échoue pas complètement, prend en tout cas des voies inattendues qui détournent le héros de son destin royal. »

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Extraits croustillants (la larme à l’oeil ou l’eau à la bouche, au choix)

Que pèse une plume ? Si fine soit-elle, elle peut avoir de lourdes conséquences.
C’est à travers une plume Sergent-Major que le prince Ouanilo a transformé son existence. Le fils du dernier roi du Dahomey dirait-il « grâce à une plume » ou « à cause d’une plume » ? Le mystère est posé.
Avec elle, il a découvert l’amitié – ce qui n’est pas rien –, mais elle l’a confronté au poids d’un serment à tenir coûte que coûte en se présentant sans cesse devant lui.
« Il était une fois »… Les récits africains peuvent eux aussi débuter ainsi.
Ouanilo est l’héritier d’une dynastie séculaire sur laquelle il découvre qu’il n’a guère de prise.
Jusqu’à l’âge de cinq ans, le bel enfant noir vit dans l’oisiveté des privilégiés. Il est, certes, chétif et timide, et sa voix, douce, est efféminée, mais tout est organisé pour qu’il profite de l’indolence et des amusements. Il est né en décembre 1885 dans le palais paternel à Abomey, capitale du royaume que les prédécesseurs de son père ont bâti, consolidé et agrandi. Les hauts murs qui protègent le monarque et sa cour constituent son horizon.
Ah ! Abomey ! La ville, fondée par Houégbadja à plus de cent kilomètres de l’océan, contrôle le Dahomey.
Centre du royaume, elle a connu onze rois, elle a abrité onze palais.
À quatre-vingts mètres au-dessus du niveau de la mer, elle est facile à défendre, avec ses abords découverts au milieu d’une plaine, d’une savane herbeuse avec quelques arbres dont des baobabs. Les constructions royales, construites en argile pétrie durcie au soleil, s’étendent sur plus de quarante hectares, chaque souverain ajoutant son palais à celui de ses prédécesseurs, tous ornés de bas-reliefs. Les cours se succèdent : cour d’accueil, cour des audiences. L’ensemble est entouré de fortifications de deux mètres d’épaisseur sur dix de haut. Un large fossé renforce la protection.
Comme au Versailles du Roi-Soleil, la cour réunit des milliers de personnes : les femmes et les enfants du roi, les personnels commis à ses services, ses ministres, ses guerriers, les prêtres des cultes, les chroniqueurs, les chanteurs, les artisans.
Dans ce cadre, Ouanilo est le fils chéri du vidaho, le futur roi. En retour, l’enfant lui voue une profonde affection.
Il n’est pas entré dans l’Histoire. C’est l’Histoire qui fait irruption quand son père, le prince Kondo, accède au trône sous le nom de Béhanzin. L’enfant n’a pas le temps de connaître l’insouciance tant le souverain bouscule le cours des choses avec des Européens qui entendent développer leur présence en Afrique. Il est le témoin de la résistance de son père. (page 9)
Sans doute se souvient-il à chaque fois des propos qu’il a adressé à son fils dès leur installation : « Ouanilo, je t’envoie à l’école des Blancs pour les connaître afin de mieux les combattre. Au lion, n’oppose pas la force mais la ruse. À l’antilope, n’oppose pas la vitesse mais le piège. À tous, oppose la connaissance. Un jour, tu seras le Roi-Caïman et tu me succéderas, à moi le Roi-Requin. Fais-toi tronc d’arbre dans le fleuve. Imprègne-toi de l’eau du savoir. Quand Fâ l’exigera, ton écorce deviendra écailles et des crocs te pousseront.»
Béhanzin s’est ainsi exprimé un de ces soirs où il réparait l’absence d’éducation princière à Abomey, pour cause de guerre perdue. Lors de tête-à-tête s’achevant tard dans la nuit, le père racontait l’art de gouverner et la manière d’être un grand roi. L’initiation était tardive mais elle permettait de renouer les fils de la tradition dynastique.
Ouanilo est un moderne Télémaque auprès d’un Béhanzin-Ulysse, vainqueur, lui, de la guerre qu’il a menée contre Troie.
Il est d’autres propos que l’adolescent reçoit de son père qui vont le marquer profondément. C’est une sentence de son pays : « Kan to gbe nu e no gbe kan do » (C’est au bout de la corde tressée par le père que l’enfant tisse la nouvelle toile). En ces premières années d’exil, leurs deux esprits n’en font qu’une lecture : le père a élaboré et mis en oeuvre un projet ; au fils de reprendre l’ouvrage et de le mener à bien ; la façon lui appartient mais l’objectif est inchangé.
Pour être encore plus clair, le prince se sent investi d’un mandat. Qu’il monte ou non un jour sur le trône d’Abomey, il est comptable de la charge évoquée – faut-il dire transmise ? – par son père. Ouanilo doit mettre ses pas dans les pas de Béhanzin.
En attendant, il se fait tronc d’arbre et se fond au fil de l’eau. (page 20)

Ouanilo nous raconte alors qui sont ces Dahoméennes que, malgré ma mise au point, nous continuerons d’appeler Amazones puisque c’est ainsi qu’elles sont célèbres – et célébrées : « Le Dahomey s’est distingué avec des guerrières, lointaines héritières de ces héroïnes. Le royaume institue et perpétue ce corps de femmes-soldats qui se reconnaissent entre elles comme artilleuses, chasseresses, archères, fusilières, faucheuses…
À l’origine, ces femmes sont donc formées à la chasse à l’éléphant. L’initiative en revient au roi Houégbadja qui crée un détachement de chasseresses qui lui servent de gardes du corps quand elles ne sont pas en brousse. Elles révèlent un caractère et une condition physique exceptionnels. Leur vaillance quand elles font face aux pachydermes et l’absence de toute peur incitent Agadja à former ce corps de soldates. Une femme efficace contre un éléphant ne peut pas échouer dans la chasse à l’homme – et qu’est-ce que la guerre si ce n’est une perpétuelle poursuite jusqu’à ce que mort s’ensuive ?
Toutes semblables sous l’uniforme, elles n’ont pas toutes la même histoire. Les unes sont des esclaves, d’autres des condamnées à mort, certaines ont été tirées au sort. Il ne faut pas accorder trop de crédit à l’affirmation qu’elles devaient être vierges. Avec de tels passés, ce n’était pas garanti, même si une plaisanterie va répétant qu’il est plus d’hommes tués pour avoir voulu franchir le mur du camp des Amazones que les armes à la main.
Cette virginité est d’autant moins sûre que certaines avaient été mariées. Leurs époux s’en sont débarrassées et les ont livrées : À l’armée, argumentent-ils, elles pourront déverser l’énergie qu’elles refusaient aux travaux du ménage.
Le statut militaire offre aussi un moyen d’isoler des femmes rebelles susceptibles de troubler l’ordre établi.
En les incorporant, elles sont empêchées de propager des idées subversives.

Rares sont les volontaires, mais dès qu’elles deviennent des Amazones, elles se vouent entièrement à leur mission.
Au nombre de quatre mille sous le Roi, mon Père, elles lui sont fidèles comme une garde prétorienne. Elles s’entraînent à Zassa, dans l’ancien palais du roi. Leur uniforme est formé d’une chemise serrée à la taille par une écharpe et d’un caleçon s’arrêtant au-dessus du genou. Elles peuvent être bardées de tabliers de cuir cousus de cauris, coquillage symbolique et protecteur. Des grigris leur assurant l’invincibilité parachèvent leur tenue.
Elles sont coiffées d’une calotte blanche ornée d’un caïman bleu. (page 62)


Genre: Roman

Caractéristiques:

ISBN: 978-2-37520-502-0
Date de parution: 17 mars 2016
Type: Livre broché
Nombre de pages: 172
Dimensions: 220 × 140 × 15 mm
Poids: 300 g